Belgique

Port du voile dans l’administration: à Anderlecht, Écolo met le feu à la majorité en tentant de faire passer une autorisation « sans exception »

La question de la place des signes convictionnels dans l’administration constitue une importante ligne de fracture entre partis.

Après avoir bataillé pour faire bouger les lignes à la Stib, les écologistes veulent aller encore un pas plus loin, cette fois dans la commune d’Anderlecht.

La Stib va autoriser le port du voile dans son entreprise, dans certaines conditions

Quitte à passer en force en s’associant au PTB, via une majorité alternative.

Une motion, déposée à l’origine par Écolo-Groen, parti membre de la majorité, doit ainsi être soumise au vote du conseil communal ce jeudi. Le texte demande l’autorisation du port des signes convictionnels dans l’administration communale d’Anderlecht “sans exception”.

En pratique, la motion supprime plusieurs alinéas du règlement du travail de l’administration, dont celui qui “interdit tout signe distinctif, acte et/ou parole, pouvant refléter une quelconque appartenance politique, philosophique ou religieuse”.

La proposition est loin d’être anodine : elle va bien plus loin que les positions prises par Écolo et le PS au niveau régional, notamment à la Stib.

Écolo et le PS avaient en effet abouti sous cette législature, au prix de compromis douloureux, à des positions officielles plaidant pour l’autorisation des signes convictionnels dans l’administration, sauf dans les fonctions d’autorité, et/ou en cas de contact avec le public. La motion anderlechtoise ne fait pas d’exception.

Oui, on sort de la ligne régionale d’Écolo, mais nous innovons avec une proposition co-construite au niveau de l’administration. La méthodologie a été approuvée par un large groupe de travail composé de 37 travailleurs. Dans le rapport qu’ils ont remis figure l’autorisation des signes convictionnels”, pointe Nadia Kamachi (Écolo), échevine de l’Égalité des chances. “Je ne comprendrais d’ailleurs pas que des élus communaux ne suivent un avis émanant des travailleurs de notre administration”.

“Un texte précurseur dans l’inclusion”

Cette démarche, si elle n’est pour l’heure pas dupliquée dans d’autres communes, ne s’est toutefois pas faite dans le dos du parti. La coprésidente Rajae Maouane assume cette initiative disruptive, de nature, si elle passe, à faire bouger les lignes à d’autres niveaux de pouvoir.

Tout s’est fait en concertation avec la régionale bruxelloise et la coprésidence nationale. Nous avançons car nous sommes un parti progressiste. Ce texte, s’il passe, sera précurseur dans l’inclusion des personnes portant le voile, qui souffrent de discriminations”, assume Shahin Mohammad, cheffe de groupe Écolo/Groen.

Reste que le dépôt de cette motion a mis le feu au sein de la majorité anderlechtoise (PS/Vooruit/Les Engagés-Écolo/Groen-Défi).

Les Engagés et Défi se désolidarisent

Les Engagés et Défi se sont d’ores et déjà désolidarisés de leur partenaire de majorité, sur le fond et sur la forme. “Je déplore qu’Écolo n’a pu faire aucun compromis sur un sujet aussi fondamental”, assène Sofia Bennani, cheffe de groupe Les Engagés.

”La manière dont ce texte est amené est en plus déloyale”, ajoute Nicole Bomele, conseillère communale Défi.

PS et Écolo se contredisent

La position du partenaire socialiste PS est plus nébuleuse. Le nom de Lotfi Mostefa, chef de groupe PS, figure sur la liste des co-dépositaires de la motion que La Libre a pu consulter. “Jusqu’à vendredi, le texte était validé par nos partenaires socialistes”, assure Nadia Kammachi (Écolo).

”Contrairement à ce qui a été écrit, cette motion n’est pas cosignée par le PS à ce stade”, assure Fabrice Cumps (PS), bourgmestre d’Anderlecht. Le PS se défend de tout rétropédalage.

Ma position est celle défendue par mon parti au niveau national. Nous sommes favorables à l’autorisation des signes dans l’administration sauf les fonctions d’autorité en contact avec le public. Écolo cherche à faire diversion car leur impopularité est immense auprès d’une grande part de la population, à cause de Good Move”, ajoute Lotfi Mostefa, chef de groupe PS, qui dément avoir donné son accord pour cosigner le texte. “Écolo est même à la manœuvre derrière certaines associations, qui sont instrumentalisées. C’est à ce point grossier comme manœuvre que leur motion va aussi au-delà du programme officiel d’Écolo qui fait la différence entre back office et front office.

Ce n’est clairement pas l’entente cordiale au sein de la majorité anderlechtoise.

La motion écologiste met le PS en difficulté. Le PS n’a guère envie de réveiller les tensions internes sur le dossier de la laïcité, quelques jours après le départ de Julien Uyttendaele.

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Faire passer un texte sur la base d’une majorité alternative, avec le PTB, peut en outre menacer la stabilité du Collège communal. “Le PS a soutenu la motion trop rapidement. On voit qu’elle ne fait pas l’unanimité chez eux, ils vont désormais vouloir l’amender ou la reporter”, commente Giovanni Bordonaro, chef de file du PTB à Anderlecht.

guillement

Il y a une concurrence électorale assez malsaine qui se joue autour des signes convictionnels, le tout sous l’emprise grandissante du PTB. »

”C’est du jamais vu dans ma carrière politique de voir un parti (Écolo) forcer le dépôt d’une motion comme cela. Ce qui s’est passé au conseil communal, c’est un mini-coup d’État”, regrette Gaëtan Van Goidsenhoven, chef de file du MR et ancien bourgmestre de la commune. “Il y a une concurrence électorale assez malsaine qui se joue autour des signes convictionnels, le tout sous l’emprise grandissante du PTB. Une sorte de pression existe par ailleurs sur ce sujet au travers d’une pétition qui circule.”

Le conseil communal de jeudi s’annonce électrique.