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Une « diplomatie du transit » qui énerve la Chine

Taïwan pratique depuis longtemps cette “diplomatie du transit” pour contourner l’interdiction de se rendre aux États-Unis faite à ses dirigeants depuis la rupture entre Washington et Taipei en 1979 – une mesure que Pékin impose pour isoler Taïwan sur la scène internationale. L’Administration américaine justifie l’entorse en invoquant le souci de veiller “à la sécurité, au confort et à la dignité” des visiteurs de marque. Pour ménager la susceptibilité chinoise, toutefois, les escales sont brèves et évitent Washington, siège hautement symbolique du pouvoir politique. Les dignitaires taïwanais n’en profitent pas moins pour rencontrer notamment, là où ils s’arrêtent, des parlementaires acquis à leur cause.

Un traitement de faveur

Tsai Ing-wen en est ainsi à son septième “transit” par les États-Unis depuis son élection en 2016. Et, contrairement à ses prédécesseurs, elle jouit d’égards de plus en plus marqués, ayant d’abord bénéficié, sous la présidence de Donald Trump, d’un affrontement plus dur entre Washington et Pékin dont le corollaire était un appui américain plus prononcé à Taïwan. En août 2018, Mme Tsai avait eu ainsi le privilège de visiter le centre de la Nasa lors d’une escale à Houston. Et, en juillet 2019, de passage par New York et Denver, elle avait pu rester à chaque fois deux nuits sur le sol américain, contre une généralement jusque-là.

Cette fois, la présidente taïwanaise aura l’honneur d’une rencontre avec le nouveau speaker de la Chambre des représentants, le Républicain Kevin McCarthy. L’initiative s’inscrit dans la foulée de la visite controversée à Taïwan, en août dernier, de la Démocrate Nancy Pelosi, qui occupait alors le perchoir de la Chambre.

Rencontre à Los Angeles

L’entrevue est prévue, le 5 avril, à Los Angeles (McCarthy est député de la Californie), aussi loin qu’il est possible de Washington, pour limiter peut-être la portée de l’événement. D’aucuns pensent qu’elle permettra aussi à McCarthy d’éventuellement renoncer au voyage qu’il disait vouloir faire à son tour à Taipei au risque d’enflammer à nouveau les relations sino-américaines.

Il n’est pas certain que ces précautions suffisent à calmer Pékin, où l’on s’indigne du traitement réservé à une “dangereuse séparatiste”. L’énervement est d’autant plus grand que de nombreux parlementaires américains, dans les deux grands partis, voudraient que Washington apporte à Taïwan un soutien plus ferme et, surtout, plus transparent. Ils recommandent d’abandonner la vieille politique de “l’ambiguïté stratégique” (en vertu de laquelle les États-Unis se refusent à dire ce qu’ils feraient en cas d’attaque chinoise contre Taïwan) au profit d’une “clarté stratégique” (l’Amérique s’engageant sans la moindre ambiguïté à défendre l’île en pareilles circonstances).

Dérogeant à la pratique de ses prédécesseurs, Joe Biden avait, certes, déjà déclaré à l’une ou l’autre reprise que les Américains se tiendraient aux côtés des Taïwanais si un conflit éclatait avec la Chine, mais en ayant soin de faire dire ensuite par son Administration que la politique de Washington demeurait malgré tout inchangée. Entretenir une telle confusion ne semble plus être la meilleure option. Beaucoup jugent désormais préférable de montrer la solidité des alliances, à l’heure où la Chine choisit la confrontation avec les États-Unis en continuant d’afficher sa solidarité avec la Russie et en manifestant une agressivité croissante sur la question taïwanaise.

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