France

Alsace : Un collège transforme les sanctions des élèves en heures de bénévolat

Lucas* se souviendra certainement longtemps de ses dernières vacances scolaires. Quand ses camarades profitaient de leurs premiers jours de relâche, lui était puni. Il a dû passer ses matinées du lundi 13 et mardi 14 février… au sein de l’antenne des Restos du cœur à Sélestat (Bas-Rhin). Pas de sa propre initiative donc, mais parce que son principal au collège Jean Mentel l’avait sanctionné d’une mesure de responsabilisation.

« Quand j’ai été convoqué dans son bureau, je m’attendais à être exclu ou à devoir nettoyer mes bêtises », se rappelle l’adolescent de 14 ans, coupable d’avoir dessiné, « par pure bêtise », une croie gammée sur un extincteur. « Mais il m’a dit que je devrais faire du bénévolat. Ça m’a surpris et je crois que j’ai rigolé sur le coup. »

L’élève de troisième n’avait jamais entendu parler de ce type de sanctions, le stade supérieur des punitions comme les heures de retenues « Ça existe pourtant depuis 2011 et ça doit apparaître dans tous les règlements intérieurs. On a même eu un rappel à ce sujet de la part de l’Education nationale il y a un ou deux ans », explique Julien Cherault, le principal d’un établissement qui compte 660 élèves. Lui avait déjà eu recours à ces « mesures de responsabilisation » quand il exerçait comme conseiller principal d’éducation (CPE) à Fessenheim. Avant donc de les instituer à Sélestat.

« On y a beaucoup réfléchi l’an dernier, on l’a élaboré en conseil pédagogique et ça a été voté en conseil d’administration en fin d’année 2022 », détaille-t-il en insistant sur l’aspect chronophage de la démarche. « Car il a fallu l’expliquer aux enseignants et aux parents mais aussi car il faut trouver les associations puis suivre les élèves sanctionnés. C’est sûr que c’est plus simple de les exclure quelques jours du collège, mais l’aspect pédagogique me semble faible. »

Lui préfère chercher « une sanction en lien avec le fait ». D’abord au sein de son établissement, quand il envoie des élèves accompagner les agents d’entretien « pour qu’ils voient ce que leurs actes engendrent comme travail supplémentaire » ; ou, donc, à l’extérieur, quand des structures acceptent d’être des relais. Le principal doit d’ailleurs rencontrer prochainement des représentants de la ville pour trouver de nouveaux débouchés aux élèves sanctionnés. Avec les agents municipaux, à la médiathèque, « pourquoi pas avec les pompiers »…

« Je me suis senti utile »

Les Restos du cœur locaux ont eux été les premiers à répondre favorablement. Sans le regretter depuis. « Ça s’est toujours très bien passé, c’est un très bon partenariat », apprécie le responsable du centre Robert Kuentz. « Les jeunes n’ont souvent pas fait d’énormes bêtises et ici, on leur permet de rentrer dans le monde des adultes. On n’a jamais eu de problèmes d’absentéisme ou de comportement. De toute façon, on ne leur demande pas pourquoi ils sont là et s’ils ne sont pas corrects, ils repartent très vite. »

Un « livret de suivi de l’élève » permet à chaque partie de renseigner ses conclusions. Celles de Lucas* sont claires : « C’était bien ». « Franchement, vaut mieux aider les gens que rester chez soi ou à collège à ne rien faire, témoigne-t-il. Je me suis senti utile et j’ai eu l’impression de me racheter. Rien qu’en me levant à 6h15 en pleines vacances, je me suis bien rappelé de ce que j’avais fait. »

L'entrée du collège Jean Mentel, à Sélestat (Bas-Rhin).
L’entrée du collège Jean Mentel, à Sélestat (Bas-Rhin). – T. Gagnepain

Le garçon, « pas trop du genre à [se] faire remarquer d’habitude » n’a en tout cas pas récidivé. Depuis janvier, une quinzaine de ses camarades ont été sanctionnés de la même manière, dont cinq par des mesures de responsabilisation à l’extérieur du collège. Les autres ont aidé les agents à l’intérieur dans ce qui ressemble à des travaux d’intérêt général.

« Dans tous les cas, il faut l’accord des parents pour transformer l’exclusion temporaire. Si ce n’est pas le cas, leur enfant est exclu et nous prononçons encore ce type de sanctions », précise Julien Cherault, en défendant encore ces fameuses mesures de responsabilisation, mêmes dure à gérer. « Elles permettent vraiment de donner du sens et créent du lien avec les associations, les familles, notre environnement… En plus, les élèves sont souvent contents à l’arrivée. » Lucas* peut en témoigner.