Tunisie

Affaire Muhammed Boughalleb : un autre son de cloche – Actualités Tunisie Focus

Depuis hier, je suis déstabilisée par l’affaire de Muhammed Boughalleb. J’ai vu la vidéo ( ci-bas ) où il posait des questions sur les déplacements récurrents d’un ministre accompagné à deux reprises par la même fonctionnaire laissant entendre, comme il s’agit d’ un homme et d’ une femme , que le déplacement n’a rien de professionnel. Une attaque fortuite, sans goût, blessante voire agressive à l’égard de la fonctionnaire. Elle incarne toutes les représentations rétrogrades qu’on porte sur les femmes travailleuses. On ne voit en elles que leur sexe et on n’imagine leur rôle que sexuel. Comme à chaque fois, le groupe de mecs autour du plateau a trouvé de la matière pour enchaîner les insinuations sans la moindre retenue. Je comprends la plaignante. Quel regard aurait posé sa famille, ses collègues, son entourage sur elle après ce passage de quelques secondes mais qui aurait des séquelles irréparables sur sa psychologie et laisserait toujours des bleus sur son âme. Je suis contente qu’elle eu recours à la loi 58 et qu’elle ait porté plainte en justice et je suis solidaire avec elle. Oui nul n’a le droit de s’attaquer à une femme de manière discriminatoire , que dire quand il fait de la communication et que la loi 58, toujours fière d’avoir contribué à sa rédaction, charge les médias de faire respecter l’égalité des genres et de sensibiliser contre les stéréotypes et les violences.

En même temps, cette affaire confirme la capacité de ce régime d’instrumentaliser toutes les causes justes et nobles.

Ce n’est pas un hasard que Muhammed Boughalleb, harcelé par une justice instrumentalisée, soit arrêté tout de suite un jour férié. Ce n’est pas par performance judiciaire qu’il soit interdit des garanties du procès équitable et ce n’est surtout pas une première car depuis un moment plusieurs journalistes sont poursuivi.es dans nombreuses affaires de droit commun. Ce n’est pas une première aussi dans notre histoire proche. Une bonne partie des affaires de corruption rentre dans le même cadre. Et ce n’est pas nouveau, depuis le temps de Ben Ali, nous étions témoins de plusieurs arrestations sur la base du droit commun mais sur un fond politique. C’est d’ailleurs ainsi que Ben Ali a toujours nié que la Tunisie avait des prisonniers politiques et d’opinion. C’est aussi récurrent dans d’autres pays. Au Maroc également plusieurs journalistes sont arrêtés dans des affaires de droit commun et notamment dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes. Fortes manœuvres d’un régime répressif, c’est qu’il instrumentalise la lutte contre les violences faites aux femmes pour faire taire les voix critiques et affaiblir ainsi toute solidarité avec les voix dissidentes. Ce n’est rien d’autres que surfer sur des causes justes et d’utiliser des vraies souffrances pour manipuler l’opinion publique.

Regardons d’ailleurs le nombre de dossiers de femmes victimes de violences sollicitant les centres de l ‘Atfd et qui n’ont vu ni suites ni arrestations dans leurs plaintes. Pour toutes ces raisons, je suis aussi triste pour Muhammed boughalleb et déstabilisée par cette affaire. En tant que citoyennes et citoyens, nous avons besoin de comprendre toutes ces affaires et d’élaborer une ligne de conduite claire face à cette tendance répressive instrumentalisant nos droits élémentaires et nos luttes légitimes.

Frawes Yosra