Les relations UE-Maroc à la croisée des chemins ?
Taxe carbone, attaques contre le «Made in Morocco», accord agricole, montée de l’extrême droite…
Coopération : Le Maroc et l’Union européenne veulent aller de l’avant. Alors que les Européens s’apprêtent à voter pour leurs représentants dans le cadre des prochaines élections avec une percée annoncée de l’extrême droite, les relations entre les deux parties semblent amorcer une nouvelle étape. Eclairages.
Nouveau chapitre pourrait s’écrire entre le Maroc et l’Union européenne (UE) désireux de renforcer leur partenariat. C’est ce qui ressort de l’entretien entre les deux chefs de la diplomatie. Dans ce sens, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borell, vient d’affirmer que le partenariat liant le Maroc et l’Union européenne est «plus important que jamais dans le contexte géopolitique actuel». Le renforcement de ce partenariat stratégique a été au centre d’un entretien, mercredi, entre M. Borrell et le ministre des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita. «Nous avons discuté de la façon de donner un nouvel élan au partenariat UE-Maroc, plus important que jamais dans le contexte géopolitique actuel», a indiqué, jeudi, le chef de la diplomatie européenne sur son compte X. MM.
Bourita et Borrell ont également échangé autour de plusieurs questions bilatérales et régionales. Une référence dans la politique de voisinage de l’UE, Rabat et Bruxelles sont liés par un partenariat stratégique construit sur un socle solide de valeurs et de vision. Le Maroc et l’UE, rappelle-t-on, avaient lancé le 27 juin 2019 à Bruxelles le «Partenariat euro-marocain de prospérité partagée», un cadre statutaire qui régit les relations bilatérales axé autour de quatre espaces structurants. Il s’agit d’un espace de convergence des valeurs, un espace de convergence économique et de cohésion sociale, un espace de connaissances partagées et un espace de concertation politique et de coopération accrue en matière de sécurité, et deux axes fondamentaux à caractère horizontal, qui feront aussi l’objet d’actions opérationnelles spécifiques, à savoir une coopération en matière d’environnement et de lutte contre le changement climatique et une coopération en matière de mobilité et de migration, qui se renforceront mutuellement.
L’entretien entre les deux parties a permis de discuter de la façon de donner un nouvel élan au partenariat UE-Maroc. (D.R)
Accord agricole
Cet entretien intervient quelques jours après la publication du rapport annuel par les services de la Commission européenne et du Service européen de l’action extérieure (SEAE). L’Union européenne a réaffirmé, dans son rapport 2023, l’impact socio-économique positif de l’accord agricole avec le Maroc et le plein bénéfice de la population des provinces du sud du Royaume des dispositions de cet accord.
La publication de ce rapport annuel par les services de la Commission européenne et du Service européen de l’action extérieure (SEAE) intervient au lendemain du revers infligé par l’avocate générale près la Cour de justice de l’UE, qui a ôté au «Polisario» toute représentativité et réaffirmé la pertinence de l’accord agricole entre Rabat et Bruxelles. Données chiffrées à l’appui, le document confirme les retombées positives de cet accord sur le développement socio-économique des régions du Sahara marocain, en termes de croissance économique, de production et d’exportation des produits agricoles et de la pêche, de création d’emplois et d’investissements.
En effet, détaille le rapport, en 2022, 203.000 tonnes de produits originaires des provinces du sud du Royaume ont été exportées vers l’UE contre environ 100.000 tonnes avant l’application de l’accord. La valeur des exportations originaires des provinces du sud vers l’UE s’est élevée à 590 millions d’euros (6,410 milliards DH). L’impact sur l’emploi est tout aussi évident. Le nombre d’emplois est en hausse par rapport à 2021 : en 2022, on estime que l’accord aurait permis de créer plus de 49.000 emplois directs dans les provinces du Sud (+ 7.000 par rapport à 2021), ce qui représente un peu plus de 18 % de la population active du territoire.
Pour le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borell, le partenariat liant le Maroc et l’Union européenne est «plus important que jamais dans le contexte géopolitique actuel». (D.R)
Défis
Cela dit, la relation entre les deux parties doit faire face à plusieurs défis. Ces derniers mois, les exportations agricoles marocaines vers l’Europe ont été la cible de certains agriculteurs mécontents. Une situation qui avait poussé M. Bourita à faire une déclaration lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à l’issue de leurs entretiens en février dernier. Après avoir énuméré la multitude de crises, de conflits ouverts ou latents que connaît la région, le ministre a pointé cette «géopolitique de la peur et du rejet qui prime, avec parfois des raccourcis dangereux et qui a commencé par les pressions migratoires», au sein de la Méditerranée.
Le ministre a donné l’exemple des produits agricoles venus du Sud qui font l’objet d’attaques multiples, alors que l’UE en tire un excédent important au détriment du Maroc. Le même constat est valable pour ce qui est du libre-échange à la faveur duquel l’UE réalise un excédent de 10 milliards d’euros. Selon la Comader (Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural), «les relations commerciales entre le Maroc et l’UE sont régies par l’Accord d’Association Maroc-UE de 1996 mis en œuvre en 2000 qui comporte différents protocoles (y compris les protocoles de produits agricoles et de pêche fixant les conditions d’accès aux marchés desdits produits). Les échanges commerciaux agricoles entre le Maroc et l’UE se font dans le cadre des protocoles agricoles précités qui ont subi plusieurs modifications depuis 2000 et dont les dernières datent de 2010 avec une mise en œuvre le 1er octobre 2012.
À cet effet, les exportations marocaines de produits agricoles vers l’UE bénéficient de quelques préférences tarifaires. Il en va de même pour les exportations de produits agricoles de l’UE vers le Maroc. Il ne s’agit en aucun cas de libéralisation totale des échanges agricoles». L’autre défi concerne l’entrée en vigueur du nouveau système européen qui tend à imposer une charge vis-à-vis des sociétés de pays tiers, dont le Maroc, actifs dans certains secteurs et qui exportent vers l’Union européenne (UE). «Dans le cas où un exportateur n’est pas soumis à un prix du carbone, tel qu’il aurait été payé si celui-ci était opérationnel dans l’UE, l’importateur du produit en question devra acheter des certificats CBAM.
Dans le cas contraire, le prix du carbone pourra être entièrement déduit par l’importateur», apprend-on de sources européennes, précisant que les secteurs impliqués sont le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais, l’électricité et l’hydrogène. Le mécanisme entraîne ainsi un surcoût pour les entreprises exportatrices, et ce selon l’UE, en vue d’adopter des méthodes de production plus propres. «Ce nouveau système complexe entraînera une série d’obligations, tant pour les importateurs dans l’UE que pour les exportateurs de marchandises concernées vers l’UE. Une phase initiale de transition durera entre le 1er octobre 2023 et le 31 décembre 2025. Enfin, la montée des discours xénophobes et de l’extrême droite inquiète tous les partenaires de l’Europe…
C’est le titre de la boite
Accord d’association
Dialogue. Le rapport annuel par les services de la Commission européenne et du Service européen de l’action extérieure (SEAE) rappelle la qualité du dialogue qu’entretiennent le Maroc et l’UE dans le cadre des structures de dialogue de l’Accord d’Association et le rôle important joué par les Commissions régionales des droits de l’Homme à Dakhla et Laâyoune, réitéré dans la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les services de l’UE ont, en effet, pu échanger avec différents acteurs économiques et représentants de la société civile, y compris les organisations non-gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’Homme dans ces régions, qui ont souligné l’importance primordiale de l’accord, sa mise en œuvre satisfaisante et son impact bénéfique sur le développement socio-économique des régions du Sahara marocain. S’agissant de la question nationale, le rapport fait sienne la demande insistante du Conseil de sécurité d’un enregistrement des populations séquestrées à Tindouf en Algérie et de l’importance de prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.
Il rappelle le soutien résolu de l’UE à l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Staffan De Mistura, et au processus des Nations Unies, tout en se tenant prête à contribuer au renforcement de la coopération régionale. À travers ce rapport, qui sonne comme une fin de non-recevoir à l’adresse de l’Algérie, l’UE atteste en effet de son engagement d’assurer la continuité de la relation commerciale avec le Maroc et illustre, de nouveau, l’engagement des institutions européennes en faveur de la stabilité et du développement du partenariat économique global, stratégique et de longue date avec le Maroc.
Relations bilatérales
Protocoles
Les relations commerciales entre le Maroc et l’UE sont régies par l’Accord d’Association Maroc-UE de 1996 mis en œuvre en 2000 qui comporte différents protocoles (y compris les protocoles de produits agricoles et de pêche fixant les conditions d’accès aux marchés desdits produits).
Balance commerciale
Durant la période 2021/2022, les exportations de produits agricoles en provenance de l’UE vers le Maroc ont augmenté de 75%.Au total, en 2022, le solde de la balance commerciale des produits agricoles est positif pour l’UE (environ 900M€).
Provinces du Sud
L’Union européenne a réaffirmé, dans son rapport 2023, l’impact socio-économique positif de l’accord agricole avec le Maroc et le plein bénéfice de la population des provinces du sud du Royaume des dispositions de cet accord.