Belgique

Procès des attentats à Bruxelles : Nidhi était tellement mutilée que son mari ne l’a pas reconnue

Aujourd’hui âgée de 47 ans, la femme s’appelle Nidhi Chaphekar. Sur la photo, elle a l’air indemne. C’est trompeur. Nidhi Chaphekar a échappé de peu à la mort. Elle a passé 100 jours à l’hôpital et, sept ans plus tard, elle en garde de terribles stigmates.

Elle est venue d’Inde pour témoigner devant la cour d’assises. Le 22 mars 2016, cheffe d’équipage de Jet Airways, elle a pris un vol pour Bombay. Elle a vu la première explosion. “Je voulais aider. Un de mes collègues m’a dit stop.” Les gens courent dans sa direction. “Je me suis dit : on va se faire piétiner”, a-t-elle expliqué. Puis, il y a eu une deuxième explosion : ce fut “une boule de feu avec un bruit terrible”. L’hôtesse a eu le sentiment que ses oreilles explosaient.

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Au sol, elle a tenté de se lever. Elle n’y est pas parvenue. Une personne l’a placée sur la chaise. “J’ai fait ce que, comme hôtesse, j’ai fait pendant 20 ans. J’ai tenté de calmer les gens qui passaient.” On l’a évacuée de l’aérogare. Elle s’est trouvée dans un centre de triage de blessés. Cela a traîné car l’on pensait qu’elle n’était pas grièvement atteinte. Elle a finalement été hospitalisée à Anvers.

”Une femme à la peau noire”

À l’hôpital, on lui a retiré bagues et colliers. “Comme beaucoup d’Indiennes, je porte beaucoup de bijoux. On m’a demandé si je pouvais retirer mon bracelet. Je ne sais pas où j’ai trouvé la force. Je l’ai tiré. Ma peau est venue avec. Ils ont découvert à l’hôpital que je ne suis pas une femme à la peau noire mais que j’ai de graves brûlures partout.”

Elle est alors placée dans un coma artificiel. Elle y est restée 20 jours. Fou d’inquiétude, son mari a appris grâce à un proche que sa femme était vivante. Celui-ci l’a vue sur la fameuse photo qui circulait déjà sur le net. Il a pris le premier vol pour l’Europe.

Nidhi Chaphekar est ensuite transférée à l’hôpital des grands brûlés à Charleroi. Elle est à peine consciente. On a tenté de la réveiller, en la mettant en contact avec ses enfants par téléphone. Elle a commencé à trembler, comme frappée par une épilepsie.

”Mon mari ne m’a pas reconnue”

Son état a empiré, en raison comprendra-t-on plus tard, d’un morceau de métal resté dans un os. Elle est restée 23 jours dans le coma artificiel. On dira à son mari qu’il peut venir la voir dans sa chambre. “Il ne m’a pas reconnue. Il pensait qu’il s’était trompé de chambre.”

Nidhi n’a pas non plus reconnu son mari. Ni ses enfants dont on lui présentait les photos. “Il m’a fallu du temps pour que la mémoire me revienne.” Nidhi est rentrée en Inde auprès de ses enfants après 100 jours d’hospitalisation.

Elle a alors compris combien ses enfants avaient souffert. Son fils, alors âgé de 13 ans, avait écrit dans son journal qu’il était “devenu un parent bien trop jeune”. Il a dû s’occuper de sa petite sœur de 10 ans car leur père était en Belgique près de Nidhi. Sa fille, interrogée à l’école sur l’état de sa mère, ne savait que répondre et partait pleurer dans les toilettes.

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Nidhi garde des stigmates. Les brûlures ont provoqué éruptions, rougeurs et cicatrices. Elle a une jambe plus courte que l’autre. “J’entends continuellement un ‘chhhttt’ dans l’oreille.” Elle risque de perdre l’audition dans l’autre oreille. Une pièce de métal reste logée derrière une paupière : la retirer endommagerait le nerf optique. Après avoir été réaffectée au sol, la chute de Jet Airways lui a fait perdre son travail. Aucun employeur n’a voulu l’engager car ils ont peur qu’elle ait des problèmes mentaux.

Mais elle le dit : elle ne cherche pas de la compassion. “Je ne parle jamais de tout cela. Initialement, je ne comptais pas le faire. Mais je l’ai fait et c’est un soulagement. Maintenant, je peux mettre cela derrière moi”, a-t-elle conclu.