Tunisie

Ahmed Hachani à Paris : le message versus le messager – Actualités Tunisie Focus

On avait hâte de le voir parler en public, en Tunisie ou ailleurs! Voilà c’est fait, le premier ministre tunisien, M. Ahmed Hachani (68 ans), en voyage officiel à Paris, a pris la parole devant les caméras, pour répondre, devant un parterre de journalistes et de diplomates, à son « ami » Gabriel Attal (34 ans), le premier ministre français. Que retenir de cette intervention plutôt improvisée.

Un échange friendling, mais un peu trop du coup!

Notre premier ministre était en mission officielle à Paris, et suite à sa rencontre avec le premier ministre Attal, a livré un speech, avec des propos un peu trop « amicaux» et décontracté pour le contexte. Il reconnaît qu’il a mêlée ses notes et n’a pas préparé son discours, mais cela ne justifie pas la posture globale filmée par les caméras et médias présents.

Vu de loin, cela donne l’impression d’une prise de parole totalement improvisée et mal préparée. Une improvisation amicale, comme si on était entre nous, entre « enfants de la Tunisie » sans caméra, autour d’un thé au jasmin, ou presque. Il faut rappeler M. Attal a un père juif tunisien d’origine, et M. Hachani, une mère française d’origine.

L’agacement était palpable chez Le premier ministre Attal, qui s’attendait à plus de tact, à plus de « sérieux » et à un discours à la hauteur du décorum officiel. On le comprend, cela n’aide pas le même Attal à défendre la Tunisie contre ses détracteurs en France ou en Europe.

Le discours du premier ministre tunisien, était un peu trop à l’alambiqué, alors qu’il devait être réglé au quart de tour, avec un message calibré, persuasif et précis. Les mots comptent, la ponctuation aussi! Et le non verbal encore plus!
Notre premier ministre aurait très mal préparé son speech. En plus des improvisations, beaucoup de répétitions et un peu trop de « huuuuuum » déplacés pour les circonstances. Les yeux baissés, la posture inappropriée et plutôt introvertie dans ses apparences.

Au final, les médias ont eu droit à un discours déstructuré, décousu, improductif, dans un contexte solennel. Un discours qui en dit long sur les errements de nos élites qui parlent au nom du pays et au nom de ses intérêts, mais sans préparation préalable et sans appui de la part des spécialistes de la communication en politique.

Pourtant ce n’est pas les sujets qui manquent. Il y a pourtant au moins dix enjeux brûlants à régler entre la France et la Tunisie, que le premier ministre Hachani aurait pu traiter et les couvrir directement ou indirectement, par allusion! Avec les bons mots, les bons concepts et les bons signaux pour créer du capital de sympathie, pour génèrer de la marge d’espoir…et surtout pour attirer l’investissement et redonner confiance aux investisseurs! Aux touristes et pas seulement.
Le premier ministre tunisien aurait pu penser à l’image qu’il laisse par cette improvisation et de ses impacts sur les Tunisiens et les Tunisiennes expatriés en France ( un million d’expatriés).
Pour les gens de ma génération, on se rappelle de la chronique signée par la plume de Bourguiba avant sa visite à Washington (1975), et intitulé « The Tunisian way » publiée dans le Washington post…lors d’une visite officielle aux Etats-Unis.

Plusieurs autres ministres et premiers ministres tunisiens ont fait des visites officielles à Paris après avoir publié des chroniques dans les médias français, pour communiquer des messages, sur leur vision et sur leurs valeurs, juste pour cultiver de la sympathie et pour mousser le respect de la Tunisie, au moins chez les médias de masse ou les élites parisiennes.

On aurait aimé voir un discours de contenu, top, articulé et porteur de promotion pour le branding de la Tunisie, et réparant une image écorchée par le terrorisme des frères musulmans tunisiens, en France, altérée par l’émigration clandestine, et par ces Tunisiens qui dorment sur des cartons dans les bouches de métro parisien.

Notre premier ministre aurait pu parlé des attentes de la Tunisie en matière de visas, de bourses pour étudiants, pour l’ouverture des marchés aux produits tunisiens, pour aider la Tunisie à défendre sa cause auprès du Club de Paris, auprès du FMI.

Et bien plus, de la belle Tunisie, des incitatifs à l’investissement et de la sécurité rétablie…et des réformes en cours, sur les plans économiques et sociaux.

Peine perdue, on a reproduit l’image d’une Tunisie chancelante qui oscille entre les incertitudes et les risques de toutes parts. Qui baigne dans l’improvisation et le laisser aller! Une Tunisie qui manque de transparence et de vision amitieuse pour son peuple.

Beaucoup d’autres comme moi s’attendaient à un discours de contenu, plein de rythmes, de références, de métaphores pour conquérir les cœurs et séduire les investisseurs, touristes et amis de la Tunisie.

On dirait que le premier ministre ne disposaient pas de conseillers seniors en communication. Des conseillers qui peuvent indirectement impacter l’agenda médiatique en France. Avec un discours qui ne passe pas inaperçu! Et qui marque les esprits, par des références historiques, des formules châtiées ou même par des punchs et lignes de com., modernes et dans l’ère du temps.

Aucun média français de renommée n’a encore souligné la présence du premier ministre tunisien, alors qu’il est en France depuis trois jours.

Ce genre de discours n’aide pas notre premier ministre à intervenir sur les plateaux de télévision, les radios ou dans les amphithéâtres des universités ou de l’Institut du Monde Arabe. La fenêtre médiatique n’a donc pas été saisie par notre premier ministre. Dommage!

Suite à son intervention, aucune question de journalistes n’a été prise, pour examen et réponse! Cela aura donné de la matière pour les médias qui voulaient aider une Tunisie mal au point.

A se demander pourquoi doit-on continue à improviser, à bricoler, à bidouiller, alors que l économie est à genoux. La Tunisie mérite mieux. La Tunisie a besoin de véhiculer des messages dignes de sa grandeur historique et civilisationnelle!

La communication n’est certes pas une mince affaire. « La communication politique est l’art de persuader, pas l’art de dire la vérité. » disait le politologue (Edward L. Bernays).

Moktar Lamari , Economics for Tunisia, E4T

Ecoutez 

[embedded content]