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Vladimir Poutine: sauveur des valeurs traditionnelles ou dangereux réactionnaire? – SWI swissinfo.ch

Dans une rue de Sébastopol, en Crimée, des gens passent devant un panneau d'affichage représentant le président russe Vladimir Poutine et portant la mention "L'Occident n'a pas besoin de la Russie, nous avons besoin de la Russie",


Vladimir Poutine: sauveur des valeurs traditionnelles ou dangereux réactionnaire?


Keystone/AP

Ce week-end ont lieu les huitièmes élections présidentielles de la Russie moderne. Et le vainqueur est déjà connu.

Depuis la chute du rideau de fer, c’est surtout un homme qui marque l’image de la Fédération de Russie: Vladimir Vladimirovitch Poutine. S’appuyant sur sa politique économique et culturelle mais aussi sur la guerre et la répression, le chef du Kremlin devrait selon toute vraisemblance être réélu président dimanche 17 mars.

Mais quels sont exactement les facteurs qui favorisent le système Poutine et le maintiennent au pouvoir? L’équipe «dialogue» de la SSR a rassemblé pour vous une sélection de contenus provenant de toute la Suisse sur le système politique instauré par Vladimir Poutine en Russie.


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La réécriture de l’histoire et l’endoctrinement des enfants

Sous Vladimir Poutine, les cours d’histoire russes ont changé. A côté de la glorification de l’époque soviétique, le régime de Moscou a notamment inventé la menace d’un génocide dans le Donbass pour justifier son invasion de l’Ukraine.

Cette nouvelle histoire est désormais également enseignée aux élèves russes, comme le montre un coup d’œil dans les derniers manuels d’histoire des écoles du pays. On y parle d’une «opération militaire spéciale» contre des «néonazis» en Ukraine. Et quiconque contredit l’histoire officielle risque une peine de prison.

>> Voir l’extrait de l’émission Géopolitis:


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La répression de l’opposition

L’un des détenus les plus célèbres de Russie a payé de sa vie son opposition au régime: Alexeï Navalny. En 2020, il survit à une tentative d’assassinat à l’agent innervant Novitchok, un puissant poison. A peine remis, il retourne en Russie et est arrêté. Condamné à plusieurs peines de prison, il meurt à 47 ans dans une colonie pénitentiaire dans l’Oural polaire.

L’auteur et dissident russe Oleg Radzinsky a survécu à la détention sous le régime de Poutine. Lui et son collègue Mikhaïl Chichkine vivent désormais en exil en Suisse. Interrogés par swissinfo, ils se disent convaincus qu’Alexeï Navalny n’est pas mort de «mort naturelle», comme le communique le Kremlin, mais qu’il a été assassiné.

>> Après la mort de Nawalny, les deux écrivains russes Oleg Radzinsky et Mikhaïl Chichkine ont réagi en exclusivité pour SWI swissinfo.ch:

Plus

lire plus Oleg Radzinsky: «J’espère que la mort d’Alexeï Navalny réveillera les politiciens occidentaux»

Avec la mort d’Alexeï Navalny, l’espoir le plus sérieux d’une Russie sans Poutine a disparu. Suivies par des dizaines de milliers de personnes, ses funérailles ont marqué un dernier sursaut contre l’Etat répressif que la Russie est devenue ces dernières années. Des milliers de Russes se sont déjà rendus sur la tombe de l’opposant du Kremlin, recouverte d’une montagnes de fleurs, a constaté le correspondant de SRF en RussieLien externe.

>> Le reportage de SRF sur la tombe d’Alexeï Navalny:


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La guerre culturelle et le traditionalisme russe

Depuis plus d’une dizaine d’années, Vladimir Poutine a opéré un profond virage conservateur, éloignant de plus en plus la Russie des idées «progressistes». Le président russe ancre son discours dans la défense des «valeurs traditionnelles»: la vie, la dignité, le patriotisme ou encore une famille forte. L’année 2024 a ainsi été déclarée «année de la famille».

>> Voir le sujet de Tout un Monde de RTS:


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Ce tournant idéologique se traduit notamment par un recul du droit à l’avortement, une répression accrue du mouvement LGBTQI+ et une diabolisation de tout ce qui vient de l’Occident. Un discours relayé par des personnalités publiques comme Maria Vedunova, docteure en biologie. Pour elle, donner la possibilité aux femmes de faire des études a été une «grosse erreur». «C’est la mort de notre culture, de notre civilisation.»

C’est aussi pour des raisons géopolitiques que le Kremlin investit cette question des valeurs. Au-delà de la puissance économique et militaire, se placer en garant des valeurs traditionnelles confère à Moscou un pouvoir d’attraction dans ce qu’on appelle le «Sud global», en Afrique, en Amérique latine ou en Asie. Mais ce «soft power» trouve aussi un écho auprès d’une certaine frange du monde occidental.

Malgré le rejet affiché et en dépit des sanctions, l’appareil du pouvoir russe continue à accorder de l’importance à ce que pense l’Occident. On l’a vu lorsque les médias d’Etat russes ont diffusé des extraits tronqués d’un documentaire de Christof Franzen, journaliste SRF et ancien correspondant en Russie, pour l’adapter à leur narratif. Au lieu d’une large palette d’opinions, les images ne montraient plus que des Russes assidus et, surtout, patriotes.

>> La télévision d’Etat russe déforme un reportage de SRF:


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Pas d’appui massif à Poutine en interne

Indéniablement, Vladimir Poutine bénéficie d’un important électorat acquis à sa cause. Pour autant, le président ne dispose pas d’un appui massif, affirme le célèbre critique du régime et prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov dans une interview accordée à la RTS. La critique du régime se concentre selon lui dans les villes et chez les jeunes.

Le chef du Kremlin peut toutefois compter sur deux groupes importants de la population qui profitent de son régime: d’une part les plus de 65 ans et d’autre part une nouvelle classe moyenne de personnes qui travaillent dans l’appareil de sécurité. Avec leurs familles, cela représente des dizaines de millions de personnes.

>> L’interview de Dmitri Mouratov dans le 19h30 de RTS:


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– 1952: né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg)

– 1975: diplômé de l’Université de Leningrad

– 1975 – 1991: collaborateur du KGB (le “Comité pour la sécurité de l’Etat”, qui comprend les services de sécurité soviétiques chargés du renseignement et du contre-espionnage à l’intérieur et à l’extérieur de l’URSS)

– 1985 – 1990: espion à Dresde, en RDA (République démocratique d’Allemagne)

– 1991 – 1996: proche conseiller du maire de Saint-Pétersbourg

– 1997 – 1998: chef adjoint de l’administration présidentielle à Moscou, puis vice-directeur de cette même administration

-1998-1999: directeur du FSB (le “Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie”, une organisation qui succède au KGB)

– 1999 – 2000: Président du gouvernement russe (Premier ministre)

– 1999 – 2008: Président par intérim puis, depuis 2000, Président de la Fédération de Russie

– 2008 – 2012: Président du gouvernement russe (Premier ministre)

– Depuis 2012: Président de la Fédération de Russie

 Traduit de l’allemand par Didier Kottelat