Belgique

Rien ne justifie les violences conjugales : des hôpitaux s’outillent pour orienter les patientes qui en sont victimes

À l’UNamur, les futurs médecins apprennent à détecter les violences conjugales auprès des patientes enceintes

Semer des petites graines

”Je repense à cette femme avec laquelle quelque chose s’était tissé pendant son hospitalisation. À la fin du séjour, son compagnon l’attendait à la sortie.” La victime était repartie avec l’auteur des coups qui était venu la rechercher. Un épisode classique de l’engrenage de la violence conjugale, qui alterne lunes de miel et lunes de fiel. “Cela génère de la frustration au sein des équipes, poursuit la sage-femme. Mais ce n’est pas grave qu’elle reparte. Notre rôle de soignants, c’est de semer des petites graines. Un jour, elles germeront, et la victime aura la force de se sortir du cercle.”

Il reste que le personnel peut se sentir très démuni quand il détecte des cas. D’où l’initiative du CHU Saint-Pierre, très engagé contre les violences faites aux femmes, de proposer aux autres hôpitaux de devenir partenaires actifs de la ligne d’Écoute Violences conjugales (0800/30.030). Ce projet vise à outiller les institutions partenaires pour permettre au personnel d’orienter les victimes vers un service adéquat et une équipe formée au processus de domination conjugale. Pour 2023, 6 institutions (soit 18 implantations) ont obtenu le label d’hôpital-partenaire avec la ligne d’écoute.

Comprendre ce qui leur arrive

Cette ligne, gratuite et anonyme, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, vise trois publics : les victimes elles-mêmes ; le réseau (y compris les professionnels) et les hommes qui ont des comportements violents. Depuis 2014, ce dispositif est géré par des services spécialisés pour accompagner des victimes (SAV) et des auteurs (Praxis) de violences conjugales. “On s’est formés ensemble. C’est intéressant comme partenariat pour comprendre le système de domination conjugale et ce qui s’y joue, souligne Josiane Coruzzi, directrice du refuge pour femmes de La Louvière. Cette ligne d’écoute est souvent la première porte qui permet aux victimes de s’ouvrir à la parole et de comprendre ce qui leur arrive”.

Des moyens en plus contre les violences conjugales: 875 000 euros dégagés pour les services d’aide

En 2022, 12 500 appels ont été décrochés par le 0800/30.030. Dans 25 pc des cas, ce sont des membres de l’entourage qui forment le numéro parce qu’ils ou elles s’inquiètent pour une proche. Dans plus de 70 % des cas, il s’agit de femmes prises dans un processus d’emprise et de domination conjugale. Des appels à l’aide professionnelle qui sont très tardifs. Les femmes tentent d’abord d’arranger les choses, de faire des efforts et de gérer elles-mêmes la violence conjugale. “La plupart des victimes appellent en cas de crise”, précise Josiane Coruzzi.

Les hommes appellent très peu

Force est de constater que les hommes sont peu nombreux à s’adresser au numéro de la ligne d’écoute : à peine 10 pc, dont 8 pc de victimes et seulement 2 pc d’auteurs, relève Anne Jacobs, directrice de l’ASBL Praxis. “Peut-être que l’outil n’est pas assez visibilisé pour les auteurs”, avance-t-elle. Il faudrait peut-être deux numéros distincts.

Chaque année, environ 50 000 dossiers de violence intrafamiliale (VIF) entrent dans les différents parquets du pays ; septante pourcents d’entre eux sont classés sans suite.