Belgique

Israël-Hamas : La subtile évolution du Premier ministre Alexander De Croo un mois après les massacres

Mardi, après avoir rencontré à Bruxelles le Roi de Jordanie, le patron de la Vivaldi a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a pris ses distances vis-à-vis des opérations en cours. “Si l’on bombarde un camp de réfugiés entier dans l’intention d’éliminer un terroriste, je ne pense pas que ce soit proportionné, cela va trop loin”, a-t-il déclaré. Alexander De Croo faisait référence aux frappes attribuées à Israël qui ont touché le camp de réfugiés de Maghazi dans le centre de la bande de Gaza.

Le chef du gouvernement belge, et sa coalition derrière lui, ne nient pas à Israël le droit de se défendre. Pour la diplomatie belge, la restitution des otages capturés par le Hamas est, par ailleurs, une priorité absolue. Mais tout de même… La mutation du discours, si elle est subtile, est aussi tangible.

Quelques jours après les massacres d’innocents en Israël, Alexander De Croo s’était exprimé dans La Libre à ce sujet. Voici l’analyse qu’il donnait alors sur la situation au Proche-Orient. “Il est normal qu’Israël réagisse désormais pour protéger sa population. D’un autre côté, j’espère que tout sera fait pour éviter des morts civils additionnels également du côté palestinien. Mais, soyons clairs, qui met en péril la population à Gaza ? C’est le Hamas. On scrute actuellement la nature de la riposte israélienne, mais on pourrait examiner ce que font les terroristes du Hamas. Ils pourraient, par exemple, libérer les otages, reconnaître qu’ils sont allés trop loin… C’est trop facile de pointer du doigt la réaction israélienne.”

”Il faut d’abord libérer les otages”

Bien entendu, entre la publication de cet entretien et la position de la Belgique exprimée au début de cette semaine, la riposte de l’armée israélienne a pris de l’ampleur. Ce qui a suscité cette adaptation de la ligne belge. “Il n’y a pas d’évolution, en réalité, confie-t-on dans l’entourage du Premier ministre. On a toujours dit qu’il fallait une désescalade. Mais il faut d’abord libérer les otages israéliens et on continue de le dire. De même, on a toujours dit qu’Israël doit être pondéré dans ses réponses. La riposte a eu lieu et on voit qu’elle n’est pas, ou pas tout le temps, proportionnée.

Et quelle est l’ambiance dans la Vivaldi ? Au sein de la majorité fédérale, des voix discordantes se sont fait entendre. Mais sans pour autant remettre en cause la position de la Belgique. Lundi, la ministre fédérale du Climat, l’écologiste Zakia Khattabi, avait provoqué une onde de choc politique et médiatique en bottant en touche afin d’éviter de déclarer publiquement que le Hamas est une organisation terroriste. Et cela, sous un prétexte peu crédible : elle ne connaissait pas la définition juridique du terme “terroriste”, affirmait-elle… Son parti ne l’a toutefois pas suivie sur ce terrain glissant. Écolo a rappelé qu’il voyait bien dans le Hamas un groupe terroriste (ce qui est d’ailleurs la position européenne depuis plus de vingt ans).

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Un embargo qui fait pschitt…

Autre petite secousse vivaldienne : la question du boycott à mettre en place, ou pas, à l’égard des produits venant des territoires palestiniens occupés par les Israéliens et importés en Belgique. Cette revendication déjà ancienne des partis de gauche en Belgique est revenue sur la table en raison de l’actualité. Au sein de la Vivaldi, les socialistes et les écologistes ont été rejoints par le CD&V afin de réclamer un embargo. Le MR se montre beaucoup plus réticent. Mais, à ce stade, ce dossier très symbolique ne suscite pas beaucoup de remous.

Ce mercredi, lors d’un kern (l’organe informel qui réunit les principaux ministres fédéraux) consacré à la situation dans la bande de Gaza, le point a été abordé mais sans heurts. “Chaque vice-Premier ministre a exprimé son point de vue et on est passé à autre chose”, note laconiquement une source fédérale. Un autre informateur proche du dossier donne un peu plus de précision sur les discussions : “Différentes options ont été évoquées lors du kern, mais toutes exigent d’être approfondies car leur mise en œuvre est complexe et implique pas mal d’acteurs. La priorité est de continuer le travail pour aider les Belges sur place, obtenir un cessez-le-feu humanitaire immédiat et contribuer à une désescalade dans la région.

La Belgique est le quatrième plus gros importateur de produits israéliens dans l’Union européenne