Maroc

Le Ramadan à Beni Mellal entre authenticité et modernité

De nos jours, nombreuses sont les traditions ramadanesques qui se sont estompées au fil du temps. Entre hier et aujourd’hui, un grand nombre d’habitudes héritées de nos ancêtres ont sombré dans l’oubli, notamment celles qui sont en rapport avec le recueillement, la spiritualité et l’aspect culinaire.

A Beni Mellal, à l’instar des contrées relevant de la région de Beni Mellal-Khénifra, le rituel du mois sacré a connu des changements imposés par la modernité et les nouvelles générations.
Avant le premier jour du Ramadan, à Beni Mellal, les familles commencent les préparatifs. On fait emplette d’épices et de tous les ingrédients pour la préparation des gâteaux, sfoufes, briouates… A la campagne, les traditions sont plus respectées qu’en ville.
Le matin du premier jour du Ramadan, vers dix heures, les rues sont désertes. Toutes les boutiques, les cafés, les magasins sont fermés. Il n’y a pas âme qui vive. Progressivement, la ville s’emplit d’hommes et de femmes sortis pour faire des courses Les rues qui étaient désertes sombrent dans le brouhaha. Quelques heures avant la rupture du jeûne, les familles se dépêchent de rentrer dans leurs demeures pour procéder à la préparation du ftour. La ville sort de sa léthargie et devient très animée de telle manière que les gens s’agglutinent et obstruent les passages. On n’entend que les cris des marchands qui vantent leurs étalages avant la rupture du jeûne. A l’approche de l’appel du muezzin, un silence de mort commence à prendre possession de toute la ville qui se vide de toute âme humaine. A ce moment, les mosquées s’animent et les haut-parleurs appellent les fidèles à la prière. La joie de la rupture du jeûne envahit tous les foyers et tout le monde se met à table garnie de soupe «harira», gâteaux, sellou, briouates, chabakia, jus, dattes, thé, café… «Avant, notre art culinaire était différent de celui d’aujourd’hui, déclare Ahmed, un homme âgé de 75 ans. On ne préparait que la soupe et «harira». On mangeait des dattes et on buvait surtout du thé. Nos recettes étaient très simples et traditionnelles. Mais on rendait visite à nos voisins et on se rassemblait pour discuter ou pour psalmodier des versets du Coran à l’occasion du mois de Ramadan. On n’avait pas de smartphones et rares étaient les maisons où l’on trouvait un poste de télévision, à cette époque-là, à la campagne. On dormait et on se réveillait tôt pour le shour avant d’aller travailler aux champs. Ma femme Aicha, que je respecte beaucoup, s’occupait des enfants et de la préparation des repas pendant le mois sacré. Je rends un vibrant hommage à la femme qui est d’une aide appréciable pour l’homme».
Les mosquées deviennent bondées de fidèles (des enfants, des hommes et des femmes). Une fois les prières «d’Al Icha et Taraouih» sont accomplies, la ville de Beni Mellal s’anime. Les cafés et les places publiques grouillent de badauds qui dégustent la joie de la première rupture du jeûne. Ainsi, un autre mode de vie renaît où la visite des familles et des voisins, le pardon, la tolérance et le recueillement l’emportent sur les malentendus, l’introversion et le narcissisme. Les cœurs des fidèles brillent de mille feux tels les lampadaires qui illuminent tous les coins et les recoins de la ville. Au moment où certains veillent en famille, d’autres dorment tôt ou restent à la maison pour accomplir leurs prières. Plus l’heure du «Shour» approche, plus la ville se vide encore une fois des gens. «Jadis, déclare Fatima, une mère de famille âgée de 70 ans, c’était le «Neffar» qui nous réveillait au Shour. C’était un homme du quartier qui sillonnait les rues en sifflant dans un cor pour réveiller les dormeurs au shour. C’était un homme qui vivait de l’aumône de la Zakat. On n’avait pas d’alarmes à ce temps-là. Le Neffar n’existe plus aujourd’hui car les temps ont changé, la modernité a complétement enterré nos traditions…».
A Beni Mellal, à l’instar des autres villes de la région de Beni Mellal-Khénifra, le mois sacré se passe dans le recueillement. Dans certaines contrées, à la campagne, les habitudes ancestrales de Ramadan sont encore respectées par les familles. Mais ce patrimoine culturel commence à devenir évanescent pour laisser place à un autre mode de vie que la modernité a complétement façonné.