Belgique

La veuve d’une victime de Maelbeek livre un témoignage empli de colère : « C’est la première fois que je parle et que j’ouvre mon coeur »

Après le témoignage, il y a près de deux semaines, de la famille d’Yves Ciyombo, c’est son épouse qui est venue évoquer la perte de cet homme de 27 ans, père de leurs deux filles. Elle a expliqué avoir décidé en dernière minute de venir à la barre après avoir entendu les plaintes des accusés quant à leurs conditions de transfert et des fouilles à nu avec génuflexions auxquelles ils étaient soumis jusqu’il y a peu. « Cela m’a donné le courage de venir aujourd’hui. »

« J’ai tenu à venir pour que mon mari ne soit pas juste un nom. Derrière ce nom, il y a une personne qui aimait la vie, positive, joyeuse, un vrai soleil », a-t-elle ajouté.

Le soir des attaques, cette juriste âgée aujourd »hui de 32 ans s’est rendue avec sa famille à l’hôpital militaire de Neder-over-Hembeek pour tenter de trouver des informations concernant Yves. « On nous a laissés à notre propre sort. J’étais en mode zombie. On ne ressent plus rien dans ces cas-là. C’était toute ma vie et vous me l’avez enlevé », a-t-elle lancé, pleine de colère et de larmes, se souvenant avec douleur de l’incertitude du moment.

« Ce jour-là, mon coeur était mort », a confié la jeune femme à propos du jour où elle a appris le décès de son mari. « Je n’ai plus rien ressenti pour personne. J’étais dans mon lit et je ne ressentais plus rien. »

Procès des attentats : derrière les victimes, il y a « les victimes collatérales de l’ombre »

Après les attentats, elle est restée cloîtrée, « muselée dans (s)on coin », de peur de souffrir, de ne « pas être entendue de toute façon », a-t-elle expliqué.

La témoin a décrit un mari et un père aimant, qui préparait des gâteaux pour ses filles de 3 et 4 ans à l’époque. « À chaque fois que c’est possible pour moi, je leur parle de lui, de ce qu’il aimait. »

« Une chose que ces personnes-là ne pourront jamais nous enlever, c’est l’amour que l’on se porte à l’autre. Il me manque énormément et à mes filles aussi », a poursuivi la veuve d’Yves. Elle regrette plus que tout que ses filles n’aient jamais la chance de voir leur papa venir les chercher à l’école, qu’on leur ait enlevé la chance de vivre avec « un papa en or ».

« Dans les pires moments, ma fille aînée a déjà dit qu’elle voudrait le rejoindre au ciel car elle ne veut plus vivre », a encore confié la trentenaire. La plus petite, quant à elle, ne se souvient plus vraiment de son père.

« J’ai délaissé mes filles pendant des années car je n’avais plus rien à leur donner », s’est-elle remémorée, évoquant une tentative de suicide ratée. « J’aurais aimé être à sa place. Lui, il aurait assuré sur tous les fronts, il aurait profité de la vie. »

Assurant ne ressentir « aucune émotion pour les accusés », la jeune veuve a néanmoins souhaité devant la cour que le jury les condamne à « la peine maximale » et « qu’ils souffrent le plus possible ». « Les vrais musulmans ne feraient jamais de mal à une mouche », a-t-elle ajouté, déplorant une « capacité de réflexion limitée » des accusés. « Je ne pense pas qu’on puisse commettre des actes pareils quand on a connu l’amour comme celui d’Yves et moi. Mais je pense qu’ils ne ressentent rien car, pour eux, on n’est que des mécréants. »

Boule anti-stress en main, la trentenaire a reproché aux accusés d’avoir ôté « tous leurs droits » aux victimes décédées. « Je ne vous pardonnerai jamais. Je suis incapable de vous pardonner, alors que je sais que c’est mon salut. »

« C’est la première fois que je parle et que j’ouvre mon coeur », a-t-elle conclu, la présidente de la cour lui répondant que c’est là « le début d’une nouvelle page ». En sortant de la salle d’audience, elle dévisagera les accusés, les lèvres serrées.