France

Réforme des retraites : « J’ai peur de perdre un œil », nos lecteurs témoignent de la violence pendant les manifestations

Le bras de fer continue entre les manifestants et le gouvernement pour cette dixième journée de mobilisation alors que la tension est montée d’un cran dans les cortèges qui s’opposent à la réforme des retraites. Une atmosphère qui dissuade certains de nos lecteurs et lectrices de manifester, par peur de se retrouver au milieu d’affrontements et des dégradations. « Je ne vais pas manifester car j’ai peur des violences policières et des violences des casseurs », nous confie ainsi Virginie. « La casse dessert le message d’une manifestation, selon Gil. Si elle ne se fait pas dans l’ordre, elle est négative. » Un avis partagé par Gabriel : « Je ne manifeste pas à cause de ceux qui profitent pour casser. La police et la justice devraient être bien plus sévères à leur encontre. » De son côté, Valérie fera grève, mais ne manifestera pas : « Plus jeune, je suis allée manifester dans les rues, aujourd’hui à cause des violences, je fais des heures de grève mais sans aller dans les cortèges de rue, trop peur des débordements ».

Les actes de violences partagés sur les réseaux sociaux et par les médias pendant les manifestations dissuadent aussi certains de nos lecteurs et lectrices d’aller manifester pour la première fois. « Je vois beaucoup d’images où la police intervient très violemment sur les manifestants, qu’ils soient pacifiques ou non, et cela ne donne pas envie de venir manifester, bien que je sois d’accord avec les revendications de la foule », souligne Sylvain. Sandrine prévient qu’elle n’ira pas manifester pour éviter de revenir blessée : « Je suis contre la réforme des retraites mais pas au risque d’aller me mettre en danger. » Une situation jugée anormale par Ibrahim. « Ce que je vois chez nous est très proche de ce qui se passe dans les manifs en Iran et dans d’autres pays… La police n’est jamais poursuivie, affirme-t-il. Oui j’ai peur de perdre un œil ». Des violences policières redoutées, notamment de la BRAV-M, alors qu’une pétition pour dissoudre l’unité de police recueille plus de 100.000 signatures, seulement cinq jours après sa parution.

Créées en 2019 pendant les manifestations des « gilets jaunes », les Brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M), ont pour objectif de se déplacer d’un point A à un point B le plus rapidement possible dans Paris. Il existe actuellement 92 équipages à motos, divisés en six sections. Les BRAV-M évoluent de manière autonome, ne répondant à aucune autorité directe, contrairement aux autres unités de police, pour interpeller rapidement sur le terrain.

La mobilisation « quoi qu’il en coûte » ?

Mais qu’ils soient parents ou futurs parents, certains redoutent aussi l’augmentation des actes violents pendant les manifestations contre la réforme des retraites. « J’ai 35 ans, et j’ai une fille de 3 ans. C’est inimaginable d’aller manifester quand on voit les images de policiers qui matraquent n’importe qui, avance Morgan. Le fait de se faire nasser et gazer à chaque manifestation est inadmissible. » Céline, qui attend un bébé, « ne souhaite pas prendre le risque de venir manifester à cause des violences policières. Les charges de la BRAV-M se font souvent sans raison et n’importe qui peut être victime de violence de la part de policiers peu enclins à suivre la loi et la déontologie ».

Si la violence peut décourager certains de nos lecteurs et lectrices à battre le pavé, elle devient pour d’autres, une justification supplémentaire de poursuivre la mobilisation. « Les violences policières ne me dissuadent pas, au contraire, elles me provoquent un sentiment de dégoût profond et me poussent à revendiquer mes droits dans la rue », indique Lucie. « Cela ne me dissuade pas car nous savons que les manifestations sont toutes pacifiques et n’ont pas pour but de taper des forces de l’ordre, abonde Jessy. De plus, l’instant est trop grave pour ne pas aller manifester. »

Pour d’autres, les comportements du gouvernement et de la police justifient cette montée des tensions. « Non, ces violences ne m’empêcheront pas de manifester, le sujet est trop grave et trop impactant pour laisser passer et s’il faut passer par la violence alors qu’elle s’exprime », estime Jean. Un choix que partage aussi Ludwig : « Les violences policières donnent d’autant plus envie de combattre à la fois le gouvernement et sa police en utilisant tous les moyens nécessaires. Le combat contre la réforme des retraites ne devrait être que le début d’une lutte plus étendue pour changer globalement notre fonctionnement ».