Belgique

Procès des attentats à Bruxelles : « J’ai vu trois jeunes hommes. Ils étaient calmes »

Et c’est lui qui, après avoir appris qu’il y avait eu un attentat à l’aéroport, préviendra la police, ce qui permettra à celle-ci d’investir très rapidement la planque des terroristes qui avait été abandonnée.

La présidente de la cour d’assises a dû insister pour qu’il vienne témoigner. “Je n’ai pas envie de répéter cela”, a-t-il souligné d’emblée avant que la présidente lui rappelle l’importance d’un tel témoignage.

Quand il a reçu cette course, il était encore très tôt. “Il venait de faire jour. J’ai reçu une course normale. Je suis allé à l’adresse”, s’est-il remémoré. Sur place, il n’a pas trouvé le nom sur les sonnettes. Il est retourné à sa voiture. Il a alors vu “quelqu’un crier, sortir la tête du balcon au dernier étage, me faisant signe d’attendre”.

”J’ai vu trois jeunes hommes. Ils étaient calmes. On s’est salué. Ils avaient des valises. J’avais une camionnette pour PMR, des personnes à mobilité réduite”, se souvient-il.

Il y avait une matière gluante sur le sac, une sorte de trace de poudre blanche. C’est une odeur que l’on ne peut oublier.

Charles a voulu prendre les valises. Mais ses clients ont refusé qu’il les touche. Il les a laissés charger eux-mêmes. “Ce n’était pas des valises. C’étaient des sacs.”Comme ceux exposés devant vous dans la vitrine des pièces à conviction ?”, l’interroge la présidente. Charles acquiesce.

”Il y avait une matière gluante sur le sac, une sorte de trace de poudre blanche. C’est une odeur que l’on ne peut oublier. Une odeur puissante. Dans la nature, on ne la trouve pas”, explique Charles.

Dans la voiture, “on discutait, c’était tout à fait normal. Je n’ai pas eu peur. Ils étaient calmes”. Un seul de ses clients parlait : “C’était le plus gros”, soit Ibrahim El Bakraoui. Il était à l’arrière, à droite. Au milieu se trouvait Najim Laachraoui. “Je ne sais pas s’il avait peur. Il était crispé.”

”Le troisième, avec son chapeau, on ne voyait rien : il cachait son visage.” C’était Mohamed Abrini. Le “gros” parlait des Américains. “Il disait qu’ils étaient tous coupables, qu’ils font des mauvaises choses, mais je n’ai pas voulu creuser le truc.” C’est ce dernier qui paiera la course. Il lui laissera une grosse somme d’argent, indiquant qu’ils se croiseraient peut-être encore.

Procès des attentats à Bruxelles: le logeur de Salah Abdeslam dit avoir agi par solidarité familiale

Une odeur tenace

”Je n’ai jamais touché leurs bagages”, souligne-t-il. Après les avoir déposés, “la voiture puait fort. C’était horrible”. Il a roulé fenêtres ouvertes, à 120 km/h sur l’autoroute pour faire sortir l’odeur. “C’est une odeur qui colle. J’ai eu peur de prendre un autre client.”

Il prend en charge une femme à l’aéroport. Entendant à la radio qu’il y a eu un attentat, il est persuadé que c’est lui qui les a convoyés. “J’ai suivi mon intuition. J’ai parlé à la dame et lui ai dit ce que je pensais. Elle m’a dit que si je pensais cela, je pouvais aller voir la police.”

Ce qu’il fera, après l’avoir déchargée ? Il se rendra dans le commissariat le plus proche. C’était dans les Marolles. Il est alors 08 h 29, une demi-heure après les deux explosions. La policière qui l’a reçu était paniquée.

Viendront alors les interrogations. “C’est après que l’on se pose des questions. Mais c’est trop tard.” Et sept ans plus tard, en se tournant vers le box, il reconnaît Mohamed Abrini, dont le visage était pourtant en partie dissimulé par un chapeau. “Les yeux, c’est important. On ne peut oublier certains regards.”

À voir également sur LaLibre.be