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À Khartoum, une équipe de médecins de MSF continue de travailler sous les bombes: « Il est impossible de tenir très longtemps dans ces conditions »

Le manque de liquidité est pointé dans de nombreux témoignages. “Les banques ont généralement été pillées par les deux camps qui s’affrontent”, poursuit Ali Hussein. “C’est l’ère de la débrouille pour se procurer de quoi survivre dans les rares magasins encore ouverts”.

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Une équipe d’urgence opère à Khartoum

Dans la capitale, l’eau est même devenue un luxe. “Tout est très compliqué”, confirme Marie Burton, coordinatrice chez MSF Belgique. “Dans la capitale, 60 % des hôpitaux sont hors d’usage, soit parce qu’ils ont été détruits par les combats, soit parce qu’ils ont été pillés. La pharmacie centrale du ministère de la Santé a été incendiée. De notre côté, nous avons réussi à obtenir des visas pour une équipe d’urgence qui est à pied d’œuvre depuis une bonne semaine dans un hôpital de Khartoum”. Une équipe d’expatriés composée d’un chirurgien, d’une infirmière de bloc opératoire, d’un anesthésiste, d’un médecin et d’une infirmière d’urgence, sans oublier deux coordinateurs.

”Ils travaillent et vivent sur place. Ils logent dans les sous-sols. On disposait de stocks de matériel à Khartoum et nous avons pu réaliser deux allers-retours entre ce lieu et l’hôpital. Nous avons donc le matériel nécessaire pour travailler, par contre, l’énergie fait souvent défaut. Nous avons le plus souvent recours à des générateurs mais l’essence est rare et chère”, poursuit Marie Burton.

MSF-Belgique est aussi présente, notamment avec une clinique mobile, à Wad Madani, un peu au sud de Khartoum sur une route très fréquentée depuis le premier jour des affrontements par un flux de réfugiés qui descendent soit vers l’Éthiopie, soit vers le Soudan du Sud. Depuis le début des combats, plus de 80 000 réfugiés ont fui vers l’Égypte, 51 000 vers le Soudan du Sud, 60 000 vers le Tchad et 16 000 vers l’Éthiopie. Mais il y a aussi plus de 730 000 déplacés internes, notamment dans la région du Nil Blanc (est) et dans le West Darfour (ouest). “À Wad Madani, nos équipes réalisent au moins 80 consultations par jour. Dans la région du Nil Bleu, nous avons également un service mobile de lutte contre la malnutrition”, poursuit Mme Burton. “Nous sommes en pleine saison des pluies, une période de soudure où les stocks de nourriture commencent à se raréfier et où nous sommes déjà habituellement confrontés à des pics de malnutrition, de recrudescence de paludisme ou de dingue. Évidemment, dans le contexte actuel, tout est encore exacerbé”.

Pas que des blessés de guerre

Dans la capitale, l’équipe fait face à l’arrivée de blessés mais aussi à l’afflux de nombreux malades privés de tout traitement parfois depuis près d’un mois. “Il y a bien sûr les blessés par balle ou suite à des explosions mais il y a aussi de nombreux malades qui ont besoin d’un traitement. Au Soudan, il y a de très nombreux diabétiques ou des patients sous dialyse qu’il faut aussi pouvoir soigner et parfois en extrême urgence parce qu’ils ont été privés de soin pendant plusieurs semaines. Il y a aussi des accouchements. Le travail ne manque pas et nous espérons pouvoir obtenir d’autres visas pour d’autres équipes pour organiser des rotations. Il est impossible de tenir très longtemps dans ces conditions”.

Pendant ce temps, les généraux, eux, continuent, tout en négociant la mise en place d’éventuels couloirs humanitaires, à se livrer une guerre sans merci soutenu chacun par des alliés qui doivent leur permettre de tenir sur la durée et tant pis pour les civils.