France

Immigration : Pourquoi il faut prendre les chiffres annoncés par Eric Ciotti avec des pincettes

Lors de son passage sur Europe 1, mercredi, Eric Ciotti, député et président des Républicains, a avancé que la France se place « dans une situation d’urgence absolue en matière d’immigration ». Selon lui, « jamais nous n’avons accueilli dans l’histoire de France autant d’étrangers qu’en 2022. C’est le record absolu. »

Le député a détaillé son propos en expliquant que « 500.000 étrangers en situation régulière ont été accueillis en France, légalement, l’année dernière ; sans compter les 700.000 à 800.000, peut-être un million, qui s’y trouvent ; sans compter les mineurs isolés étrangers, les clandestins mineurs ». Et d’appeler à une « révolution en matière de politiques migratoires », qui se baserait sur un « référendum ». Une déclaration qui intervient alors que le gouvernement a annoncé un nouveau report du texte sur l’immigration, fer de lance de la droite.

FAKE OFF

L’équipe d’Eric Ciotti a indiqué à 20 Minutes que tous les chiffres cités provenaient d’une publication du ministère de l’Intérieur datant du 26 janvier. « 476.433 étrangers sont entrés légalement en France en 2022 : 21 % de plus qu’en 2021 », y apprend-on. Le détail du calcul est le suivant : « 320.330 titres de séjour délivrés en 2022 + 156.103 demandeurs d’asile en 2022 = 476.433 étrangers entrés légalement sur notre territoire en 2022. »

Ce sont effectivement les chiffres qui se trouvent dans le bilan du gouvernement. En ce qui concerne les titres de séjour délivrés, ils sont en hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. A noter également que parmi les demandeurs d’asile, se trouvent des premières demandes mais aussi des réexamens. Et qu’un demandeur d’asile peut obtenir un titre de séjour « au titre de l’asile » la même année qu’il a déposé une demande d’asile, et donc figurer dans les deux catégories. Un doublon qui peut largement modifier ces chiffres, et les ramener à la baisse.

Toujours est-il que les « premières demandes d’asile » frôlent leur maximum de 2019 (137.046 contre 138.420), et que les « primo délivrances de titres de séjour hors Britanniques », dépassent largement leur plus haut de 2021 (320.330 contre 273.360). De bons arguments pour affirmer que l’accueil légal d’immigrés en France a atteint son record en 2022.

Spéculations sur les mineurs non accompagnés

L’équipe du député précise d’ailleurs que ces chiffres ne prennent pas en compte les mineurs non accompagnés (MNA) qui représentent, selon eux, « 11.315 ordonnances et jugements de placement en 2021 ». Là aussi, il s’agit bien du chiffre avancé par le ministère de la Justice. « Concernant les MNA, les chiffres pour 2022 n’ont pas été communiqués à ce stade mais on peut s’attendre à une hausse compte tenu du fait que les délivrances de titres de séjours et de demande d’asile ont augmenté », note l’entourage d’Eric Ciotti.

Il ne s’agit donc que de spéculations. A noter que le nombre de MNA accueillis en France varie énormément. En 2020, il y avait seulement 9.524 ordonnances et jugements de placement, contre 16.760 en 2019 ou encore 17.022 en 2018.

Les entrées illégales difficilement quantifiables

L’équipe du président de LR assure ensuite qu’au sujet des clandestins, « Gérald Darmanin avait estimé dans la presse leur nombre entre 600.000 et 700.000 et Patrick Stefanini dans son livre avait estimé à 900.000 ». Ce dernier est une figure historique de la droite, qui a publié l’ouvrage : Immigration : Ces réalités qu’on nous cache, en 2020.

Le ministère de l’Intérieur, dans ses « chiffres clés de l’immigration 2021 », expliquait évaluer le nombre de personnes en situation irrégulière dans le pays par le biais de l’aide médicale d’Etat (AME), perçue « sous conditions de résidence stable (3 mois de résidence ininterrompue en France) et de ressources ». Un chiffre peu fiable, puisque tous les concernés ne l’obtiennent pas et, surtout, ne la demandent pas.

Par ailleurs, selon les chiffres de 2020 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est le pays ayant la plus faible proportion de personnes nées à l’étranger au sein de sa population. En moyenne, l’accueil d’immigrés de manière définitive sur le sol français correspondait à 0,4 % de la population du pays chaque année, contre 0,69 % en moyenne au sein des autres pays de l’OCDE.