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Faut-il introduire un frein aux coûts de la santé? – SWI swissinfo.ch

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Les coûts de la santé en Suisse s’élèvent à 11,8% du PIB, un chiffre qui place la Confédération dans le groupe de tête des pays les plus dépensiers en la matière.


KEYSTONE / CHRISTIAN BEUTLER


Le Centre veut lutter contre l’augmentation incessante des dépenses de santé au sein de la Confédération. Son initiative qui propose d’introduire un frein aux coûts sera soumise au peuple en votations fédérales, le 9 juin prochain.

Le système de santé suisse est l’un des plus coûteux au monde. Les dépenses en la matière représentent 11,8% du PIB et elles ne cessent d’augmenter depuis les années 1990.

L’explosion des coûts engendre chaque année d’importantes augmentations des primes d’assurance maladie. Cela pèse particulièrement sur le porte-monnaie des ménages modestes. Il s’agit d’ailleurs de la principale préoccupation de la population suisse, selon différents sondages.

Pour lutter contre ce problème, l’initiative du CentreLien externe, qui sera soumise au peuple le 9 juin prochain, veut introduire un frein aux coûts dans l’assurance obligatoire des soins.


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Pourquoi les coûts de la santé augmentent-ils régulièrement?

Comme dans de nombreux pays développés, le vieillissement de la population et les progrès médico-techniques expliquent en partie la hausse des coûts de la santé en Suisse.

Toutefois, certaines spécificités du système helvétique accentuent le problème au sein de la Confédération. Celui-ci contient des redondances, de mauvaises incitations, ainsi que des structures inefficaces qui entraînent de nombreux traitements qui ne se justifient pas d’un point de vue médical, analyseLien externe l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

En améliorant l’efficacité du système, les dépenses pourraient être réduites de 7 à 8 milliards de francs, selon une étude de l’Université des sciences appliquées de Zurich.

Que demande l’initiative?

Depuis une décennie, les coûts de l’assurance maladie obligatoire ont augmenté de 31%, alors que les salaires n’ont augmenté que d’environ 6%. Le Centre souhaite faire en sorte de limiter cet écart.

Pour y parvenir, le parti veut introduire un frein aux coûts, qui devraient évoluer en fonction de l’économie et des salaires, comme le demande son initiative déposée au printemps 2020.

Selon le texte, la Confédération devrait activer ce mécanisme lorsque les dépenses de santé augmentent de 20% de plus que les salaires en un an. Cela signifie que si les salaires augmentent de 1%, les dépenses médicales ne pourront pas augmenter de plus de 1,2%.

Si elles augmentent davantage, la Confédération devra intervenir pour les faire baisser, en collaboration avec les cantons, les caisses maladie et les prestataires du secteur de la santé.

L’initiative ne donne pas d’indications sur la nature des mesures que devront prendre les pouvoirs publics pour maîtriser les dépenses. Il reviendra au parlement de régler ces points au niveau de la loi d’application du texte.


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Que prévoit le contre-projet?

Opposés au texte du Centre, le Conseil fédéral et le Parlement ont élaboré un contre-projet indirect. Il entrera en vigueur en cas de refus de l’initiative par le peuple, à condition qu’il ne soit pas attaqué par référendum.

À la place d’instaurer un frein aux coûts, le gouvernement propose de définir des objectifs de maîtrise des coûts de l’assurance obligatoire des soins. Concrètement, la Confédération et les cantons devraient chaque année fixer la croissance maximale des dépenses.

Si l’objectif est dépassé, les autorités auraient l’obligation de déterminer quelles sont les mesures nécessaires, en collaboration avec les partenaires tarifaires.  De telles mesures pourraient notamment porter sur l’adaptation des tarifs ou l’autorisation de fournisseur de prestations.

Le gouvernement et le Parlement estiment que le contre-projet permettrait de mener des réflexions systématiques sur la croissance des coûts. «Les acteurs concernés seraient appelés à prendre leurs responsabilités pour réduire les prestations inutiles d’un point de vue médical», considèrent-ils.

Quels sont les arguments pour l’initiative?

Avec son texte, Le Centre présente son texte comme la solution pour stopper l’explosion des coûts de la santé et l’augmentation des primes d’assurance maladie.

Le parti considère que le frein aux coûts obligerait tous les acteurs du système à se concerter pour mettre en œuvre des solutions connues depuis longtemps. Il préconise notamment de faire des économies en effectuant davantage d’interventions ambulatoires, en privilégiant les médicaments génériques et en utilisant le dossier électronique du patient.  

Le Centre assure que son initiative permettrait de résoudre le problème sans réduire les prestations et en maintenant la qualité du système de santé helvétique.

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Quels sont les arguments contre l’initiative?

Les adversaires du texte critiquent le mécanisme proposé par l’initiative. Un comité d’opposition formé de plusieurs organisations du secteur de la santé estime qu’il est absurde et dangereux de lier les dépenses de santé à la conjoncture économique. Il souligne que l’état de santé de la population a justement tendance à se détériorer lorsque l’économie va mal.

Pour faire baisser les coûts, les autorités vont réduire les prestations financées par l’assurance de base, craignent les opposantes et les opposants. À leurs yeux, les personnes assurées ne paieraient ainsi pas leurs primes d’assurance maladie moins cher, mais le nombre de cas pris en charge diminuerait et de longs délais d’attente pour avoir accès aux soins seraient créés.

L’initiative risque de déboucher sur une médecine à deux vitesses, qui laisserait sur le carreau les personnes qui n’ont pas les moyens de prendre à leur charge les traitements médicaux, avertit le comité.  

Qui est pour, qui est contre?

L’initiative du Centre ne séduit ni à gauche ni à droite. Le Parti socialiste et les Vert-e-s s’y opposent, tout comme l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) et le Parti libéral radical (PLR / droite).

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg