Belgique

Ce jeudi, en conseil général, Défi joue sa survie : “Je suis pour l’apaisement, mais pas au prix de la tête du chef de cabinet de François De Smet”

Un conseil général de Défi doit avoir lieu ce jeudi soir pour trancher, par un nouveau vote, la question de la liste régionale bruxelloise litigieuse.

Olivier Maingain avait en effet publiquement pointé le 20 février “une manipulation des votes” exprimés par les militants lors de l’approbation de la liste régionale, accusant le chef de cabinet de François De Smet d’en être l’auteur. Le président de Défi avait cependant démenti toute fraude et soutenu son bras droit.

”C’est clairement l’avenir et la survie de Défi qui se jouent ce jeudi, constate un candidat wallon du parti. Ce qui se déroule, c’est une bagarre entre deux personnalités qui ne parviennent pas à s’entendre. Et c’est dommage car ce sont deux personnes de grande valeur.”

guillement

Je n’ai jamais connu une ambiance aussi délétère dans le parti depuis 30 ans. »

À l’approche de la réunion décisive, les trois principaux ténors du parti, François De Smet, Olivier Maingain et Bernard Clerfayt, optent pour le silenzio stampa. Signe qu’ils comprennent, à défaut d’avoir crevé l’abcès, que l’étalage de leurs conflits nuit à leur formation politique.

”Je ne suis pas certain du tout que la situation s’apaise ce jeudi. Je n’entends pas de gens apaisés s’exprimer en interne, et moi-même je ne suis pas apaisé, analyse en off une personnalité bien connue du parti. Je n’ai jamais connu une ambiance aussi délétère en interne depuis 30 ans.”

Jeudi dernier, Olivier Maingain avait repris à son compte les propositions de Didier Gosuin en vue d’un armistice : Olivier Maingain pousserait la liste au fédéral, Didier Gosuin serait tête de liste à l’Europe, et la liste régionale serait pour l’essentiel validée en l’état. L’ancien président du parti n’exige plus le licenciement du chef de cabinet de François De Smet, mais réclame “qu’il n’exerce plus de responsabilités à ce niveau dans le parti”. Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert a présenté sa proposition comme “une main tendue”.

François De Smet n’a pas souhaité commenter la sortie de son rival. Le président de Défi veut garder intactes toutes les chances de parvenir à une issue favorable. Reste que la plupart des ténors du parti, jusque dans le clan De Smet, n’ont pas perçu la proposition d’Olivier Maingain comme un geste d’apaisement. Ceux-là continuent de percevoir ses positionnements successifs comme une manière de vouloir garder le contrôle sur un parti qu’il a dirigé pendant 24 ans.

”Olivier Maingain doit assumer”

La proposition d’Olivier Maingain n’est pas du tout une ouverture, tranche Joëlle Maison, député bruxelloise et seconde sur la liste régionale. Olivier se dit peut-être qu’il est allé trop loin… Et il cherche une solution pour s’en sortir par le haut. Mais il est hors de question qu’on sacrifie le chef de cabinet de François. Il m’est revenu que certains, dans le clan Maingain, proposaient qu’Abdullah Mohammad soit remplacé par Michaël Loriaux (NdlR : un proche d’Olivier Maingain, président chef de groupe Défi au conseil communal de Woluwe-Saint-Lambert, placé 5e sur la liste régionale). Quand on incendie la maison de quelqu’un, on ne lui vend pas une assurance… Je suis partisane de l’apaisement, mais pas au prix de la tête d’Abdullah. Les calomnies et les diffamations d’Olivier Maingain envers lui sont graves et il doit les assumer.”

Cette piste visant à remplacer le plus proche collaborateur de François De Smet est jugée inacceptable par François De Smet lui-même. Le président de Défi accepterait la présence à ses côtés de Michaël Loriaux comme renfort pour la campagne, mais pas de changer de chef de cabinet.

Michaël Loriaux travaille déjà comme attaché parlementaire de François De Smet, mais ça se limite aux sujets liés à la Chambre. Là, ce serait vraiment comme imposer une belle-mère au président”, pointe un député amarante bruxellois.

”Je comprends la colère d’Olivier Maingain”

Joëlle Maison, comme d’autres députés, refuse de passer l’éponge sur le comportement récent d’Olivier Maingain. “Qu’il soit en colère, je le comprends. La commission électorale a mal compté les votes et c’est regrettable, comme le fait qu’Abdou a ouvert l’enveloppe (contenant les votes) sans témoin. Ce sont des négligences. Mais parler de fraude… Je ne pardonnerai jamais à Olivier Maingain… Ces propos jettent le discrédit sur des gens de son propre parti, sans même avoir essayé de laver le linge sale en famille, poursuit-elle. Cela ne veut pas dire que je ne cherche pas une réconciliation. Puisque la commission électorale a pris acte du fait que le nombre de bulletins réels en faveur du oui ne permettait pas d’atteindre les 60 % de votes favorables (comme l’exigent les statuts de Défi), il faut revoter sur cette liste. Si elle passe, elle passe. Si ce n’est pas le cas, la commission électorale proposera une autre liste jusqu’à ce qu’elle obtienne 60 %. J’ai envie d’avancer.”

À l’instar de la plupart des ténors du parti, des députés comme Jonathan De Patoul, Marc Loewenstein et Emmanuel De Bock sont en faveur de cette solution, qui pourrait leur permettre d’obtenir une meilleure place sur la liste (litigieuse) précédente.

Mais cette position se heurte aux positions d’Olivier Maingain et de Didier Gosuin qui exige que la liste soit votée en l’état, menaçant de quitter le parti qu’il a dirigé durant 24 ans si on ne respectait pas le vote démocratique”. Si cela advient, l’avenir de Défi serait menacé.

guillement

« Olivier Maingain peut donner son avis, mais on en a pas toujours besoin…. Et nous n’en tiendrons pas forcément compte ce jeudi. S’il s’oppose, il s’oppose et on verra ce que ça donne ».

”Olivier Maingain peut donner son avis, mais on n’en a pas toujours besoin…. Et nous n’en tiendrons pas forcément compte ce jeudi. S’il s’oppose, il s’oppose et on verra ce que ça donne, conclut Joëlle Maison. Ce que demande Olivier Maingain n’est pas légitime, même d’un point de vue juridique. J’ai eu les meilleures relations avec lui. Mais là il va trop loin. Il déconne ! Olivier Maingain conforte les citoyens dans leur image complètement détériorée du monde politique.”

La crise interne, même si elle venait à se résoudre ce jeudi, laissera des traces. Peut-elle être rattrapée ? L’opération semble difficile pour un parti déjà patraque dans les sondages, même avant l’éclatement de la crise. La participation de l’ex-FDF à la prochaine majorité bruxelloise est plus menacée que jamais, de même que le second siège fédéral.

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La campagne est encore longue, tente-t-on de se rassurer en interne. Défi doit donc au plus vite se mettre en ordre de marche et serrer les rangs pour sauver ce qui peut encore l’être.