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La Commission va proposer 500 millions d’euros pour augmenter la production de munitions en Europe et « passer en mode économie de guerre »

Concrètement, si cette proposition est adoptée par les États membres et par le Parlement européen (via une procédure d’urgence), les 500 millions d’euros serviront à financer à hauteur de 40 % minimum les projets destinés à augmenter rapidement les volumes de fabrication de munitions, mais aussi de missiles, dans l’UE. Une piste envisagée consiste également à reconditionner des vieux obus. De plus, une attention particulière sera accordée aux composants et donc à la chaîne d’approvisionnement, dont les goulets d’étranglement sont souvent déterminants dans le rythme de production. Les projets destinés à fabriquer davantage de poudre pour les obus d’artillerie seront donc également éligibles.

Un financement de 10 % supplémentaire sera accordé aux nouveaux partenariats entre divers acteurs européens. Un exemple : un grand obusier qui déciderait de transférer sa licence et ses connaissances vers un autre producteur ailleurs en Europe, qui dispose, lui, déjà de la main-d’œuvre et des infrastructures nécessaires. Par ailleurs, une autre tranche de 10 % de financement est prévue pour les entreprises qui accepteraient de donner la priorité aux besoins de l’Ukraine ou des États membres, et donc de rallonger les délais d’attente de leurs autres clients non européens.

”Un Acte sans précédent”

L’Acte que nous proposons est sans précédent. Il vise à soutenir directement, avec de l’argent de l’Union, l’effort de montée en cadence de notre industrie de défense, et ce pour l’Ukraine et pour notre propre sécurité”, s’est félicité Thierry Breton. Les 500 millions d’euros seront en effet puisés dans deux instruments du budget communautaire. Une partie (240 millions d’euros) proviendra du fonds destiné à stimuler les achats communs en matière de défense, une initiative proposée par la Commission en juillet dernier et baptisée EDIRPA. Si les négociations de ce texte ont longtemps traîné du côté du Parlement européen, elles devraient pouvoir aboutir prochainement. Les autres 260 millions d’euros seront issus du Fonds européen de défense.

En prenant à sa charge 40 % à 60 % des frais de ces projets, l’UE espère donc stimuler au total un investissement collectif (avec l’apport des États membres et/ou des entreprises elles-mêmes) de plus d’un milliard d’euros. Parallèlement, l’ASAP visera à faciliter la vie des entreprises, notamment du point de vue administratif, comme pour leur permettre de prévoir des équipes de travail de nuit ou pour pouvoir déroger à certaines règles (parfois lourdes) des marchés publics. Preuve que la priorité sera donnée à l’efficacité d’une industrie devenue cruciale, autant pour l’Ukraine que pour la crédibilité et la souveraineté de l’Union.

La Commission indiquera d’ailleurs clairement que les États membres peuvent se servir de leurs fonds de cohésion ou de relance européens pour bâtir par exemple de nouvelles usines de munitions. D’autant que ces sites peuvent stimuler l’économie d’une région et offrir des opportunités d’emploi.

”Passer en mode économie de guerre”

En matière de capacité de production, “nous n’avons rien à envier à nos partenaires”, assure le commissaire Breton, qui a voyagé récemment dans plusieurs États membres pour prendre le pouls de l’industrie européenne. “Mais en matière de défense, nos industriels doivent désormais passer en mode économie de guerre”. L’accent est donc clairement mis sur le court-terme. Car l’Ukraine continuera à avoir besoin de soutien militaire. Et c’est aussi maintenant que les États membres doivent obtenir la garantie qu’ils parviendront à remplir, rapidement, leurs propres stocks de munitions, alors qu’ils sont encouragés à les vider pour Kiev.

L’ASAP est en effet le troisième volet d’un plan concocté par l’UE pour livrer dans l’urgence 1 million d’obus à l’Ukraine.

Le plan inédit de l’Union européenne pour (essayer de) livrer plus d’obus et plus vite à l’Ukraine

La première étape est dotée d’un milliard d’euros, issu de la Facilité européenne pour la paix (un instrument extrabudgétaire), pour justement stimuler l’envoi de munitions dont les Vingt-sept disposent encore aux Ukrainiens. Un autre milliard d’euros est prévu pour financer en partie les achats communs, regroupant minimum trois États membres, de munitions de 155 mm (calibre standard de l’Otan) pour Kiev. L’idée est de passer commande exclusivement auprès des entreprises européennes, alors que plusieurs questions persistent sur leur capacité à répondre à l’explosion de la demande (et surtout dans quels délais). D’autant que, sans garanties sur le long terme, elles rechignent à investir massivement pour augmenter leur production, alors que la défense n’était plus considérée comme une priorité politique depuis des années en Europe.

D’ailleurs, les acteurs du domaine de la défense peinent en général à obtenir des prêts auprès des banques, ou se voient infliger des taux d’intérêt élevés. À ce titre, la Commission voudrait donc aussi créer un dispositif rapide de compensation financière.

Avec l’ASAP, l’enjeu est donc surtout d’envoyer un signal politique et redonner la confiance nécessaire aux industriels de la défense.