Caroline Sägesser (Crisp) : “Écolo n’est pas le Cheval de Troie de l’islam politique”
Raison de ces attaques : le récent coup de force des écolos destiné à faire passer à Anderlecht une motion prévoyant l’autorisation quasi-générale de port des signes convictionnels pour les agents de la commune. Finalement, après une vive polémique, c’est une proposition plus édulcorée et venant du PS qui sera adoptée.
Écolo est-il vraiment, comme l’affirment le MR et Défi, le Cheval de Troie de l’islam politique ? Aveuglés par leur souci de diversité et d’inclusion, les écolos servent-ils d’idiots utiles à des radicaux ? Caroline Sägesser ne le pense pas. Chercheuse au Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques), spécialisée dans la question des cultes en Belgique, elle nuance fortement les accusations portées contre le parti de Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet.
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”Écolo n’est pas le Cheval de Troie de l’islam politique car tout cela est très ouvert : Écolo affiche ses positions, parfois de manière assez cash et maladroite. On se souvient du tract de Zoé Genot à Laeken durant la campagne de 2019, tranche cette historienne de formation. Par ailleurs, établir ce lien voudrait également dire que le port du foulard islamique relève automatiquement de l’islam politique. Il y a là un raccourci de la part de François De Smet et de Georges-Louis Bouchez. Je ne suis pas certaine que la dimension politique du port du foulard soit aussi évidente, même si cela peut parfois être le cas.”
Féministe vigilante, Caroline Sägesser s’étonne par ailleurs que le débat ne porte que sur les signes convictionnels des femmes : “On est beaucoup moins regardant avec les éléments de piété qui seraient manifestés par les hommes. Je pense, par exemple, à la barbe…”
guillement On est beaucoup moins regardant avec les éléments de piété qui seraient manifestés par les hommes. Je pense, par exemple, à la barbe… »
”Pas de machiavélisme chez Écolo”
Pour la chercheuse du Crisp, les soupçons d’électoralisme et de communautarisme qui entourent la démarche des verts à Anderlecht ne sont pas pertinents. “L’électoralisme ou le clientélisme politique, en démocratie, c’est naturel. Ce ne sont pas des choses mutuellement exclusives que de défendre un positionnement et de séduire des électeurs. Je ne pense pas qu’il y ait du machiavélisme chez Écolo : ce parti ne défend pas ces positions uniquement pour des raisons électoralistes.”
Rien de neuf sous le soleil, donc. Écolo suit depuis longtemps une logique d’inclusion des citoyens musulmans. “La ligne suivie à Anderlecht s’inscrit dans la continuité de positions défendues de longue date. Quand, en 2019, s’est constituée la majorité régionale bruxelloise, tous les observateurs ont pensé que la question de la laïcité allait poser problème avec Défi d’un côté et Écolo de l’autre. Cela s’est vérifié dans le dossier de l’abattage rituel et dans le dossier des signes convictionnels.”
guillement L’électoralisme ou le clientélisme politique, en démocratie, c’est naturel.«
On pourrait toutefois reprocher aux verts francophones la manière dont ils tentent de faire passer leur vision du monde : en forçant la décision. À Anderlecht, notamment. Ou, autre exemple, lors de la nomination d’Ihsane Haouach, une musulmane voilée, comme représentante du gouvernement fédéral auprès de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. “Cette stratégie d’Écolo est, en effet, difficile à décrypter, relève Caroline Sägesser. En particulier avec ce qu’il se passe à Anderlecht : on assiste à une polarisation très forte, beaucoup de gens sont heurtés alors que le règlement de la commune n’a pas été modifié et que la patate chaude est renvoyée aux autorités régionales.”
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”Le PS est complètement déchiré sur ces questions”
À gauche, tout le monde n’est pas sur la même ligne en matière de signes convictionnels. Selon Caroline Sägesser, le PS est pris dans ses contradictions, contrairement aux verts. “C’est très intéressant : Écolo est sans doute le seul parti à être cohérent sur cet aspect, en Wallonie comme à Bruxelles. Contrairement au PS qui est beaucoup plus ouvert aux revendications à caractère religieux à Bruxelles qu’il ne l’est en Wallonie. D’ailleurs, la Cour européenne de Justice vient de donner raison au bourgmestre PS d’Ans qui a interdit les signes convictionnels dans son administration. Le PS est complètement déchiré sur ces questions. On a clairement deux PS.”
