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Ces Suisses qui croient au rêve californien – SWI swissinfo.ch

Golden Gate Bridge San Francisco


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Elles et ils sont cadre chez Google, cancérologue, psychologue et consultant, directrice de Swissnex (le consulat scientifique suisse), physicien et peintre de fresques murales. swissinfo.ch est parti à la rencontre des expatriés suisses dans la région de San Francisco. 

«Vous atterrissez dans la partie civilisée du pays», me glisse mon voisin de siège alors que l’avion survole le Golden Gate Bridge. Ah bon? Les gens de New York, Miami ou Greenbow, Alabama apprécieront… Mais pour cet expatrié suédois établi ici depuis vingt ans, rien ne vaut le «californian way of life».

La «cool attitude», ça commence dès la sortie du parking de l’aéroport. Fast & Furious ou GTA, c’est au cinéma et sur la console de jeu. Dans la vraie vie, la circulation est tranquille, fluide, courtoise et jamais agressive, ce qui veut déjà dire beaucoup. À Pacific Heights, les gens ont l’élégance discrète et sportive, le pas léger et le sourire aux lèvres. Pas de looks agressivement branchés ni de maquillages de guerre.

«If you’re going to San Francisco, be sure to wear some flowers in your hair.

If you’re going to San Francisco, you′re gonna meet some gentle people there».

Alors, la ville ressemble encore à celle que chantait Scott McKenzie en 1967?

Bien sûr, il n’y a plus guère de fleurs dans les cheveux, mais en creusant un peu, on voit vite que la cordialité n’est pas feinte. Le contact est facile, enrichissant au-delà des banalités d’usage, et sans préjugés. Sur cette terre d’accueil, les 30% d’habitants et d’habitantes nés à l’étranger pratiquent la tolérance ambiante.

L’épicier algérien, qui a attendu des années avant de pouvoir émigrer ici parce qu’il «ne voulait surtout pas s’établir en France» n’a aucun problème avec ses clients marocains ou juifs. Les tensions? Ils s’en moquent, parce qu’ils sont d’abord Américains, et pour la plupart détenteurs du passeport de la «nation des nations», comme l’appelait John F. Kennedy.

Palace of Fine Arts San Francisco


Pour celles et ceux qui en ont les moyens, San Francisco respire la douceur de vivre.


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Et tous ces «gentle people» cultivent l’âme saine dans un corps sain. L’obésité, ce fléau américain (et occidental) est quasiment invisible ici. Globalement, la Californie, avec notamment sa politique de promotion d’une alimentation équilibrée dès l’école, se classe dans le top 10 des États les moins touchés – 27% de personnes en surpoids, alors que la moyenne nationale est au-dessus de 42%. Dès le matin, on voit les San Franciscains faire leur jogging, leur fitness dans des salles ouvertes sur la rue, ou leur yoga dans les parcs. Beaucoup circulent à vélo, en trottinette, en monoroue, en skateboard sur les trottoirs king size, sous l’œil bienveillant des passants.

Dans la Silicon Valley, l’ ambiance est un peu différente. De loin en loin, un jeune millionnaire de la tech fait rugir le moteur de sa Corvette ou de sa Ferrari – espèces en voie d’extinction dans un État qui aura banni les moteurs thermiques en 2035. Dans les immenses zones vertes de Mountain View ou de Palo Alto, on court aussi, mais plus que pour le plaisir ou le bien-être, c’est souvent pour la performance.

Et quelle performance!

Passé la Ruée vers l’Or et l’élan qui a présidé à la reconstruction après le tremblement de terre et l’incendie général de 1906, la région de San Francisco a été au centre de toutes les grandes aventures technologiques de l’ère moderne. La radio dans les années 1910, les transistors dans les années 1930, les circuits intégrés au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’ordinateur personnel dans les années 1970, l’internet vingt ans plus tard, le smartphone, puis l’explosion de l’intelligence artificielle dès les années 2000: toutes ces innovations qui ont changé nos vies sont plus ou moins nées ou ont grandi ici.

Et malgré la concurrence d’autres places technologiques – notamment asiatiques -, malgré la faillite récente de la Silicon Valley Bank, la Baie de San Francisco reste un bastion de l’innovation, de la créativité et du capital-risque qui les financent.

Palo Alto California


Dans la Silicon Valley, haut lieu de la tech, la nature n’est jamais très loin.


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Alors, sous ses habits pastel de vieille dame victorienne qui rechigne à afficher un modernisme outrancier, San Francisco est peut-être une préfiguration de la ville du futur. Futur technologique, bourré d’intelligence artificielle (et naturelle) au service de la qualité de vie, du civisme et de l’écologie, dont la Californie se veut championne du monde. Et elle a des sérieux atouts pour le devenir.

Mais à downtown, et sans attendre que le soleil descende, on côtoie un autre futur possible: dystopique et terrifiant. Ravagés au fentanyl, cette drogue tellement plus puissante que l’héroïne et la cocaïne, une partie des nombreux sans-abri de la ville errent comme des zombies sortis d’une dimension parallèle, ombres fantomatiques qui n’interagissent presque pas avec les passants pressés. Ces laissés pour compte du rêve américain sont un problème national, mais la Californie, avec sa tolérance et son ciel toujours clément, en attire plus que sa part.

Et personne ne semble rien pouvoir y faire.

Ocean Beach San Francisco


Tout le monde ne peut pas embarquer pour le rêve américain. Beaucoup restent sur la rive.


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Loin de cette véritable Cour des Miracles qui gangrène le cœur de la cité, Claude, Pamela, Herman, Emilia, Marco et Mona ont aussi adopté le style de vie californien. Elles et ils sont cadre chez Google, cancérologue, entrepreneur doublé d’un vieux sage, directrice de Swissnex (le consulat scientifique suisse), physicien des rayons X à Stanford, et peintre de fresques murales. Toutes et tous des expatriés suisses.

C’est pour elles et pour eux que je suis venu. C’est leur histoire et leur cadre de vie que je me propose de vous faire découvrir, en six portraits.

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