France

Sénatoriale 2023 : Alice Coffin tente de secouer le cocotier chez EELV à Paris

Il faut quand même le faire. Réunir une petite centaine de personnes dans un bar pour une réunion de présentation d’une candidature au vote interne d’un parti en vue des élections sénatoriales, ce n’est pas donné à tout le monde. Alice Coffin, conseillère de Paris et militante féministe et lesbienne, l’a fait, le 3 avril, à La Maison, dans le 10e arrondissement de Paris. Trois semaines plus tôt, le 8 mars, elle s’était déclaré candidate à l’investiture d’EELV pour un des deux ou trois sièges parisiens au Sénat promis à EELV en septembre. L’objectif : secouer le cocotier écolo et du Sénat. « Il faut rendre visible ce que certains ont intérêt à garder caché », explique Alice Coffin, qui met les élections sénatoriales, indirectes et peu lisibles, dans cette catégorie. « L’écologie c’est une manière d’exposer certains pouvoirs. »

Au programme, on ne parlera pas environnement : « On est dans une élection interne chez EELV, on n’a pas besoin de les convaincre de l’urgence climatique, assure Alice Coffin. En revanche, j’ai vraiment la conviction qu’on arrivera à rien si on ne change pas les institutions. » Alors la conseillère de Paris insiste sur le rôle des élus, et ce que ça changerait que elle soit au Sénat. D’une certaine manière, son activiste médiatique et son programme. Exemple à l’appui elle revient sur l’affaire Girard, qui l’a révélé, ou son rôle dans la primaire écolo avec Sandrine Rousseau. « C’est important d’avoir des paroles d’élues très fortes car elles influencent le récit médiatique », juge Coffin.

« On n’est pas en train de monter Cats »

C’est une vraie réunion « à l’américaine » qui a eu lieu. Pas une convention présidentielle bien sûr, mais on se serait cru dans une réunion avant un caucus pour désigner un candidat ou une candidate à une législature locale. «  »On n’est pas en train de monter Cats », me dit souvent Yuri (sa compagne, NDLR) mais moi je pense qu’il faut toujours voir les choses en grand, même si c’est un scrutin interne », croit l’élue de Paris. Et ça séduit : une petite centaine de personnes « c’est bien pour une réunion écolo, juge un compagnon de route d’EELV. Mais je suis même pas sûr qu’il y ait 50 % d’adhérents au parti… »

On connaît le problème côté Coffin, qui s’étonne presque quand elle rencontre un ou une encartée. « C’est toujours pareil avec le courant de Sandrine Rousseau : ils ont gagné plein de sympathisants, plein de jeunes pendant la primaire, mais ils ne les ont pas fait rentrer dans le parti. C’est pour ça qu’elle s’est ramassée au congrès », analyse un militant de longue date. Et puis Alice Coffin est partie tard en campagne, quand ses concurrentes sont déclarées depuis des mois. « Une élection interne, c’est un exercice particulier, explique David Belliard, adjointe aux transports d’Anne Hidalgo, qui avait gagné ce vote pour être la tête de liste EELV aux municipales de 2020. C’est une élection où il faut aller boire des cafés avec tout le monde. C’est parfois fatigant pour les candidats et candidates, mais c’est essentiel, il faut le faire. »

« On n’essaye pas de tuer la voisine ! »

Dans cette course au Sénat, Alice Coffin ne fait face qu’à des femmes puisque les écolos désignent séparément les hommes et les femmes pour respecter la parité. Les principales candidates sont l’adjointe à la Mairie de Paris Anne Souyris, et Antoinette Guhl, vice-présidente de la Métropole du Grand Paris. Toutes sont conseillère de Paris. « Bien sur que je suis embêtée ! », sourit Coffin qui s’est donné pour règle de ne jamais critiquer une femme publiquement. Mais la campagne se passe bien et sa candidature a été bien accueillie parmi les élus écolos de la Ville de Paris. « On n’essaye pas de tuer la voisine », rassure Anne Souyris.

L’adjointe chargée de la santé axe sa candidature sur son domaine de prédilection. « On n’a pas de politique de santé environnementale, de santé communautaire et de démocratie sanitaire. On fait ce qu’on peut au niveau local, parfois à la limite de la désobéissance civile, mais au bout d’un moment on bute sur le national. Au bout d’un moment ça veut dire des morts en plus ! » Antoinette Guhl, elle, ne veut pas mettre de sujet en avant, pour mieux se poser en rassembleuse et défenderesse de « toutes les thématiques de l’écologie ». Et pour cause, c’est la candidate de la direction du parti, et donc favorite.

« C’est la candidate de l’establishment, comptablement c’est elle qui doit gagner », prévient un bon connaisseur du parti qui baillerait presque face à cette candidature et avoue une « bienveillance » avec les candidatures d’Anne Souyris et Alice Coffin, « plus affirmées politiquement ». Pour lui, Alice Coffin a le mérite de « remettre un peu de peps et d’enjeux » à cette élection : « Pour un militant ou une militante, alors qu’on parle d’un poste Sénat qui a une importance relative, c’est pas mal d’avoir une candidate qui raconte quelque chose ! Elle donne à voir autre chose sur cette élection engoncée que sont les sénatoriales. » Pour autant, il ne croit pas en sa victoire. « Je pense qu’elle peut compter sur une cinquantaine de voix, mais il lui en faudrait au moins une centaine de plus. »

« On est un peu à l’aveugle »

A partir de jeudi, les militantes et militants vont voter tout le week-end… Mais leur vote n’est que consultatif. C’est comme ça la plupart du temps chez EELV car la règle est de respecter la proportionnalité entre les motions lors du congrès chez candidates et candidats investis. « On nous raconte l’histoire d’un parti qui se déverrouille, qui s’ouvre… Mais comme d’habitude c’est la commission d’investiture qui aura le dernier mot », déplore un cadre. « J’ai reçu plein de messages de militantes et militants qui me disent  »franchement ta candidature c’est super, c’est ce qu’il nous faut, mais je suis déjà engagé dans une motion ». J’entends beaucoup ça, et franchement c’est un peu désespérant », expliquait au micro Alice Coffin lors de sa réunion.

« Franchement, s’il y a un endroit où il y a toujours des surprises, c’est bien chez les écolos », assure Anne Souyris. D’autant qu’on attend 300 à 500 votants et votantes grand max. Dans ce type de scrutin, les petits mouvements de voix peuvent bousculer équilibres. « On est un peu à l’aveugle », reconnaît David Belliard. Pour autant, en privé, personne ne se risque à un pronostic iconoclaste. Le cocotier est solide.