Belgique

Le député Youssef Handichi (MR) s’explique sur son passage du marxisme au libéralisme: « Une tendance petite-bourgeoise intello gagne le PTB »

À quand remonte votre rupture avec le PTB ?

Cette rupture est le fruit d’un long cheminement et de deux ans de désaccords majeurs… Notamment, en ce qui concerne la taxe kilométrique à Bruxelles. Dans les quartiers populaires comme Anderlecht, Schaerbeek, Molenbeek, je voyais la protestation des citoyens. Quand j’étais au PTB, il m’était difficile de comprendre le peu d’implication du parti dans ce dossier. Alors que pour beaucoup de personnes, la voiture, c’est leur fiche de paie, c’est leur outil de travail. Le PTB aurait dû être aux côtés de ces gens dès le départ. Quand je discutais avec les élus MR, on tombait d’accord pour rejeter les taxes supplémentaires, pour considérer que les indépendants ont besoin de leurs véhicules pour travailler. Déjà à l’époque, j’étais plus aligné avec la position du MR qu’avec celle du PTB.

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Pourquoi ces réticences du PTB, selon vous ?

Une tendance petite-bourgeoise intello gagne le PTB, c’est clair. Moi, j’ai une origine ouvrière et je la garde. Sur la mobilité, j’avais pris trop de place et pris trop d’initiatives n’allant pas dans le sens du PTB qui attire aussi un public qui aime bien son vélo… Il faut investir dans l’infrastructure cycliste, mais il faut respecter un équilibre en matière de mobilité. Et cet équilibre n’était plus respecté au PTB.

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Sur la mobilité, j’avais pris trop de place et pris trop d’initiatives n’allant pas dans le sens du PTB qui attire aussi un public qui aime bien son vélo…« 

Vous créez aussi votre entreprise, avec l’aide d’Alexia Bertrand, ancienne cheffe de groupe MR au Parlement bruxellois et actuelle secrétaire d’État au Budget au fédéral pour l’Open VLD. Ce n’est pas banal quand on vient d’une formation d’extrême gauche… Vous l’aviez notamment traitée de “milliardaire” sur les réseaux sociaux.

Après ma rupture avec le PTB, il a été décidé que je ne m’exprimerais plus au nom de ce parti, que je ne me présenterais plus sur les listes PTB. J’ai alors eu du temps qui s’est libéré et je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie. J’avais le choix de retourner à la Stib, comme chauffeur de bus. Ou alors retourner dans le nettoyage. Avant la Stib, j’étais technicien de surface. Mais mon ancien patron m’a incité à créer ma propre entreprise. Alexia Bertrand étant une belle référence au niveau entrepreneurial, j’y ai été franchement : je lui ai demandé de m’aider à lancer mon entreprise. Elle m’a écouté et m’a donné des conseils, m’a dirigé vers les bonnes personnes qui m’ont coaché. Elle m’a ouvert les portes.

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Vous formerez un duo avec Alexia Bertrand (4e sur la liste fédérale à Bruxelles) pendant la campagne électorale ?

Oui. Et je forme un duo avec Alexia. Point. Pas seulement un duo de campagne.

Vous avez votre carte de parti MR ?

Oui, c’est fait.

Êtes-vous d’accord à 100 % avec le programme du MR ?

Je dois encore étudier de manière approfondie le programme du MR et m’en imprégner. Tout le volet sur l’entrepreneuriat me parle beaucoup, par exemple. Je vais aller promouvoir ce programme dans les quartiers populaires. Ce qui m’anime, c’est d’éviter que les jeunes de ces quartiers se réveillent comme moi, à 47 ans, en se demandant comment créer leur boîte. Ce que j’aime aussi, au MR, c’est la liberté de pensée et de conscience, qui est grande.

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C’est-à-dire ?

Je suis musulman et j’ai été à l’école chez les jésuites. J’ai récité de nombreux “Je vous salue, Marie”… Je ne suis pas antisémite, j’ai côtoyé la communauté juive. Voilà mon identité. J’ai la foi musulmane, je la garde. Mes parents venaient du Maroc, pays musulman. Je viens de là. Mais je ne suis pas que cela. Je ne suis pas le musulman du MR. Pitié, mon Dieu, pas ça…

Cette liberté de pensée n’existait pas au PTB ?

Il est vrai qu’il y a au PTB beaucoup, beaucoup, moins de marge de manœuvre pour s’exprimer à l’extérieur du parti… Quand on passe de la gauche PTB au MR, on fait face à un torrent de haine. Je suis prêt à l’affronter. Il y a une campagne de décrédibilisation contre moi dans les quartiers où je suis une figure politique. Mais on sait qui je suis et personne ne va me tourner le dos, on pourra discuter. Et le MR s’installe dans les quartiers populaires de Bruxelles grâce à David Leisterh (patron du MR bruxellois) : on va pouvoir en récolter les fruits au soir du 9 juin, j’en suis convaincu.

Vous avez réalisé un très gros score aux élections de 2019 sous la bannière PTB. Les électeurs vont-ils vous suivre alors que vous êtes désormais au MR ?

Je vous donne rendez-vous le 9 juin. Je vais certainement perdre des électeurs en chemin. Je ne suis pas fou, je sais que je ne vais pas faire le même score. Mais j’ai bon espoir de m’en rapprocher.

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