Belgique

”Une hécatombe”, “des retours alarmants”: malgré les apparences, les derniers résultats en première année d’université restent inquiétants

On attendait avec impatience les traditionnels relevés du Cref (le Conseil des rectrices et recteurs d’universités francophones), premier indicateur publié chaque année. Malheureusement, l’information n’y figure pas. “Les universités ont bien prévu de collecter une nouvelle variable, nous explique-t-on au Cref, concernant le nombre d’étudiants de bloc 1 qui ont réussi au minimum 45 crédits de leur programme et sont donc autorisés à anticiper certains cours de bloc 2.” On ne devrait donc toujours rien savoir de la proportion de jeunes qui ont pu passer de première en deuxième. “Ce chiffre ne sera disponible qu’à partir de mars 2024”, nous indique-t-on encore. À quelques semaines seulement du blocus suivant.

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Un pourcent de plus

Que sait-on en attendant ? Le dernier bilan suit la même présentation que les années précédentes. Ce qui est mesuré, c’est le nombre d’unités d’enseignement (1) réussies, à la fois par rapport au nombre total d’étudiants inscrits, et par rapport au nombre d’entre eux ayant effectivement présenté les épreuves (supérieur d’une quinzaine de pourcents).

En 2022-2023, par rapport au nombre total d’inscrits, 52 % des unités d’enseignement ont été réussies en première année (la réussite étant fixée à 10/20). C’est 1 % de plus qu’en 2021-2022. Et 6 % de mieux qu’en 2020-2021 – cette année-là ayant enregistré un net recul après les résultats exceptionnels validés pendant le confinement de la crise sanitaire (on était à 57 % d’unité d’enseignement réussies pour l’année académique 2019-2020).

Pour 2022-2023, la même évolution est constatée aux autres niveaux : +3 % de réussite dans les autres années de bachelier (à 77 % d’unités réussies), et +1 % en master (avec 83 % d’unités réussies).

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Malheureusement, ces moyennes ne révèlent rien de la réussite des étudiants, ce concept étant devenu flou depuis le décret Marcourt dit “Paysage” de novembre 2013. Sur le site du Cref, le dernier taux de réussite moyen des étudiants de première année remonte d’ailleurs à 2012-2013. Il était à l’époque de 33 %. Un étudiant sur trois, comme c’était déjà le cas cinq ans plus tôt.

“Des statistiques lisibles le plus vite possible”

Comment peut-on mettre en place des politiques efficaces d’aide à la réussite sans une analyse fine de ce qui se passe sur le terrain ? Et comment prévoir quels effets auront les changements de règles si on ignore la situation ? La ministre de l’Enseignement supérieur, Françoise Bertieaux (MR), a déclaré avoir confié à l’Ares (la coupole du secteur) “la mission de présenter le plus vite possible des statistiques claires et lisibles concernant les étudiants”.

Le manque de données agace aussi Pieter Lagrou, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB. “L’absence de données chiffrées qui vont au-delà de 2013 et au-delà du rapport entre nombre d’inscrits et examens réussis est étonnante : ni l’Ares ni les services pourtant pléthoriques d’appui pédagogique au sein des universités ne s’y intéressent”, déplore-t-il. Ce qui, mis en lien avec son expérience de terrain, l’amène à critiquer la politique actuelle d’évaluations.

“De nombreux étudiants fantômes”

“En première année, 30 % des étudiants inscrits réussissent mon cours en janvier. Ceux d’entre eux qui le représenteront en mai seront 4 % à s’en sortir, auxquels s’ajouteront à peine 1 % des inscrits qui réussiront en août, après 3 tentatives.” Le professeur conclut : “Il n’est pas faux de parler d’hécatombe en première année pour les étudiants qui choisissent de passer l’examen trois fois, à chaque date proposée.” Et il épingle également les nombreux étudiants fantômes (jusqu’à 28 % par an selon lui) “qui ne présentent rien mais dont personne ne s’occupe : ils ne coûtent rien aux universités qui encaissent leur minerval et évitent aux politiques de constater l’échec de leurs choix”.

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La Fef (Fédération des étudiants francophones) regrette également l’absence de données fiables. “Des coups de sonde menés dans deux universités nous indiquent des résultats plus alarmants que les chiffres publiés par le Cref.”

– > (1) Une unité d’enseignement se compose d’une activité d’apprentissage ou d’un ensemble d’activités d’apprentissage qui sont regroupées parce qu’elles poursuivent des objectifs communs. Pour chaque unité d’enseignement, une évaluation a lieu et est sanctionnée par une note sur 20.