Belgique

”Ce n’est pas la mort que j’ai vécue, mais c’est l’enfer” témoigne Karen Northshield

Son parcours à l’hôpital était alors loin d’être terminé. Elle est restée trois ans et demi à l’hôpital. Après l’explosion de Zaventem, cette jeune belgo-américaine qui partait voir sa grand-mère aux États-Unis, est restée 79 jours “entre coma et état second”.

Elle a dû se soumettre à plus de 60 opérations chirurgicales. Elle n’a plus de hanche gauche. Elle a subi l’ablation de la rate et de l’estomac. Des pièces métalliques sont à jamais logées dans son corps.

Cette jeune femme, qui fut championne de Belgique de natation, est animée d’une terrible rage de vivre. “Je tiens plus que jamais à ma vie. […] Je suis forte, pas seulement pour moi, pour ma famille, pour mes frères, pour mes sœurs, pour mes parents, pour ma grand-mère, pour mes enfants que je n’aurai jamais, pour les 12 millions de Belges”, a-t-elle conclu son témoignage.

Mais, avant de se retirer, forte et digne en s’appuyant ses deux béquilles, elle a tenu à montrer des photos. Les deux premières montrent une athlète accomplie. Les suivantes ont été capturées dans les hôpitaux où elle a été soignée. Son ventre n’est plus qu’un cratère d’où émerge un amas de chair, d’organes et de viscères. Sa hanche a disparu. Ses jambes sont criblées d’impact.

La dernière image projetée est une photo de deux pages chiffonnées de De Standaard avec son titre ainsi qu’une photo de son visage. “On voit bien dans mon regard toute la souffrance, toute la peine, toute la douleur qui sont encore en moi aujourd’hui”, a-t-elle commenté.

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Une détermination sans failles

Le parcours de cette athlète de haut niveau – “mon corps était mon instrument de travail”, dit-elle – est impressionnant. Sa voix, assurée et au débit rapide, témoigne de toute sa détermination.

Et il lui en a fallu pour survivre : “Pendant des jours, des semaines, des mois, à chaque nouvelle épreuve, les médecins me donnaient zéro chance de survivre. Mon cœur s’est arrêté de battre plusieurs fois”.

Toujours, elle s’est battue. “Ce n’est pas la mort que j’ai connue mais c’est l’enfer”, dit cette femme, qui lorsque la présidente lui avait demandé sa profession, avait répondu, sans la moindre hésitation, “invalide de guerre”.

Elle sait que son combat ne s’arrêtera jamais. Elle le dit sans détour, plus jamais, elle ne dormira, elle ne mangera, elle n’entendra comme avant. Jamais elle ne sera maman. “Mon père, dit-elle, chaque fois qu’il me voit, tremble et fond en larmes”.

À 37 ans, dit-elle, elle est encore occupée à se reconstruire. “J’ai le visage préservé et le sourire forcé mais j’ai des cicatrices indélébiles”, prévient-elle avant d’ajouter : “Je suis brûlée au fer rouge de la tête aux pieds”.

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L’inhumanité des assurances

À cela, s’ajoutent, comme pour de nombreuses victimes, les démêlés avec les assurances, qui, souligne Karen Northshield, sont “le nouveau combat auquel je dois faire face”. Elle n’est pas la seule.

Les griefs envers les assurances et leurs médecins-conseils, dépourvus de toute empathie, sont récurrents chez les victimes des attentats. Une femme, entendue mercredi matin, a ainsi rapporté qu’alors qu’elle avait fait plusieurs fausses couches, un de ces médecins lui avait dit que ses grossesses arriveraient à terme si elle ne ressassait pas toujours les attentats.