France

Réseaux sociaux : C’est quoi exactement la différence entre influenceurs et créateurs de contenus ?

Pour Squeezie, Cyprien ou Seb la Frite, pas question d’être placé au même niveau que les Maeva Ghennam, Julien Tanti, Marc Blata ou autre Dylan Thiry. Quelques heures après la publication d’une tribune dans le JDD, visant à alerter les députés avant le vote d’une loi sur la régulation du secteur de l’influence, plusieurs des signataires se sont désolidarisés du texte. Et pour cause, certaines stars du Web craignent d’être assimilées à des personnalités accusées de pratiques douteuses – les fameux « influvoleurs » –, qui pourraient craindre de voir leurs activités mieux encadrées avec cette loi.

C’est le cas de Squeezie, la méga star de YouTube aux 18 millions d’abonnés, qui était signataire du texte avant de faire volte-face dimanche soir : « On m’a présenté cette tribune comme un moyen de nous défendre devant des lois trop extrêmes, qui auraient pu pénaliser à tort les honnêtes créateurs de contenu » alors que, parmi les signataires, « on retrouve des influenceurs à l’origine même du problème (des gens qui ont mis en avant du casino, de la chirurgie esthétique, des escroqueries, etc.) », a-t-il réagi dans un texte publié sur Twitter.

« J’ai toujours été irréprochable et transparent dans mon travail avec les marques. Je ne suis pas impacté par ces lois, je n’ai rien à perdre avec cette réforme qui est destinée à réglementer des placements de produits immoraux, principalement faits par des influenceurs malintentionnés. Je me réjouis que ces arnaqueurs soient enfin sanctionnés », a-t-il ajouté.

« Le mot influenceur est devenu un gros mot »

Et Lucas Hauchard, de son vrai nom, n’est pas le seul à avoir pris ses distances avec ce texte, initié par l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (Umicc). Ils sont des plusieurs dizaines de personnalités d’Internet à avoir fait marche arrière, avec toujours le même argument : il faut faire la distinction entre créateurs de contenu et influenceurs. « Ce truc, on nous l’a vendu comme quelque chose qui allait dire : faites attention, faites une nuance entre les créateurs de contenus et les influenceurs de Dubaï », a par exemple regretté le youtubeur Seb la Frite, lundi matin, au micro de France Inter.

Car – au risque de tirer une conclusion simpliste –, les influenceurs et les créateurs de contenus portent bien leurs noms : les influenceurs ont une influence dans un certain domaine et les créateurs de contenu produisent des contenus. « Pour les créateurs de contenu, il y a une vraie notion de créativité, de création, que ce soit avec de la vidéo et du montage sur YouTube ou l’audio pour les podcasts, par exemple », explique Manon Mariani, journaliste spécialiste des réseaux sociaux sur France Inter à 20 Minutes. « Quand aux influenceurs, ils ont une influence, un certain impact, dans le domaine sur lequel ils sont présents. Prenez Léna Mahfouf, elle est devenue une référence dans le milieu de la mode et quand elle a lancé sa marque de vêtements, Hôtel Mahfouf, ça a cartonné. Elle est devenue une figure dans son domaine », ajoute-t-elle.

Pour Lydia Menez, cheffe du service TikTok chez Loopsider, c’est aussi une question de terminologie. « Le mot influenceur est devenu un gros mot ces dernières années, donc ils en ont créé un autre pour se différencier », a-t-elle décrypté auprès de 20 Minutes. « Mais c’est une seule et même catégorie. Ceux qui se disent créateurs de contenu sont des influenceurs, mais ils veulent simplement se différencier. Ils estiment qu’ils apportent une plus-value, ils ne se mettent pas dans le même panier. Mais au final, ils sont tous influenceurs, ils ont le même modèle économique, à savoir des partenariats et des promotions de produits », ajoute-t-elle.

Influenceurs VS « influvoleurs »

Pourtant, Léna Mahfouf ne fait pas partie des influenceurs visés par Seb la Frite dans ses propos – d’autant plus qu’il s’agit de sa petite amie. Non, les influenceurs dont parle le youtubeur, ce sont bien les « influvoleurs ». Ce terme, crée par Booba, désigne un influenceur qui fait la promotion de produits de contrefaçons, parfois dangereux, ou qui arnaque son audience avec de faux bons plans financiers, des paris en ligne ou des escroqueries à la formation. « Dans la majorité des cas, ce sont des personnalités issues de la téléréalité, qui font des partenariats ou de la publicité pour tout et n’importe quoi, mais surtout des produits ou de pratiques à risque : les vêtements contrefaits ou plus graves, comme la chirurgie esthétique, les facettes, les capsules minceurs ou encore le fameux lifting vaginal de Maeva Ghennam », analyse Lydia Menez.

Et si les créateurs de contenus font eux aussi la promotion de produits ou des partenariats, il s’agit de « produits moins problématiques », rappelle Manon Mariani. Car là où Maeva Ghennam vante les mérites du lifting vaginal, Kim Glow du lipofilling fessier et Marc Blata du copytrading, du côté des créateurs de contenu, c’est un tout autre registre. Dans les contenus de Squeezie, on trouve des vidéos sponsorisées par Amazon Prime, l’entreprise de sécurisation de réseau NordVPN ou encore le constructeur téléphonique Vivo, tandis que Mc Fly & Carlito, eux, collaborent par exemple avec le jeu vidéo Bitlife, l’application de livres audios Audible ou Rhinoshield, spécialisé dans les accessoires de smartphones. Le match, ce n’est donc pas tellement créateurs de contenu versus influenceurs, mais influenceurs contre « influvoleurs ».

D’une catégorie à l’autre

Si l’image négative de « l’influvoleur » colle sans relâche à la peau de certains, d’autres ont – brillamment – réussi à s’en détacher. A ce petit jeu, on peut aisément nommer Nabilla Vergara (8,3 millions d’abonnés sur Instagram) ou Caroline Receveur (5,2 millions). Anciennes starlettes de la téléréalité, toutes deux popularisées dans Les Anges de la téléréalité, les deux jeunes femmes sont devenues de véritables égéries de mode et des entrepreneuses reconnues.

« L’exemple de Nabilla est très parlant. Elle est passée de candidate de télé à queen de l’influence, version Kylie Jenner à la française », explique Manon Mariani. En quelques années, Nabilla a fondé sa marque de cosmétique, défilé pour Jean-Paul Gaultier, fait la couverture de Vogue Arabia et ne fait quasiment plus aucun post sponsorisé. « Elle a réussi à capter l’attention d’autres personnes. Elle a été habillée par Jean-Paul Gaultier, elle est invitée dans des défilés, elle est validée par le monde de la mode. Le switch s’est fait, elle est passée dans l’autre catégorie », ajoute la journaliste de France Inter.

Même chose pour Caroline Receveur. Fini la télé et les partenariats à tout va, la jeune femme collabore désormais avec des grands noms, comme L’Oréal, Kérastase, Armani ou APM Monaco. Elle a également fondé plusieurs sociétés, dont Wander tea, sa marque de vêtements Recc Pari ou celle de produits de beauté Osée. En juin 2019, elle a fait la couverture du magazine Forbes France. « Les deux sont passées dans une autre dimension. Elles se sont détachées de cette image de la téléréalité », ajoute Lydia Menez.
Un bon virage, selon la journaliste, qui estime que « l’âge d’or des influvoleurs » est terminé. « Les gens font davantage attention à ce qu’ils achètent, ils en ont marre de se faire arnaquer et le secteur va être régulé, forcément ça marche moins bien », conclut-elle.