Belgique

Roberto témoigne: « J’ai connu deux attentats, l’un des terroristes, l’autre de l’Etat »

« Je ne comprends pas pourquoi essayer de faire le plus mal possible. Il n’y a aucune religion du monde qui dit qu’il faut tuer, faire mal », a déclaré la victime. Roberto Spitzer a pointé les éclats de métal que contenait la bombe, « pas là pour tuer plus fort », mais pour « faire mal aux survivants ». « Pourquoi faire mal à des innocents ? » Le récit de M. Spitzer s’est ensuite concentré sur les violences infligées par l’Administration de l’Expertise médicale (Medex) lors de différents rendez-vous médicaux. Les médecins rencontrés dans ce cadre « nous ont traités de menteurs, étaient toujours très agressifs et pas compréhensifs.

Mais les victimes, on n’est pas des menteurs, on vient de traverser l’enfer. » L’homme a ensuite regretté avoir dû payer des sommes importantes avant de recevoir une aide financière « d’urgence » insuffisante et cinq mois après les attentats. Il a dénoncé la froideur de sa mutuelle lorsqu’il demandait de l’aide face à son incapacité de travailler. Ses interlocuteurs ne semblaient pas comprendre qu’il avait été victime d’un attentat, et pas d’une « grippe ».

Les témoignages se poursuivent au procès des attentats de Bruxelles: « Vous m’avez pris mon insouciance »

Au bout de plusieurs procédures, M. Spitzer s’est vu octroyer un taux de handicap de 13%. Aujourd’hui, il affirme fournir de « gros efforts » pour oublier la douleur et vivre sa vie. Il a ajouté être venu témoigner devant la cour dans une tentative d’évacuer sa « rage ». « J’espère que ça va me faire du bien. »

« Ils m’ont fait douter de ma foi. Juste pour ça je ne leur pardonnerai jamais »

« J’ai tellement de colère et de haine », a confié l’épouse d’un homme grièvement blessé lors des explosions à Zaventem. « On parlait de revendications islamistes. Ce mot « islam »… Ils [les terroristes] m’ont fait douter de ma foi. Juste pour ça je ne leur pardonnerai jamais », a-t-elle déclaré. Zéliya a raconté que, le 22 mars 2016, son mari, Ferhat, et elle, se trouvaient à l’aéroport de Bruxelles à Zaventem, où ils travaillaient tous les deux. « J’ai entendu le gros boum puis mon mari m’a appelée, mais c’était une autre personne au bout du fil. Il m’a dit de me rendre très rapidement dans le terminal. Lorsque je suis arrivée là, j’ai vu un enfant brûlé, qui criait ‘au secours’. Je ne savais pas dans quel état mon mari était. Je ne l’ai reconnu qu’à ses chaussures et au son de sa voix. Il était méconnaissable ».

La victime a expliqué que son mari avait été admis à l’Hôpital Militaire à Neder-over-Heembeek, avant d’être transféré par hélicoptère à l’UZ Leuven. « C’est notre deuxième maison, encore aujourd’hui », a raconté Zéliya. « Mon mari a subi de nombreuses opérations. Il a toujours un morceau de bombe derrière l’œil gauche. Ça lui fait peur, car il peut perdre la vue. À l’heure actuelle, il est détérioré, il n’est pas bien. Ils [les terroristes] nous ont détruits. Quand vous êtes fatigué psychologiquement parlant, se reposer n’aide pas », a-t-elle exprimé.

« J’ai toujours l’odeur de ce jour-là dans les narines. Je suis dégoûtée de respirer », a terminé la victime, dans un éclat de sanglots.

Une autre victime décrit la « sensation d’avoir toutes les cellules du corps qui crépitent »

Une dame qui se trouvait dans la voiture de la rame de métro qui a explosé à Maelbeek a parlé d’une « sensation d’avoir toutes les cellules du corps qui crépitent ». Patricia, une psychomotricienne de 54 ans, a survécu à cette explosion, s’en sortant avec des blessures qui ont aujourd’hui cicatrisé. « Ce jour-là je me rendais au travail. J’ai eu le métro de justesse. Je suis montée dans la deuxième voiture, car c’était la plus proche des escalators. J’étais à 2,40 mètres de Khalid El Bakraoui. Orphée, qui est aussi venue témoigner, et moi, on s’est fait des politesses pour prendre une place assise. C’est moi qui me suis finalement assise. Je me suis littéralement enfoncée dans le siège. C’était un petit moment de repos, tout le contraire d’un état d’alerte », a raconté Patricia.

Khalid El Bakraoui a ensuite déclenché sa charge explosive. La victime a décrit une « sensation d’avoir toutes les cellules du corps qui crépitent ». Elle était brûlée au deuxième degré. « Je suis parvenue à me dégager de la pression d’un corps sur moi. Depuis janvier, je sais maintenant de qui il s’agissait », a poursuivi la victime.

En dehors de la station de métro, Patricia a pu compter sur un secouriste volontaire qui se trouvait dans les parages et qui est venu prêter main forte. « Philippe est venu vers moi et est resté près de moi. Je lui en suis très reconnaissante. Ce fut capital pour moi de me reposer sur lui. Je lui ai demandé de faire couler de l’eau froide sur mon visage. J’avais aussi de très fortes douleurs thoraciques ».

La quinquagénaire a poursuivi en racontant qu’elle s’était ensuite coupée du monde, restant cloîtrée à la campagne, chez sa maman. Après une période de léthargie, elle a entamé une lente remontée pour reprendre le contrôle de sa vie.

La victime n’a pas épargné les assurances. « Je sais que ce n’est pas le lieu ici, mais je voudrais exprimer de la colère concernant les assurances. Les médecins rémunérés par celles-ci ne sont pas indépendants, et ce sont les mutuelles qui assument ce que les assurances n’assument pas. Je suis heurtée d’être écrasée comme une petite fourmi par un système gigantesque. Pour les assurances, je serais responsable de mon impuissance à aller mieux. C’est un soulagement d’être ici sur le banc de la partie civile. Chacun semble enfin à sa place », a-t-elle dit.