France

« SOS archi en détresse »… Face au manque de moyens, les écoles d’architecture à l’arrêt depuis un mois

« Les vingt écoles resteront soudées jusqu’à ce que la ministre de la Culture Rima Abdul Malak nous entende », s’exclament Estelle Contoux et Louis Chamayou, deux étudiants de l’École nationale supérieure d’architecture (Ensa) de Lyon.

Depuis un mois, leurs cours, comme ceux des dix-neuf autres Ensa, sont suspendus et ont été transformés en ateliers, en assemblées générales et en de nombreuses actions pour visibiliser ce mouvement « historique ». « C’est la première fois que toutes les écoles se mobilisent en même temps, aussi longtemps, pour des revendications communes », affirme Estelle, en deuxième année de master.

Les écoles réclament « plus de moyens pour recruter du personnel administratif et des enseignants, mais aussi pour rénover leurs locaux », aux ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur, qui gèrent en cotutelle les Ensa depuis 2018. Lasénatrice (PS) Sylvie Robert pointait déjà il y a trois ans « l’urgence de répondre aux besoins financiers et humains des Ensa » en rappelant que « la dépense moyenne pour un étudiant en architecture s’élève à 7.597 euros, soit un investissement inférieur de 35 % à celui pour un étudiant dans le supérieur, qui est à 11.670 euros ». Et ce, « sans justification aucune ».

L’école de Normandie dans l’incapacité d’ouvrir

Le mouvement est parti de Normandie. Au retour des vacances de février, le site de Rouen était « dans l’incapacité d’ouvrir dû à un manque de personnels », résume Louis, également en master 2. « Depuis des années, les conseils d’administration alertent sur la situation, poursuit sa camarade Estelle. Mais là, on a bien vu qu’on était au bord de la rupture et que si ça continuait comme ça, nos écoles allaient fermer une par une. »

De cette mobilisation « de soutien » s’est engagée une réflexion sur chacune des écoles. Car à Lyon aussi, il existe un déficit du personnel administratif : trente personnes sont en charge de 1.000 étudiants. « Et les bâtiments sont construits pour quatre cents élèves », ajoute Louis. Ces locaux, qui datent des années 1980, sont par ailleurs, « très mal isolés » et ont de nombreuses fuites d’eau. Un paradoxe pour une école d’architecture, notent les futurs professionnels. « On fait cours avec des seaux qui récupèrent l’eau de pluie », glisse l’étudiant.

Soutenus par les enseignants et les directions

« Ensa en lutte » est alors unanimement soutenu par le corps d’enseignants-chercheurs et la direction des établissements. A Lyon, Sophie Chabot, directrice depuis novembre 2021, confirme l’état des lieux de ses élèves malgré sa place « délicate », étant nommée directement par le ministère de la Culture.

« Ma mission est d’être à l’écoute de mes élèves, de garantir l’ordre et leur sécurité », indique-t-elle en assurant « les soutenir dans la mesure où [elle peut] le faire ». En tant que cheffe d’établissement, elle fait en sorte « qu’ils puissent s’exprimer » et « qu’ils valident leurs enseignements ».

« On va avoir besoin de beaucoup d’architectes dans le futur. Ce qui m’importe, c’est qu’ils soient bien formés pour relever les défis du changement climatique », complète-t-elle. En décembre, elle avait cosigné une tribune publiée dans Le Monde à ce sujet.

Un rendez-vous la semaine prochaine ?

« Investir dans les archis, c’est investir dans l’avenir », reprend Louis. Les étudiants citent la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, qui a affirmé fin janvier que la filière était en « capacité de sauver notre monde ». « On a besoin de nous mais on ne le fera pas sans moyens », lancent-ils. Les 20.000 futurs architectes continueront la lutte jusqu’à obtenir « les rendez-vous demandés avec les différents ministères ». Car depuis le début de la mobilisation, « rien, aucune réponse satisfaisante », relève Louis, pas démotivé pour autant.

Sollicité par 20 Minutes, le ministère de la Culture annonce ce mardi que Rima Abdul Malak réunira la semaine prochaine les présidents des écoles, puis leurs directeurs, pour « échanger sur la situation ». Il rappelle que, depuis sa nomination, la ministre a augmenté le budget et a revalorisé la rémunération des enseignants-chercheurs. « Toutes ces actions démontrent que la ministre fait du réseau Ensa une de ses priorités », souligne son cabinet. Ce sera aussi la priorité d’Hélène Fernandez, qui vient d’être nommée au poste de directrice, adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture. Un poste vacant depuis plusieurs mois.