France

Maintien de l’ordre : Mais, au fait, c’est quoi la différence entre une GM2L et un LBD ?

Le grand public connaît bien les grenades lacrymogènes, un peu les LBD (lanceurs de balles de défense) dont on a beaucoup entendu parler pendant les « gilets jaunes », mais moins les grenades de désencerclement ou les GM2L, employés récemment à Sainte-Soline. Pierre Bernat, observateur des pratiques policières à Toulouse et de retour de Sainte-Soline, livre à 20 Minutes quelques éclaircissements sur l’arsenal des forces de l’ordre.

La GM2L, ex-GLIF4, une grenade à détonation

La grenade GM2L remplace la GLI-F4 qui, elle-même, a supplanté la grenade OF-F1 qui a causé la mort de Rémi Fraisse, militant écologiste, sur le barrage de Sivens, en 2014. Le fabricant préconise de la lancer à l’aide d’un lanceur et pas à la main, pour éviter des accidents. A l’intérieur plus de TNT (trinitrotoluène) mais de la poudre noire, comme dans les feux d’artifice.

« On nous dit que ce n’est pas une grenade explosive mais elle contient suffisamment de poudre pour faire une grosse explosion, affirme Pierre Bernat. Il est vrai qu’elle fait cependant moins de dégâts que la GLIF4. » La GM2L produit une détonation, un léger effet lacrymogène et de petits éclats, moins cependant que la GLI-F4. « Les blessures causées par ces grenades sont significatives, cela fait une onde de choc sur la peau », témoigne Pierre Bernat, qui était présent en tant qu’observateur à Sainte-Soline.

La grenade de désencerclement, une vocation défensive

« Selon le bon de commande, la grenade de désencerclement doit être utilisée par les forces de l’ordre dans une situation difficile, détaille Pierre Bernat. Elle se lance seulement au sol sans lanceur, à la main. Il y a une cage plastique qui contient 18 palets en gomme d’un cm de long et un demi-centimètre de large et qui explosent à 300 km/h. » Elle est assourdissante avec un niveau sonore à 165 décibels au plus près, soit davantage qu’un avion au décollage.

« Elle a été conçue pour frapper des jambes et empêcher de poursuivre un policier qui s’enfuirait », précise notre expert. C’est une grenade de désencerclement qui avait, par exemple, arracher la main d’Antoine Boudinet, figure des « gilets jaunes » bordelais, en décembre 2018. La prenant pour une grenade lacrymogène, il l’avait ramassée alors qu’elle était à terre.

Comment doivent-elles être utilisées ?

« Le LBD utilisé en France et selon les munitions actuelles doit faire l’objet de tirs entre 20 et 50 mètres, précise Pierre Bernat. A moins de dix mètres, il existe un risque létal. » Selon le schéma national du maintien de l’ordre, qui vient compléter la doctrine du maintien de l’ordre, « les tirs doivent être tactiques (c’est-à-dire que leur but n’est pas de toucher des personnes mais de les inciter à se protéger) dès que c’est possible et sauf en cas de légitime de défense, sur instruction d’un superviseur », ajoute-t-il.

Comme de nombreuses armes, « elles peuvent être létales si elles ne sont pas utilisées comme le préconisent les fabricants, souligne encore notre spécialiste des pratiques policières. Le lanceur cougar, lanceur classique utilisé par la police et la gendarmerie, est lui-même une arme de guerre. Pour être utilisé, il requiert une sommation de deuxième ordre : après avoir lancé un ordre de dispersion, les forces de l’ordre doivent annoncer, de façon répétée, qu’elles vont faire usage de la force ». S’il est positionné sur le côté, il peut aussi être utilisé pour des tirs tendus, qui sont interdits.

Selon Pierre Bernat, « la blessure de Serge (le manifestant qui est encore dans le coma après les heurts de Sainte-Soline) pourrait être due à un tir tendu d’une grenade de gaz lacrymogènes, avec un lanceur à 100 m ». Il précise aussitôt que tous les observateurs ne sont pas en accord sur ce point, certains estimant que le panache de fumée n’était pas assez important pour que le tir soit imputable à une lacrymo. « Je pense que la grenade a dysfonctionné en heurtant Serge, mais on ne peut pas en être certain à ce stade », conclut prudemment Pierre Bernat.