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Le télescope européen Euclid part à la poursuite du côté obscur de l’Univers – Actualités Tunisie Focus

Samedi en fin de journée, l’Agence spatiale européenne a procédé au lancement du télescope Euclid dans l’espace pour percer les secrets de la matière noire et de l’énergie sombre.

écollage réussi. Ce samedi 1er juillet à 17h12 (heure française), Euclid, un télescope spatial révolutionnaire, a pris son envol depuis Cap Canaveral (Etats-Unis) en direction de l’espace afin d’observer près de deux milliards de galaxies. Le but : déterminer la cause de l’accélération de l’expansion du cosmos, jusqu’ici attribuée par les scientifiques à une mystérieuse entitée baptisée « énergie sombre » qui, avec la matière noire, constitue 95 % de l’Univers – mais dont on ne sait quasiment rien.

Euclid, du nom du père de la géométrie, « sera la première mission spatiale à étudier les propriétés de l’énergie sombre », a souligné auprès de l’AFP Michael Seiffert, responsable scientifique du projet pour la Nasa, qui participe à cette mission de l’Agence spatiale européenne (ESA).

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Six ans de mission

Le télescope de deux tonnes va être placé à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Durant six ans, la sonde dressera une carte en trois dimensions de l’Univers, englobant environ deux milliards de galaxies, sur une portion d’un tiers de la voûte céleste. Les galaxies lointaines observées permettront de remonter le temps jusqu’à il y a 10 milliards d’années – le temps qu’a pris leur lumière pour nous parvenir. L’immense quantité de données récoltées sera rendue publique.

Cette mission européenne coûte 1,5 milliard d’euros et doit durer jusqu’en 2029 minimum. La Nasa prévoit elle aussi de lancer d’ici quelques années une mission dédiée à l’exploration de la matière noire, le télescope spatial Nancy Grace Roman.

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Attraction et répulsion

La matière noire (qui représente 26 % de l’Univers) et l’énergie sombre (69 %) ont des effets opposés : quand la première exerce une attraction qui tient ensemble les objets cosmiques, l’énergie sombre provoque, elle, leur dispersion. Les 5 % restants sont tout simplement la matière ordinaire : les étoiles, les galaxies, les nuages de gaz et nous-même.

Dans le cas de la matière noire, on sait qu’elle existe à cause d’un constat mystérieux : impossible d’expliquer comment une galaxie ou un groupe de galaxies ne se disperse pas en ne prenant en compte que la gravité de leurs éléments visibles (planètes, étoiles…). « Vous devez faire l’hypothèse d’une quantité additionnelle de matière, invisible à nos télescopes, comme une composante gravitationnelle qui tient tout ensemble », explique Michael Seiffert. Ce « ciment » cosmique a été baptisé matière noire. Jamais observé directement, il pourrait s’agir de particules subatomiques, selon certaines hypothèses.

L’énergie sombre est, elle, peut-être encore plus énigmatique. Depuis les découvertes du célèbre astronome Edwin Hubble dans les années 1920, on sait que l’Univers est en expansion. Et depuis les années 1990, que cette expansion s’accélère. Or cela « implique que sur de très grandes échelles, la gravité contient en réalité une composante répulsive qui écarte les choses les unes des autres », expose Michael Seiffert. Cette force, ce « grand mystère de la physique », c’est l’énergie sombre.

Cartographier l’expansion de l’Univers

La méconnaissance de ces deux composantes sombres a été qualifiée de « situation embarrassante » par le responsable de la mission Euclid à l’ESA, Giuseppe Racca. Le satellite n’a toutefois pas pour objectif de déterminer leur nature – trop ambitieux – mais d’abord de mieux comprendre leur propriété, la manière dont elles agissent et évoluent à travers le temps.

Grâce à sa carte en 3D, le télescope permettra des mesures précises sur la distribution des galaxies et l’expansion de l’Univers. « Euclid va observer des objets visibles dans des proportions et à des échelles inédites », détaille Stéphanie Escoffier, directrice de recherche au CNRS et spécialiste française de l’univers sombre pour Futura Sciences.

De ces observations, la matière noire et l’énergie sombre seront déduites « indirectement », a expliqué Giuseppe Racca. Calculer la matière noire pourra être fait en « soustrayant » la matière visible. Pour l’énergie sombre, David Elbaz, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et membre de la collaboration Euclid, dresse le parallèle avec un ballon de baudruche : l’énergie sombre serait le souffle qui fait gonfler le ballon. Observer comment il grossit sera donc riche d’enseignement.

L’accélération de l’expansion de l’Univers aurait démarré il y a six milliards d’années. En remontant à 10 milliards d’années, Euclid pourrait observer les premiers effets de l’énergie sombre.

« Big Crunch » ?

Toutes ces données pourraient également éclairer le destin de l’Univers. La théorie du « Big Crunch » (contraction de l’univers sur lui-même) est affaiblie depuis la découverte de l’expansion accélérée de l’Univers. Mais la façon dont il continuera à s’étendre – peut-être, dans plusieurs dizaines de milliards d’années, jusqu’à éloigner les planètes de tout Soleil voire déchirer les atomes – dépendra des propriétés de l’énergie sombre, qu’Euclid doit aider à mesurer.

Le télescope, d’1,2 mètre de long, embarque deux instruments : un imageur observant en lumière visible (VIS) et un spectro-imageur proche infrarouge (NISP). Il n’a que son antenne à déployer en vol, et devrait être opérationnel au bout d’environ trois mois. « Nous ne savons pas ce que nous allons trouver, mais Euclid a le potentiel de totalement bouleverser notre compréhension des lois de l’Univers », assure, dans le Journal du CNRS, Yannick Mellier, le responsable du Consortium Euclid qui regroupe l’ensemble des scientifiques impliqués dans la mission.