Belgique

Un étudiant en master de médecine à Mons coûterait plus cher qu’à Bruxelles ou à Liège

La ministre Glatigny (MR) refuse la création d’un master en médecine à Mons et à Namur : “On ne peut plus se permettre de faire du sous-localisme”

1. Y aurait-il un surcoût ?

Oui. Les universités sont financées dans le cadre d’une enveloppe fermée. Une part de leur financement est fixe. L’autre est variable, en fonction de la proportion du total d’étudiants qui y sont régulièrement inscrits. Mais dans le système actuel, un étudiant n’égale pas un autre. Des pondérations modifient le poids de chacun, non seulement en fonction de son domaine d’études (à noter qu’un étudiant en médecine pèse trois fois plus lourd qu’un étudiant en sciences humaines par exemple…), mais aussi selon le statut de son université. Ainsi, le master en médecine bénéficie-t-il d’un coefficient 3, ramené à 2,55 s’il est organisé dans une université dite complète.

Interrogée au Parlement, la ministre de tutelle, Valérie Glatigny (MR), a fait une projection. À l’ULB, l’UCLouvain et l’ULiège (complètes), un étudiant en master de médecine est financé à hauteur de 11 730 euros par an. À l’UMons (incomplète), le coût de sa formation passerait à 13 800 euros par an : un surcoût de 2 070 euros par an et par étudiant. Soit un total de 415 000 euros pour les trois ans de master, si on envisage l’inscription de 70 étudiants à Mons.

Et non. Dans le cadre de l’enveloppe fermée, comme il n’est pas question d’augmenter d’autant le financement de l’enseignement supérieur, ces 415 000 euros n’iront pas aux autres formations de toutes les universités.

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2. Plus il y a de masters, plus il y a d’étudiants et de médecins ?

Non. Le nombre total d’étudiants en médecine est contingenté et le nombre de numéros Inami leur permettant plus tard d’exercer leur métier est, lui aussi, limité. Rajouter des filières permet seulement de les répartir davantage.

3. Certaines régions de Belgique manquent-elles de généralistes ?

Oui. À la Chambre fin 2022, le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), a fait un dernier point sur la pénurie de généralistes dans notre pays, en évoquant 120 communes en détresse un an plus tôt (70 en Flandre, 43 en Wallonie et 7 à Bruxelles). Des chiffres moins optimistes circulent cependant selon lesquels plus d’une commune wallonne sur deux connaîtrait une situation problématique, avec moins de 90 généralistes pour 100 000 habitants.

Sur le site de l’Iweps, le dernier recensement en Wallonie remonte à 2020. On y apprend que la province wallonne la “mieux” desservie est celle de Namur (avec un généraliste pour 939 habitants), suivie par le Luxembourg (un pour 1 078), le Hainaut (un pour 1 094), Liège (un pour 1 096) et le Brabant wallon (un pour 1 129). Par ailleurs, sur le site de l’Observatoire de la santé à Bruxelles, les données les plus récentes datent de 2018 et affichent un généraliste pour 812 habitants. Attention toutefois à ne pas tirer de conclusions trop hâtives en comparant les différentes zones. Il faut en effet tenir compte d’autres paramètres tels que la superficie du territoire, les disparités entre communes cachées par ces moyennes et l’âge des médecins répertoriés dont la retraite serait proche.

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4. Un master dans une zone en pénurie permet-il d’y attirer des médecins ?

Oui, affirment en tout cas l’UMons et l’UNamur. Deux études scientifiques sont avancées pour montrer le lien entre un investissement dans les formations, une exposition via un stage et l’installation d’un médecin en milieu rural.

Mais l’une a été menée en Australie et l’autre aux États-Unis, ce qui fait dire aux détracteurs de cet argument qu’il n’est pas fondé pour la Belgique.

5. Un nouveau master implique-t-il un nouvel hôpital universitaire ?

Non, disent les deux universités concernées. Pas pour l’instant mais ce serait sûrement l’étape suivante, si ces masters devaient être autorisés, pense la ministre Glatigny qui refuse ces dépenses supplémentaires.

6. Les deux dossiers sont-ils liés ?

Pas du tout. Ils sont même tout à fait différents. L’UMons demande de pouvoir organiser un master en médecine pour compléter son bachelier. L’UNamur qui ne propose aussi que le bachelier pour l’instant ne vise pas les trois années de master, mais bien une spécialisation en médecine générale (donc après un master effectué ailleurs). Les conséquences (notamment budgétaires) des deux projets sont très différentes. De même que le nombre d’étudiants concernés (une trentaine maximum par année de spécialisation à l’UNamur).

7. A-t-on changé les règles du jeu en cours de route ?

C’est ce qu’affirment les deux universités. Ces règles n’ont été établies qu’en 2014. Avant, il suffisait qu’un projet soit soutenu par un(e) ministre ou un(e) député(e) pour passer la rampe. Depuis, les demandes d’habilitations sont examinées chaque année par l’Ares (la coupole de l’enseignement supérieur) qui remet un avis à la (ou au) ministre en place. Généralement, le gouvernement puis le parlement valident ce même avis même si rien ne les y oblige.

Les critères sur lesquels repose le choix de l’Ares sont les suivants : outre les éléments de recevabilité administrative (par exemple, comporter une analyse des perspectives d’emploi pour les futurs diplômés), toute nouvelle formation doit répondre à un enjeu sociétal, à un besoin socioéconomique ou à une nécessité d’actualisation. Elle doit aussi présenter une plus-value par rapport aux formations existantes.

Dans les deux cas qui nous occupent, l’Ares a effectivement donné son feu vert (même si c’est du bout des lèvres : le projet de l’UMons a recueilli 5 oui, face à 2 non et 2 abstentions et celui de l’UNamur, 5 oui et 4 abstentions…)