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Joe Biden, sans surprise candidat à sa réélection : un remake insipide de 2020 face à Trump ?

Cette intention très tôt exprimée n’en avait pas moins étonné les observateurs qui auraient plus naturellement vu Joe Biden s’éloigner après quatre ans au profit d’un héritier plus jeune, avec la double satisfaction d’avoir rempli sa mission – écarter Donald Trump du Bureau ovale – et couronné une carrière déjà exceptionnelle : trente-six ans au Sénat et huit années de vice-présidence au côté de Barack Obama, le premier président noir de l’Histoire. Le choix de Kamala Harris comme colistière avait pu les conforter dans cette analyse : une femme brillante, issue des minorités, paraissait avoir le profil idéal pour contempler la succession.

Kamala Harris, atout ou handicap ?

Las ! Cette prédiction a tourné court, Mme Harris se faisant on ne peut plus transparente et n’attirant la lumière médiatique qu’à l’occasion de l’une ou l’autre gaffe, commises notamment lors de ses rares déplacements officiels à l’étranger. Sans doute le vice-président est-il traditionnellement condamné à l’effacement, sinon à l’oisiveté, aux États-Unis, tant qu’il ne doit pas remplacer un président empêché ou décédé. Kamala Harris a, cependant, joué le rôle au point de se faire oublier. Aussi est-on en droit de se demander si elle est encore aujourd’hui, pour le candidat Biden, l’atout qu’elle était en 2020.

La décision de Joe Biden de refaire campagne avec elle est donc à la fois logique et surprenante. Logique car un président sortant retente généralement l’aventure avec son complice – ainsi qu’Obama l’avait fait avec Biden lui-même. Surprenante parce que le choix du colistier pourrait, cette fois, être décisif : non seulement pour fournir comme toujours un pouvoir d’attraction supplémentaire au ticket présidentiel, mais surtout pour rassurer les électeurs qu’inquiétera, plus encore qu’en 2020, la perspective d’élire quelqu’un qui pourrait ne pas aller au bout de son mandat. Tout le monde a en mémoire l’échec retentissant de John McCain, qui avait l’étoffe d’un excellent président, mais commit l’erreur de partager sa destinée en 2008 avec Sarah Palin, personnalité douteuse que beaucoup d’électeurs républicains ne voulurent pas mettre en position de succéder à un candidat jugé déjà trop vieux (McCain n’avait pourtant que 72 ans).

De la résignation plus que de l’enthousiasme

Il aurait pu être judicieux de changer de partenaire pour donner du tonus aux Démocrates qui paraissent plus résignés qu’enthousiastes à l’idée de soutenir de nouveau Joe Biden. Certes, le bilan du Président est meilleur que ce que suggère sa popularité, au plus bas dans les sondages. Il a fait passer des lois ambitieuses (par exemple celle sur la modernisation des infrastructures) avec un impact très positif sur l’économie, qui se prépare grâce à lui à relever les défis du futur (l’Amérique va ainsi profiter pleinement de la transition énergétique). Il s’est fait aussi le champion des causes chères aux Démocrates, à commencer par la défense du droit à l’avortement qui a pesé lourd dans la performance du Parti aux législatives de mi-mandat.

Tout cela devrait servir Joe Biden, sans compter qu’il projette toujours cette image rassurante d’homme d’État chevronné et modéré. Cependant, dans “vieux routier”, il y a “vieux”, et tout l’ennui dont ce qualificatif peut être chargé. Un sentiment d’ennui renforcé par la possibilité que le match de 2024 puisse n’être qu’un remake de 2020 avec un nouvel affrontement, à la fois caricatural et insipide, entre Joe Biden et Donald Trump. C’est le scénario qui a les faveurs de l’état-major démocrate, persuadé que le milliardaire new-yorkais, démonétisé par ses maigres accomplissements, ses dérapages complotistes et ses ennuis judiciaires, sera plus facile à battre. Mais encore faut-il que les électeurs surmontent leur lassitude pour aller aux urnes.

Biden contre Trump : une possibilité, pas une certitude

Le scénario est, par ailleurs, loin d’être acquis. Si Joe Biden aura la voie libre après avoir empêché le renouvellement des générations à la tête du Parti démocrate et prévenu la montée en puissance de rivaux potentiels, ce ne sera probablement pas le cas pour Donald Trump. Il mène largement dans les intentions de vote, mais n’en doit pas moins redouter une concurrence qui deviendra plus féroce au fil des mois. Le danger devrait venir principalement de Ron DeSantis, le gouverneur de la Floride qui ne s’est pas encore déclaré, mais s’affaire à consolider son image de présidentiable comme en témoigne la tournée diplomatique qu’il est en train d’effectuer dans quatre pays qui sont autant d’alliés indéfectibles des États-Unis : le Japon, la Corée du Sud, Israël et la Grande-Bretagne.

Au-delà du choc des valeurs et des idées, une confrontation entre Biden et DeSantis, 44 ans, serait aussi inévitablement une affaire d’âge. Les partisans du Président peuvent arguer qu’il avait assuré en 2020, mais il jouissait alors du bénéfice du doute et n’avait pas encore manifesté des signes de sénilité qu’on peut trouver aujourd’hui inquiétants. En misant de nouveau sur Biden et Harris, le Parti démocrate prend donc indéniablement un risque.