France

Affaire Péchier : L’anesthésiste de Besançon mis en examen pour 30 empoisonnements, dont 12 mortels

Interdit d’exercer, convoqué de multiples fois devant la justice… L’anesthésiste Frédéric Péchier a beau clamer son innocence, son dossier ne cesse de s’alourdir au fil des interrogatoires. Il est désormais mis en examen « de façon définitive » pour 30 empoisonnements présumés de patients à Besançon, dont 12 sont décédés. Un dossier hors norme.

Interrogé mercredi pour la troisième fois depuis le 8 mars par la juge d’instruction Marjolaine Poinsard, dont il a demandé la récusation, M. Péchier, 51 ans, a été mis en examen ce jour pour un nouveau cas présumé et placé sous le statut, plus favorable, de témoin assisté pour un autre, a indiqué le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux.

Au total, sur les 32 cas d’empoisonnements supposés pour lesquels les enquêteurs le soupçonnent, l’anesthésiste est donc mis en examen « de façon définitive » pour 30 d’entre eux, dont 12 mortels, a détaillé M. Manteaux. Il est placé sous le statut de témoin assisté pour les deux restants, parmi lesquels un mortel, a-t-il ajouté.

C’est la troisième fois en un mois, et peut-être la dernière, que Frédéric Péchier est interrogé par la juge. L’interrogatoire, suspendu à la mi-journée, a repris à 14 heures. Alors que les dernières auditions et mises en examen de M. Péchier dataient de 2019, la juge entendait mettre cette nouvelle série d’auditions à profit pour l’entendre sur huit derniers cas dits « supplétifs » d’empoisonnements supposés.

L’alerte donnée par un confrère

La magistrate, qui souhaite manifestement boucler son dossier, voulait aussi récapituler l’ensemble des dossiers dans lesquels elle souhaitait mettre M. Péchier en examen. Sur ces huit derniers cas, l’anesthésiste est donc mis en examen pour six et placé sous le statut de témoin assisté dans deux autres.

Frédéric Péchier est suspecté d’avoir pollué, entre 2008 et 2017, les poches de perfusion de patients dans deux cliniques privées de Besançon pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit. L’affaire avait débuté lorsqu’une anesthésiste d’une clinique de Besançon avait donné l’alerte après trois arrêts cardiaques inexpliqués de ses patients en pleine opération.

En janvier 2017, une information judiciaire avait été ouverte et deux mois plus tard, M. Péchier, qui exerçait dans cette clinique, avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour sept premiers cas d’empoisonnements présumés de patients, puis pour 17 nouveaux cas en 2019, ce qui portait à l’époque à 24 le nombre de patients concernés, âgés de 4 à 80 ans.

Contrôle judiciaire allégé

L’anesthésiste, qui vit dans la Vienne, a vu son contrôle judiciaire récemment allégé et peut désormais revenir dans le Doubs voir sa famille. Mais une récente ordonnance de la juge d’instruction lui interdit d’exercer la médecine, décision contestée par la défense devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Besançon.

Carrure imposante, barbe poivre et sel, M. Péchier était arrivé sans faire de commentaires peu avant 10 heures au tribunal judiciaire de Besançon. « On n’a pas de réponse » à la demande, déposée il y a une semaine, de dessaisissement de la juge d’instruction, a déclaré d’emblée l’un de ses avocats, Me Randall Schwerdorffer. Il a jugé « assez particulier » de venir à un interrogatoire « après avoir demandé la récusation » de la juge « sans avoir de réponse ».

Après avoir choisi de garder le silence depuis le début de cette nouvelle vague d’auditions, le praticien a cette fois « répondu à quelques questions » de Mme Poinsard, « celles où il est en mesure de répondre parce qu’on a les éléments », a indiqué à la suspension l’avocat, qui s’exprimait aux côtés de son client.

Notre dossier sur l’affaire Péchier

La défense se plaint de ne pas avoir reçu avant ces interrogatoires un « pré-rapport » d’expertises qui a servi de socle à ces auditions. Cela l’aurait empêché de poser à temps des questions aux experts sur leurs conclusions. « Tant qu’on n’aura pas pu » interroger les experts, M. Péchier ne peut pas répondre à un certain nombre de questions, a soutenu Me Schwerdorffer, rappelant que ce point faisait l’objet d’une requête devant la chambre de l’instruction.

Cette dernière a par ailleurs été saisie par les avocats de M. Péchier de requêtes en nullité visant notamment ces dernières expertises versées au dossier, jugées cruciales par l’accusation.