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Tunisie: le système bancaires pris au piège de ses créances douteuses – Actualités Tunisie Focus

Encore une fois, Fitch ratings allume les lumières rouges au sujet des banques tunisiennes et leurs risques associés aux réserves et créances douteuses. Cela affecte la notation de ces mes banques, et met de la pression sur les actionnaires (publics et surtout privés).

Cette alerte survient deux semaines après la nomination d’un nouveau gouverneur à la tête de la Banque centrale. Celui-ci est sommé d’agir rapidement pour colmater les brèches et pousser vers la modernisation de la gouvernance du système bancaire tunisien. Cette alerte survient 5 semaines après le très alarmant rapport de l’OCDE au sujet des banques tunisiennes et leur collusion endémique.

L’alerte est donnée dans un communiqué de Fitch Ratings, paru à Londres hier en début de soirée.

Ce qui suit est un communiqué de presse de Fitch Ratings : Londres, 1er mars 2024

Les premiers états financiers consolidés des banques tunisiennes selon la norme IFRS 9 devraient montrer que les banques ont une capacité suffisante pour absorber les exigences de provisionnement supplémentaires, selon Fitch Ratings, compte tenu des réserves de fonds propres raisonnables et de la période de mise en œuvre progressive que le régulateur est susceptible d’autoriser pour combler les déficits de réserves.

Nous prévoyons que les comptes, attendus d’ici fin avril, mettront en évidence les provisions pour pertes sur prêts et les déficits de couverture en fonction des prévisions de pertes.

Les banques tunisiennes doivent respecter un ratio réglementaire de niveau 1 minimum de 7 % et un ratio d’adéquation des fonds propres (CAR) minimum de 10 %, qui sont moins stricts que sur de nombreux marchés africains.

Le ratio Tier 1 et le CAR moyens du secteur étaient de 11,7 % et 14,6 %, respectivement, à la fin du premier semestre de 2023, ce qui est élevé par rapport aux normes internationales.

Ces ratios doivent toutefois être considérés à la lumière des risques nationaux élevés et des fortes concentrations d’emprunteurs uniques.

La comparaison avec les banques internationales n’est pas simple car les banques tunisiennes calculent les ratios d’adéquation des fonds propres conformément à Bâle I (en utilisant l’approche standardisée), ce qui permet des pondérations de risque plus favorables pour les expositions souveraines mal notées
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L’IFRS 9 exige la déduction des pertes de crédit attendues et subies sur les prêts détenus au coût amorti, ce qui représente une évolution significative par rapport à l’approche précédente, tournée vers le passé.

Nous prévoyons que le déficit des réserves pour pertes sur prêts conformément à la norme IFRS 9 réduira les ratios de fonds propres jusqu’à 30 points de base. La plupart des banques continueraient de satisfaire aux exigences réglementaires, mais certaines pourraient avoir besoin de lever de nouveaux capitaux.

Fitch considère que la couverture des réserves du secteur (fin du premier semestre 23 : 52 %) est faible compte tenu des difficultés liées à la réalisation des garanties et des risques environnementaux opérationnels élevés.

Nous prévoyons que la plupart des réserves supplémentaires requises concerneront des prêts classés en phase 2 selon la norme IFRS 9, c’est-à-dire des prêts pour lesquels le risque de crédit a augmenté de manière significative depuis leur comptabilisation initiale
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Les banques tunisiennes possèdent de grands portefeuilles dans ce que l’on appelle localement les catégories B2 et B3, qui devraient être classées en phase 2.

Nous pensons que les prêts classés comme dépréciés (phase 3 selon la norme IFRS 9) sont déjà assez bien couverts. Il est peu probable que les prêts de la phase 1 nécessitent des réserves supplémentaires importantes, car la Banque centrale de Tunisie (CBT) a commencé à renforcer les règles régissant le calcul des provisions générales en 2021, garantissant ainsi une transition plus fluide vers la norme IFRS 9.

Certaines banques peuvent toutefois avoir besoin de réserves supplémentaires pour les prêts des phases 1, 2 et 3, en particulier si elles disposent de données et de modèles insuffisants pour étayer leurs hypothèses de pertes attendues, ou si les normes d’enregistrement de la documentation à l’appui de la valeur des garanties sont moins strictes
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Le ratio moyen de prêts douteux du secteur a été d’environ 13,5 % ces dernières années. Les banques devront respecter un ratio de 7 % d’ici fin 2026, ce qui sera difficile pour certaines. L’adoption de l’IFRS 9 n’entraînera pas nécessairement une hausse des niveaux déclarés de prêts douteux (phase 3), mais les prêts de la phase 2 sont susceptibles d’être importants compte tenu de l’ampleur de la restructuration des prêts
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Le cadre réglementaire bancaire de la Tunisie est toujours en retard par rapport à celui de la plupart des pays africains.

Les banques calculent le risque de crédit conformément à Bâle I, et le risque de marché et opérationnel selon Bâle II.
Les principes de Bâle III sont en cours de discussion mais il est peu probable qu’ils soient introduits à court terme. Néanmoins, nous considérons que les efforts de la CBT visant à converger vers les normes internationales et à préserver le capital des banques sont positifs.

La CBT a imposé des limites et des conditions aux distributions de dividendes des banques sur la base des ratios de fonds propres de fin 2023, comme elle l’a fait pour fin 2022.

Le versement sera limité à 35 % du bénéfice net de 2023 pour les banques dont le ratio CAR et Tier 1 fin 2023 (après déduction des dividendes à verser) dépasse les exigences réglementaires minimales de moins de 2,5 points de pourcentage. Il n’y aura aucune restriction pour les banques dont les ratios CAR et Tier 1 dépassent les exigences réglementaires minimales d’au moins 2,5 points et 3,5 points de pourcentage, respectivement, bien que l’approbation préalable de la CBT soit toujours nécessaire

Economics for Tunisia, E4T