France

« Apaches » : « Rendre l’univers ancien du Paris 1900, moderne et punchy est une vraie réussite », assure Jérémy Tessier

Il a passé dix ans de sa vie à compiler les histoires des Apaches de Paris, ces gangs qui sévissaient dans le Paris de la Belle Epoque, avant de se lancer dans l’écriture d’un livre éponyme sur le sujet. Jérémy Tessier dont l’ouvrage est sorti en janvier aux éditions City, plonge son lecteur dans l’histoire d’un Paris peu connu, et établit des parallèles entre les jeunes des gangs du début du XXe siècle et ceux d’aujourd’hui.

Il est donc un expert privilégié pour discuter avec 20 Minutes du long métrage de Romain Quirot, « Apaches », sorti au cinéma mercredi et qu’il a déjà visionné deux fois. « Je n’ai pas été associé sur la partie création du projet, même si j’ai été consulté sur les faits historiques et sur où et comment trouver des vieilles armes et du mobilier d’époque. Je suis plutôt un partenaire sur la partie relais et promotion du film. On échange depuis plus d’un an et demi/deux ans ». Rencontre.

Pour vous, quels sont les passages caractéristiques du film de Romain Quirot ?

Jérémy Tessier, l'auteur des "Apaches de Paris".
Jérémy Tessier, l’auteur des « Apaches de Paris ». – Jérémy Tessier

Rendre l’univers ancien du Paris 1900, moderne et punchy est une vraie réussite. Les musiques, le rythme, les images. Mais on retrouve vraiment le côté sale. C’est vraiment l’esprit Paris 1900 où il y avait vraiment des enfants des rues, qui à dix ans, volaient pour vivre. Tout ce qui concerne le droit à l’enfant et les centres pour mineurs s’est vraiment développé à cette époque avec des nouvelles lois pour les protéger.

J’ai beaucoup aimé l’idée qu’on voit les Apaches via le prisme d’une femme, de son épopée pour tenter de devenir Apache, d’intégrer ce milieu d’hommes, rempli de codes.

Il y a une partie de mon livre sur la place des femmes et sur les bandes de femmes de l’époque, notamment celle de Casque d’Or qui était une prostituée qui traînait avec les Apaches. Elle est restée célèbre parce qu’il y a eu une guerre de gang dont elle était l’objet. A l’époque, même si les femmes avaient une condition assez déplorable, certaines ont réussi à se faire des places importantes dans les bandes Apaches.

Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser aux Apaches de Paris ?

J’étais passionné par l’histoire de Paris. Il y a dix ans, je suis tombé sur la Belle Epoque et les Apaches de Paris. J’ai lu quelques articles sur le sujet et ça m’a donné envie de creuser. J’ai progressivement découvert cet univers avec le nom des bandes, les Loups de la Butte, les Monte-en-l’air des Batignolles, les Costauds de la Villette. Ça m’a donné de la matière pour lancer un blog. Le livre, c’est une conclusion autour de ces années avec les informations que j’ai pu découvrir, digérer et mettre en forme. Il y a énormément d’informations sur le Paris populaire des années 1900 mais pas forcément très accessibles ou alors qui nécessitent un gros tri.

Le livre est une synthèse abordable sur l’univers des Apaches et tout ce qu’il y avait autour à cette époque : la presse, la police, la place des femmes, les prisons, etc.

Dans votre livre, y a-t-il une histoire en particulier qui vous a marqué ?

Celle qui m’a particulièrement marqué est celle de Milo. Il s’appelait Emile, c’était un jeune Parisien. Toute sa vie, il a été confronté aux problèmes vécus par les jeunes des quartiers populaires à cette époque, c’est-à-dire commencer par des petits larcins, aller en prison et développer son appétence pour le monde du crime, rencontrer des plus gros bonnets, monter sur des cambriolages. Évoluer progressivement vers la grande délinquance. On suit son parcours à travers les rapports de police et à la fin, il finit au bagne à Cayenne.

Alors qu’en fait, ce n’est pas un grand criminel, c’est un délinquant qui n’a pas su s’en sortir. Il n’y a pas beaucoup d’histoires où on a la totalité du chemin de ces jeunes de l’époque. Mais lui, entre ses débuts très tôt dans la délinquance et les rapports de police, on suit son histoire dans sa totalité. Il meurt à moins de 25 ans. Je trouve que son histoire résume bien les parcours des jeunes Apaches de l’époque. J’y ai trouvé de la résonance avec la jeunesse populaire d’aujourd’hui

A quel point y a-t-il des similitudes entre les gangs de la Belle Epoque et les bandes d’aujourd’hui ?

C’étaient des jeunes qui étaient dans des quartiers populaires de Paris, à l’époque Montmartre, Saint-Ouen… Qui étaient immigrés. Il y avait déjà le goût pour bien s’habiller, pour la fête, les surnoms, l’argot qui se retrouvent dans les codes des bandes d’aujourd’hui.

Ces délinquants venaient d’Espagne, de Belgique, d’Italie et donc il y a beaucoup de similitudes entre les deux époques. Puis aussi avec la presse de l’époque qui privilégiait les gros titres, avec des journaux tirés à plus d’un million d’exemplaires. J’y ai vu des similitudes avec ce qu’on peut trouver en ligne, l’attrait du clic.