France

Corse : Des amarrages de yachts financés par un fonds « écologique » du gouvernement ?

La nouvelle circule depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux : des coffres d’amarrage pour accueillir des yachts de 24 mètres, dans le golfe d’Ajaccio, seraient financés en grande partie par les fonds verts du gouvernement. « L’absurdité est à son paroxysme », écrit un internaute sur Twitter. En effet, de nombreux militants écologistes, ou de simples citoyens Français, trouvent l’information « trop grosse pour être vraie ». « Comment peut-on financer les vacances de gros pollueurs avec un fonds destiné à l’écologie, dont la préservation de nos mers et de nos fonds marins ? », se questionne l’un d’eux. Et pourtant, tout est vrai.

FAKE OFF

Le 3 avril, la Première ministre a présenté les lauréats du fonds vert, créé l’été dernier pour financer des projets écologiques. « Avec le fonds vert, le gouvernement est déterminé à agir pour affronter les défis écologiques face à nous. La planification écologique appelle une action commune, ambitieuse et s’incarne dans des projets concrets », expliquait alors Élisabeth Borne.

Parmi les bénéficiaires de ces 2 milliards d’euros d’aides : l’installation de deux bouées dans le golfe d’Ajaccio, pour permettre aux yachts de plus de 24 mètres de s’amarrer sans jeter l’ancre et préserver les champs d’herbiers sous-marins. Grâce à 521.000 euros de fonds publics, les luxueux bateaux pourront donc s’arrêter dans la zone. Un projet porté par porté par la chambre de commerce et d’industrie de l’île qui a un coût total de 664.000 euros.

Le ministère de la Transition écologique, qui gère le dossier, a déclaré : « Actuellement, les ports insulaires corses, insuffisamment équipés, sont dans l’incapacité de répondre à la fréquentation croissante des navires de la grande plaisance (plus de 24 mètres) ». Jusqu’à présent, ces imposants bateaux jettent l’ancre au large de l’île de Beauté. Une pratique destructrice pour la biodiversité sous-marine.

 Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a également été questionnée sur le sujet au micro de France Info. Elle avait alors déclaré que cela « sert à préserver la biodiversité des eaux corses », en particulier la posidonie. Ces herbiers marins abritent une biodiversité très riche, et peuvent stocker des quantités massives de carbone : ils représentent moins de 0,2 % de la surface des océans mais comptent pour 10 % du carbone absorbé annuellement par ceux-ci.

Un système plus écologie ou simple « privatisation de la mer » ?

La cause semble alors plutôt noble. Pourtant, certains doutent que ce type d’amarrage soit réellement plus respectueux de l’environnement que le simple « jet d’ancre » au large. L’association de protection de l’environnement corse U Levante, notamment, conteste les vertus écologiques prêtées à ces coffres d’amarrage, lestés par un bloc de béton de plusieurs tonnes posé au fond de la mer. Effectivement la question se pose : en quoi un bloc de béton détruirait moins les fonds marins qu’une ancre de bateau ? La réponse donnée par la CCI de Corse, porteuse du projet, est que ce bloc est troué, permettant ainsi un meilleur respect de la biodiversité sous-marine.

Les associations rejettent majoritairement cet argument. S’ajoute à cela la pollution occasionnée par les yachts, sans oublier l’emplacement problématique des amarrages. La grande majorité est située dans des aires marines dites protégées face à des sites terrestres emblématiques : parcs naturels et sites Natura 2000. Ces lieux sont classés afin de préserver une biodiversité spécifique, qui est parfois en danger. « Ces mouillages organisés sont donc destructeurs de la faune et de la flore marines : au lieu de protéger la biodiversité, ils vont accentuer son effondrement », souligne U Levante.

Ce qui coince également, c’est le fait de financer le développement du tourisme en yacht au nom de la biodiversité. Différents militants dénoncent un nouvel exemple de « l’écologie pro patronale » menée par le gouvernement. De son côté, l’association U Levante dénonce depuis plusieurs mois « un processus d’urbanisation et de privatisation de la mer », dans la région la plus pauvre de France métropolitaine.