Belgique

Rajae Maouane (Écolo) : “À part renforcer le Belang, je ne vois pas ce que rapportera la position actuelle du CD&V sur la migration”

Les propos de Georges-Louis Bouchez sont surtout d’une violence inouïe car il met aussi en cause le bilan de ses propres ministres fédéraux… Chez Écolo, on est très content des nôtres, au contraire. La Vivaldi, c’était un pari. Il était important pour nous de concrétiser les promesses de ce qu’on a appelé “le gouvernement le plus vert de l’histoire”, qui était aussi le premier gouvernement paritaire. Georges Gilkinet, après des années d’absence de plan d’investissement dans le rail, a réussi à réinvestir massivement dans la SNCB pour en faire la colonne vertébrale de la mobilité. En matière de climat, Zakia Khattabi a été une ministre marquante.

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Elle a pourtant été critiquée, certains se demandant à quoi elle passait ses journées…

Ces critiques portaient sur une soi-disant absence de communication. Son action a été saluée, au contraire. Elle a apporté la question climatique dans chaque ministère. Et comment ne pas citer l’action de Sarah Schlitz et ensuite de Marie-Colline Leroy (comme secrétaires d’État à l’Égalité des chances, NdlR) ? La Belgique est devenue, grâce à leur travail, une figure de proue mondiale dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Entre autres, la notion de féminicide a été inscrite dans le Code pénal.

Sarah Schlitz a démissionné à la suite du “logogate”. Ce n’est pas anodin pour Écolo, un parti qui met l’emphase sur l’éthique en politique.

Elle a reconnu elle-même les erreurs qu’elle avait commises. Cette séquence reste interpellante quand on sait que, quelques semaines plus tard, une ministre du MR (Hadja Lahbib, ministre des Affaires étrangères, NdlR), après l’attribution de visas à des barbares, des bouchers du régime iranien, n’a pas dû démissionner car son parti ne le jugeait pas opportun. Il y a donc deux poids, deux mesures. Mais nos standards en termes d’éthique ne sont pas les mêmes que ceux du MR.

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Le format de la coalition fédérale, avec sept partis et la réunion des socialistes, des libéraux, des écologistes et du CD&V, doit-il être reconduit ? Partante pour une Vivaldi 2 ?

On veut reproduire une formule de gouvernement qui donnerait toute sa place à la transition écologique et solidaire. Bien sûr, il faudra faire avec les rapports de force qui résulteront du 9 juin. L’extrême droite va peut-être péter les scores…. Le format à sept partis n’a pas toujours été évident. Certains présidents n’ont pas aidé à la sérénité des débats…

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Vous évoquez le comportement de Georges-Louis Bouchez?

Oui. Il est normal que les partis expriment leurs valeurs. Mais il y a une façon de le faire, sans polluer le débat médiatique et politique. On a parfois parlé davantage des polémiques que des avancées concrètes dans les dossiers.

Le MR reste-t-il un partenaire de coalition pour Écolo ?

De quoi parlons-nous ? Du Mouvement réformateur ? Ou du Mouvement conservateur de Georges-Louis Bouchez ? Ce n’est pas la même chose.

Si la N-VA signe avec le Vlaams Belang pour le futur gouvernement flamand, cela exclurait-il la possibilité pour Écolo de monter dans une majorité fédérale avec le parti de Bart De Wever ?

Vous vous doutez de la réponse… Ce n’est pas envisageable. Le seul point d’accord entre Écolo et la N-VA, c’est qu’on n’est pas d’accord.

Pour Bart De Wever, le parti à combattre, c’est Écolo. Il dit préférer les communistes aux verts… D’où vient cette animosité, selon vous ?

Leur projet et le nôtre sont totalement aux antipodes. La N-VA veut moins de Belgique, on en veut plus. Elle veut diviser, on veut rassembler.

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Si vous aviez la possibilité de retirer une mesure adoptée durant cette législature, laquelle choisiriez-vous ?

Pas une mesure en particulier, mais un thème : la migration. On n’est pas du tout en phase… Sammy Mahdi (CD&V) puis Nicole de Moor (CD&V), comme secrétaires d’État à l’Asile et à la Migration, ont pris des décisions avec lesquelles on n’était pas d’accord. On a multiplié les marques de désaccord en interne et extérieurement. Sur le chapitre de la migration, notre plus grand regret, c’est de ne pas avoir réussi collectivement à changer la vision de certains partis. C’est un gros enjeu. La première cause de migration sera le dérèglement climatique. Si, aujourd’hui, le gouvernement fédéral n’arrive pas à se mettre d’accord sur une politique d’accueil la plus inclusive possible, cela sera encore plus compliqué à l’avenir.

Qu’est-ce qu’implique cette politique “la plus inclusive possible” ?

Le respect de l’État de droit par rapport à l’accueil. Moi, j’ai une difficulté quand la Belgique est condamnée à des milliers de reprises. C’est totalement hallucinant et totalement dingue que le CD&V assume de ne pas payer les astreintes. Sur la question de l’accueil, il faut pouvoir régulariser les personnes qui sont ici depuis des années. Et ce ne sont pas que ces “gauchistes” d’Écolo qui le disent… Ce sont aussi les patrons, y compris les patrons flamands, qui le souhaitent. Si on ne peut pas avoir un bon sens humain, ne peut-on au moins avoir un bon sens économique ? À part renforcer le Belang, je ne vois pas ce que rapportera la position actuelle du CD&V.

Quelles sont vos “exclusives” ? Quelles sont les formations avec lesquelles vous refusez de gouverner ?

Avec l’extrême droite. On lui applique un cordon sanitaire politique. Et un cordon sanitaire médiatique, d’ailleurs, contrairement à certains (sur la VRT, Georges-Louis Bouchez avait débattu avec Tom Van Grieken, NdlR). Pour le reste, on voudra proposer les coalitions les plus progressistes possibles et celles qui permettront d’aller le plus loin dans la transition écologique et solidaire, le réinvestissement massif dans les transports en commun, la rénovation des bâtiments, l’extension de la gratuité ciblée pour les tarifs Stib et Tec, qui lutteront contre l’extrême droite et la discrimination… Voilà notre coalition de rêve. Je ne proposerai jamais à une assemblée générale des militants d’Écolo d’accepter de monter dans un gouvernement qui met sur “pause” ces thèmes.

Portrait (2019) : Qui est Rajae Maouane, la future coprésidente d’Écolo ?

Ecolo co-chairwoman Rajae Maouane and Ecolo co-chairman Jean-Marc Nollet pictured during a party congress of French speaking greens Ecolo to launch the 2024 elections campaign, Sunday 17 March 2024 in Namur. BELGA PHOTO BRUNO FAHY
Rajae Maouane et son coprésident Jean-Marc Nollet lors d’un congrès de leur formation politique en mars.