Belgique

“Le chantier du siècle ne doit pas se terminer par la faillite de la Région tout entière” : Écolo isolé sur le dossier du métro 3 mais jusqu’à quand?

À la place, les Verts francophones appellent à “privilégier le transport en surface” : “Le chantier du métro connaît des difficultés de plus en plus grandes qui mettent en péril les capacités d’investissement de la Région dans des domaines cruciaux”. Pour Écolo, l’offre Stib doit bien être renforcée, mais “dans tous les quartiers” et non uniquement sur la ligne du futur Métro 3. Les écologistes fustigent “la position ‘métro, à n’importe quel prix’ de la Stib et d’autres personnalités politiques”.

Le Métro 3 de Bruxelles, le chaînon manquant

La dette de la Région a explosé

Il faut dire que l’état d’avancement du chantier a de quoi refroidir même les plus motivés. La date de mise en service du premier tronçon, au Sud, est passée de 2025 à 2031 après la découverte d’importants problèmes d’ingénierie au niveau du Palais du Midi. L’année de mise en service du second tronçon, au Nord, est, elle, fixée à 2034. Et c’est sans compter les obstacles éventuels que le chantier de cette partie Nord pourrait aussi rencontrer. Vu la longueur des délais, la ministre de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) a d’ailleurs été chargée d’étudier les alternatives pour améliorer l’offre de transports en surface en attendant le possible Métro 3.

Métro 3
Le tracé du futur métro 3 de Bruxelles. L’avenir du tronçon Nord est fortement compromis, les finances de la Région étant exsangues. ©IPM Graphics

Il y a cependant plus préoccupant. Le Métro 3 est aussi et surtout un gigantesque gouffre financier. D’une première estimation à 1,5 milliard, le coût du projet est aujourd’hui passé à 4,5 milliards d’euros. On imagine mal comment ce budget pourrait sortir des finances d’une Région qui a vu sa dette fortement augmenter durant cette législature, atteignant 13 milliards d’euros fin 2023.

“Le chantier du siècle ne doit pas se terminer par la faillite de la Région tout entière”, martèle le CD&V, avant d’appeler à “sécuriser le financement du projet avant d’enclencher la phase de travaux entre la Gare du Nord et Bordet” sous peine de “compromettre une bonne partie de l’avenir de Bruxelles”. “Aucun programme de financement rigoureux n’a été mis en place, le montage financier frôle l’amateurisme”, acquiesce le MR.

Personne ne sait comment payer le métro

Le projet du métro est pourtant défendu par la majorité comme par l’opposition, parfois avec des réticences. Pour les Engagés, “le bénéfice du métro est complètement sous-estimé. C’est la base d’un réseau de transport plus large, qui est essentiel pour le développement de la ville”. Le MR pointe aussi “un projet fondamental qui doit être mené à bien”. Les libéraux flamands de l’Open VLD estiment, eux, qu’il “n’y a pas de vraie alternative pour le métro, si ce n’est simplement renoncer à une mobilité fluide et une accessibilité rapide du centre à partir du nord de la ville”. Groen, le parti de la ministre en charge du dossier, soutient aussi le projet, mais la porte-parole de la ministre Marie Thibaut de Maisieres tempère : “Il devra s’arrêter s’il n’est pas finançable”.

Car si tous, ou presque, défendent le métro, personne à ce stade ne sait comment il va pouvoir être payé concrètement. Mais condamner publiquement la poursuite du projet à deux mois des élections serait un aveu d’échec. Certains, chez Écolo, pensent cependant que les partis seront forcés de revoir leur position devant les finances exsangues de la Région. En apparence isolés sur la question du métro, les Verts s’attendent donc à voir d’autres partis se rallier à leur point de vue et gagner en marge de négociation.

Du côté du chantier, s’il faut s’attendre à voir le tronçon Sud, largement avancé, être mené à terme, rien n’est moins sûr pour la partie Nord. Exemple supplémentaire de surréalisme à la Belge, Bruxelles pourrait finalement se retrouver avec seulement un demi-Métro 3.


S’inspirer du modèle parisien ? “Une levée de fonds via l’émission d’obligations vertes est une bonne idée” selon la ministre

Face au coût colossal du chantier du Métro 3 et devant l’importance de la dette bruxelloise, le MR et le PTB appellent à s’inspirer d’autres modèles de financement. Les libéraux pointent la piste d’un partenariat public-privé ou d’une réflexion sur la taxation des plus-values immobilières. Pour le PTB, “la meilleure solution serait de confier ce chantier à une société publique, à l’instar de la Société du Grand Paris. Et en matière de financement, s’inspirer du modèle choisi en France, reposant sur des obligations vertes”.

Créée en 2010, la Société du Grand Paris est un établissement public à caractère industriel et commercial. Elle a pour mission de concevoir et de réaliser le Grand Paris Express, un nouveau réseau de métro de 200 kilomètres de long autour de Paris qui desservira rapidement les villes de banlieue. Son coût estimé s’élève à 36 milliards d’euros. Pour les financer, la Société du Grand Paris a déjà récolté plus de 25 milliards via l’émission d’obligations vertes.

À terme, bien sûr, il faudra rembourser les investisseurs. La Société du Grand Paris ne cache d’ailleurs pas que c’est le contribuable qui devra éponger la dette via les taxes. Mais le montage financier du métro parisien est solide. L’argent est disponible immédiatement pour les 20 prochaines années et ne dépend d’aucun accord gouvernemental ou d’aucune subvention.

Le métro Nord ne serait pas prêt avant… 15 ans: Elke Van den Brandt chargée d’étudier les alternatives

Aucun “go” sans financement

Pour autant, la solution est-elle vraiment applicable à la Belgique ? La ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen) ne l’exclut pas. “Pour trouver le financement nécessaire, il faudra être créatif, explique la porte-parole de la ministre Marie Thibaut de Maisieres. Plusieurs options sont envisagées, comme un emprunt européen par exemple, ou une levée de fonds via l’émission d’obligations vertes, oui, c’est une bonne idée. Mais ce n’est pas une solution miracle non plus, puisqu’il s’agirait toujours d’emprunter de l’argent qu’il faudra rembourser.”

La ministre se veut limpide : aucune décision ne sera prise sous cette législature. “D’un point de vue technique, de la Stib, des études : tout sera prêt. Pour le financement, ce sera entre les mains du prochain accord de gouvernement, en collaboration avec le ministère des Finances et du Budget”. La ministre se dit pragmatique et précise qu’il “n’y aura aucun go” de sa part pour finir le Métro 3 “tant qu’il n’y aura pas de financement” : “Avec cette décision, on engage les 2 voire les 3 prochains gouvernements. On ne veut pas la prendre à la légère”.