Belgique

Marc Uyttendaele sur la salle de prière clandestine à l’ULB : “L’Université ne doit pas devenir un lieu de culte”

Depuis ce lundi, l’Université libre de Bruxelles est au cœur de l’actualité. Nadia Geerts, militante laïque, publiait sur notre site une opinion dans laquelle elle s’offusquait de la présence d’une salle de prière clandestine au sein même du campus universitaire. “C’est en toute tranquillité que, depuis au moins huit ans, des dizaines d’étudiants se réunissent chaque jour pour prier”, écrivait-elle.

Nous avons contacté Marc Uyttendaele qui enseigne depuis plusieurs décennies à l’Université libre de Bruxelles. Il dispense plusieurs cours de droit. Il est également un grand défenseur de la laïcité.

Êtes-vous surpris que de telles prières “sauvages” existent à l’ULB ?

Surpris, malgré tout, un peu ! Maintenant je constate le niveau d’évolution de l’Université et c’est d’ailleurs une très bonne chose dans son côté cosmopolite. C’est clair que la population étudiante n’a plus rien avoir aujourd’hui avec ce qu’elle était il y a 20 ans. Cette diversité est évidemment un motif de fierté pour l’Université d’une part et, d’autre part, elle implique évidemment que des convictions diverses s’y côtoient. Nous avons sans doute manqué au fil des ans quelques virages dans la réaffirmation des valeurs de l’Université. C’est une responsabilité qui n’est pas individuelle mais bien collective.

D’après des témoignages, cela fait des années que ça dure. Les autorités ont-elles fermé les yeux sur ces agissements ?

Je ne peux pas l’imaginer, non. Connaissant la rectrice actuelle qui est quelqu’un que je connais bien, qui vient de ma faculté et que j’ai vu évoluer. Je ne doute pas une seconde de sa fermeté sur les principes de laïcité et sur le principe du libre examen. Quand je parle de responsabilité collective, c’est parce qu’on n’a sans doute pas réaffirmé avec suffisamment de fermeté les valeurs de l’institution. Ce n’est pas un problème d’autorité, c’est aussi un problème d’enseignement. Ça engage chaque enseignant de l’Université.

Je crois qu’il faut marteler le principe du libre examen, le refus des dogmes, le droit inconditionnel d’avoir des convictions religieuses et que cette université n’est pas comme les autres. Elle a son histoire qui implique très clairement le fait de refuser tous dogmes religieux.

Nadia Geerts affirme dans sa carte blanche que “la mainmise religieuse s’exerce sur le campus même, sans que nul ne semble s’en émouvoir”. Le confirmez-vous ?

Je n’ai pas de faits particuliers donc je ne vais jamais confirmer des affirmations qui ne sont pas étayées par un dossier. Si en effet, il y a des remises en cause de la liberté de chacun de vivre selon ses convictions et qu’il y a du prosélytisme qui se manifeste d’une manière active sur le campus, il faut en effet que des mesures très fermes soient prises. Mais je n’ai pas connaissance de tout cela.

Je suis un professeur d’un certain âge, j’enseigne depuis des décennies à l’Université. J’ai des convictions très fortes notamment sur le port des signes convictionnels dans l’administration et dans l’enseignement public. Je les ai toujours exprimées avec fermeté dans mes enseignements et j’ai toujours accepté – car je trouve ça important – que la contradiction me soit apportée. D’ailleurs, à l’une ou l’autre occasion, j’ai reçu des documents qui contrecarraient ce que je disais et je les ai publiés. Parce que la force de l’Université, c’est de permettre le débat des idées.

L’ULB le reconnaît : « Des étudiants s’assemblent pour prier de manière sauvage. Depuis cet été, le phénomène s’est amplifié »

Selon Jean-Philippe Schreiber, conseiller de la rectrice à la politique institutionnelle, “depuis quelque temps, le phénomène s’est amplifié, entravant l’exercice de nos activités pédagogiques”. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce acceptable ?

Ce n’est évidemment pas acceptable. La liberté de conviction de chacun doit être absolue mais l’Université ne doit pas être un lieu de culte. C’est on ne peut plus clair. Là, il convient d’y remédier de manière active. Je constate, notamment dans l’aspect vestimentaire, qu’il y a eu une évolution ces dernières années. Il y a toujours eu évidemment des étudiantes voilées mais qui l’était avec une certaine légèreté. Aujourd’hui on voit apparaître des abayas (vêtement traditionnel porté par les femmes, qui consiste en une longue robe dans les pays arabes, NdlR.) et des voiles serrés de manière plus agressive. C’est leur droit. Personne ne le remet en cause, mais les pratiques évoluent, effectivement.

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