Belgique

Attentats de Bruxelles: l’énigmatique Ali El Haddad Asufi est-il trop rusé pour être honnête ?

Condamné à dix ans à Paris pour sa participation aux attentats du 13 novembre, avec peine de sûreté des deux tiers, il est déjà libérable. Craignant une peine plus lourde, il n’a pas fait appel.

Mais cet homme, aux cheveux gominés et à l’allure de fricoteur qui trempe dans de petits trafics, a toujours protesté de son innocence. Poursuivi pour assassinat terroriste, il risque gros à Bruxelles et plaidera l’acquittement.

Pas de casier judiciaire

II est l’accusé dont la participation à la cellule terroriste est la plus diffuse. Il n’y a pas, chez lui, la moindre once de radicalisation. Il n’a pas de casier judiciaire. En 2016, il travaillait en CDI à l’aéroport Zaventem.

Devant les assises, il ne se démonte jamais. Il connaît le dossier par cœur. Du pouce et du majeur, il réajuste son micro avant de donner sa réponse. Il se faufile entre les questions, d’un air vaguement offusqué d’être accusé.

Il apparaît comme un fil rouge dans le parcours d’Ibrahim El Bakraoui, kamikaze à Zaventem. Il le connaissait depuis l’école. Il était, selon les juges d’instruction, son “homme de confiance” qui lui donnera de nombreux coups de main alors qu’il le devine recherché. Sa trace, même si elle est fugace à Max Roos, est apparue dans les deux planques d’où partiront les terroristes.

Le 14 mars 2016, l’occasion manquée de découvrir les terroristes des attentats de Bruxelles

De l’eau à son moulin

Au fil des jours, sa défense a engrangé des points, qu’elle compte capitaliser. Comme ce jugement rendu récemment aux Pays-Bas, dont la défense estime qu’il remet en question sa culpabilité retenue à Paris. La cour d’assises avait notamment estimé qu’Ali El Haddad Asufi était intervenu dans la recherche d’armes, pour le compte d’Ibrahim El Bakraoui, aux Pays-Bas. Or, le cousin d’Ali El Haddad Asufi aux Pays-Bas, qui était le contact à Rotterdam, vient d’être acquitté. De là à en déduire à l’erreur judiciaire ? C’est un pas que franchit la défense.

Ali El Haddad Asufi ne se démonte jamais. Il connaît le dossier par cœur. Du pouce et du majeur, il réajuste son micro avant de donner sa réponse. Il se faufile entre les questions, d’un air vaguement offusqué d’être accusé.

Jeudi, trois témoignages ont encore apporté de l’eau à son moulin. Le premier, d’un condamné notoirement impliqué dans le trafic d’armes à Bruxelles, a expliqué qu’Ibrahim El Bakraoui, qu’il a côtoyé en prison, avait tenté d’obtenir des armes par son intermédiaire. Mais qu’il a refusé. Il a expliqué, qu’à l’époque, c’était un jeu d’enfant de s’en procurer, pour 1 000 à 1 500 euros, dans des cafés bruxellois, auprès d’Albanais qui avaient des connexions en Yougoslavie. Pourquoi donc aller aux Pays-Bas ?

La lecture du témoignage d’un homme, condamné pour avoir fourni des chargeurs de Kalachnikov à Khalid El Bakraoui à l’été 2015, a fait dire à Me De Block que l’on n’avait à cette date plus besoin d’un fournisseur d’armes à la mi-2015 car on n’achète pas les chargeurs avant les armes, comme “on n’achète pas le dentifrice si on n’a pas la brosse à dents”.

Mais alors, pourquoi?

Un dernier témoin, inculpé dans le dossier des attentats avant d’obtenir un non-lieu, a confirmé qu’Ibrahim El Bakraoui – comme l’a toujours prétendu Ali El Haddad Asufi – n’a jamais montré le moindre signe de radicalisation. Si bien, qu’en aidant à loger discrètement El Bakraoui, Ali El Haddad Asufi serait crédible quand il dit que son intention était d’aider un ami à échapper à une arrestation car il n’avait pas respecté ses conditions de libération conditionnelle.

Nombreux ont été les témoins – jusqu’à une directrice de prison – à abonder dans ce sens : Ibrahim El Bakraoui ne montrait pas cette facette de djihadiste fanatisé. Mais, quand le doute n’était plus permis, soit quelques jours avant le 22 mars 2016, quand La Dernière Heure publiera, en Une, la photo des El Bakraoui, Ali El Haddad Asufi, qui a vu cet avis de recherche, ne bronchera pas. Or, il connaissait leurs deux planques et aurait pu appeler la police. Alors ? Est-ce par solidarité née d’une amitié ? Par peur ? Ou perce qu’il était lui-même dans le coup ? Ce sera au jury de le dire.

Au procès des attentats de Bruxelles, la Sûreté maintient le silence radio sur Oussama Atar