France

Comment le festival des Nuits sonores s’est imposé dans la scène électro

Les enceintes viennent d’être allumées et les premiers hochements de tête ont été observés. Quelques milliers de festivaliers déambulent entre Saône et Rhône, des anciens entrepôts de la Sucrière aux usines Fagor, pour continuer de danser au rythme de sons synthétiques pour ce « Day 1 ». La 20e édition des Nuits sonores a officiellement commencé mercredi, et se déroule jusqu’à dimanche. L’occasion pour 20 Minutes de revenir sur la place de ce festival et de la ville qui le porte, Lyon, dans l’univers de la musique électronique – et pas que.

« Il y a vingt ans, j’ai vu émerger un projet original, conçu pour bouger, devant des scènes et dans toute la ville. Un projet ambitieux avec une organisation impeccable qui m’a séduit dès sa première édition », se souvient Patrice Bardot. Le rédacteur en chef de Tsugi, magazine sur les nouvelles tendances musicales, travaillait à ce moment-là pour Trax, consacré à la musique électronique et aux cultures qui l’entourent, et a suivi l’évolution du festival au fil des années.

« Les Nuits sonores, ce n’est pas du hasard »

« Pour remettre dans le contexte, les Nuits sonores se sont bâties à une époque où les musiques électroniques rencontraient une répression forte, notamment après l’annulation d’une soirée Polaris, rappelle le journaliste. En réaction, plusieurs acteurs du milieu se sont réunis pour montrer le sérieux du style musical et lancer un festival. Les Nuits sonores, c’est l’histoire d’activistes et de passionnés, ce n’est pas du hasard. »

A l’heure où les sons synthétiques ne se jouaient qu’en rave, le festival lyonnais doit aussi son émergence grâce à « une municipalité très accueillante », une prise de position « très rare » au début des années 2000. « Gérard Collomb a vraiment contribué au succès de l’événement en lui ouvrant les portes de Lyon, souligne encore Patrice Bardot. Cet appui et ancrage local ont assuré alors à l’événement une pérennité. »

« Les Nuits sonores sont devenues l’un des premiers festivals du genre à être institutionnalisé, en obtenant la reconnaissance et la confiance de la ville, appuie Baptiste Pinsard, programmateur associé du festival. A cette époque-là, c’était important pour les musiques émergentes de se faire une place. »

Une capacité à faire découvrir de nouveaux talents

Ainsi, en étant au cœur de la capitale des Gaules au moment où les grands rendez-vous se tenaient en hors des villes, le rendez-vous musical s’est donné pour mission « d’ouvrir Lyon à ces nouvelles formes créatives électroniques », insiste Baptiste Pinsard. Car l’ADN des Nuits sonores depuis vingt ans, c’est avant tout « sa capacité à faire découvrir des nouveaux talents ».

« On a toujours eu cette habitude de prendre des risques, poursuit le programmateur. On propose des carrières en construction, des spectacles encore en processus de création. C’est un pari mais on aime se placer comme tremplin. Et on ne se trompe jamais. » Le rédacteur en chef de Tsugi confirme : « L’équipe a toujours déniché des pépites. Au fil des années, elle les a accompagnés, soutenus et parfois permis de se développer. La programmation est très exigeante et c’est ce qui en fait, sans aucun doute, un des meilleurs festivals dans la vivacité du genre. C’est aussi ce qui explique sa pérennité. »

« Être à l’écoute de ce qui se fait à son époque »

L’événement lyonnais s’est aussi déployé dans le même temps où les musiques électroniques ont connu une croissance énorme. « Les musiques électroniques, c’est être à l’écoute de ce qui se fait à son époque, affirme Baptiste Pinsard. Aujourd’hui, tous les styles musicaux utilisent des sons synthétiques. Les Nuits sonores se sont imposées autant que les cultures émergentes dans la société, en acceptant d’intégrer, au fil des années, des formes hybrides dans les programmations. »

Là encore, le rendez-vous lyonnais a justifié sa notoriété. « La force des organisateurs est de n’avoir jamais cédé au mainstream et à l’appel de l’argent, constate Patrice Bardot. Même en devenant plus important, le festival a su se maintenir à ses origines, sans se reposer sur ses lauriers. Des têtes d’affiche du monde entier sont venues à Lyon. Et au même moment, les programmateurs allaient chercher des jeunes artistes qu’ils soient locaux, en Asie ou en Amérique du Sud. Même s’il a grandi, c’est un festival qui a gardé sa taille humaine et son essence. »

Cette signature, c’est aussi dans une logique de tenir « sa promesse » aux festivaliers, selon Baptiste Pinsard. « On représente le territoire. Autant avec les premiers clubbers qu’avec les nouvelles générations. Le but est de les entremêler en invitant les pionniers et les faire rencontrer ceux qu’ils inspirent. Que ce soit côté artistes ou spectateurs. C’est ainsi voir les premiers festivaliers d’il y a vingt ans venir avec leurs enfants. » Ils sont plus de 55.000 à avoir pris leurs places pour les événements payants et quasiment autant sont attendus pour la partie gratuite.