Belgique

Finances publiques: tel Antonio Vivaldi, la Belgique termina la législature presque ruinée

La charge d’intérêts de la dette belge va atteindre près de 11 milliards en 2025

Pouvoir d’achat préservé

D’après le BfP, les revenus disponibles réels des particuliers ont en effet progressé de 7,3 % entre 2020 et 2024 (si la prévision de +2,1 % pour cette année se réalise). “Mais la Belgique, avec le recul, n’a pas regardé si les gens qui étaient aidés en avaient vraiment besoin “, constate Benoît Bayenet. “La facture énergétique, notamment, a été surévaluée, embraie Bart Van Craeynest, économiste en chef du Voka, la puissante fédération patronale flamande. Sur de grosses mesures, l’État s’est montré trop généreux, et on en paie le prix aujourd’hui. La prochaine législature commence par un déficit de 30 milliards. Difficile dans ses conditions de prendre pour argent comptant les promesses électorales…” Rien que pour les années 2020 et 2021, la BNB a calculé que le soutien aux ménages et entreprises s’est chiffré à la bagatelle de 34,3 milliards d’euros. Pas étonnant, dès lors, que le déficit public de l’entité 1 (État fédéral et sécurité sociale) et de l’entité 2 (Régions et pouvoirs locaux), soit teinté de rouge vif.

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La prochaine législature commence avec un déficit de 30 milliards. Difficile dans ses conditions de prendre pour argent comptant les promesses électorales…

Si rien ne change – entendez à politique inchangée -, la Belgique est et restera l’un des plus mauvais élèves de la classe européenne. Seule la Slovaquie affiche un plus mauvais bilan budgétaire. “La Vivaldi n’a pas si mal géré que cela la crise sanitaire et la crise de l’énergie, mais au prix d’une situation catastrophique en termes de finances publiques. Tant notre dette publique que le déficit public sont intenables à moyen terme”, poursuit Bart Van Craeynest. “La dette publique actuelle n’est pas le principal problème. C’est le déficit budgétaire qui pose problème et son évolution prévue. À cet égard, le BfP a estimé que si rien changeait, notre déficit public avoisinerait les 45 milliards d’euros en 2029 (5 % du PIB) et notre endettement public, de 119 % du PIB, contre 106 % actuellement. Forcément, quand on dépense plus que ce qu’on crée comme richesse, on alimente la dette.” “Il n’existe cependant pas de “seuil” à partir duquel la sonnette d’alarme peut être tirée, prévient Gert Peersman, professeur d’économie à l’UGent. Les marchés financiers s’intéressent à la capacité de remboursement à moyen terme et, par ailleurs, une crise internationale peut être problématique à tout moment.” Le défi est immense. Même le Fonds Monétaire International (FMI), vendredi soir, enjoignait la Belgique de réduire son déficit. ” Le statu quo n’est pas une option, avance encore Benoît Bayenet. Mais des solutions existent.” État des lieux des finances de la maison “Belgique”.

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Qu’on l’appelle solde de financement, ou déficit public, la différence entre ce qui est dépensé et ce qui rentre dans les caisses de l’état est souvent négative en Belgique, comme le montre le graphique ci-contre. Les périodes de déficit public “négatif” sont très nombreuses depuis le début des années 2000. “Même si la Belgique avait réalisé une forte amélioration de ses finances publiques dans le processus de préparation à l’Euro, la Belgique n’a pas, depuis 2001, réussi à réaliser ses objectifs budgétaires à moyen terme”, rappelle ce grand commis de l’État.

Sur la dernière législature, c’est la soupe à la grimace. La palme revient aux années 2020 (-8,9 %) et 2021 (-5,4 %), d’après les chiffres que la BNB a compilés pour La Libre. Cette législature, marquée par deux crises majeures (sanitaire et invasion de l’Ukraine) a plombé les dépenses publiques. Alors qu’en 2018, le déficit public se montait à -0,9 % du PIB, il s’affichera à -4,4 % cette année – soit 26,6 milliards d’euros de déficit. Bilan négatif, donc.

L’évolution du déficit public demande cependant un peu de détails, notamment par entité. Ainsi, les dépenses dans les trois Régions ont augmenté de manière importante entre 2020 et 2024. Elles ont progressé de 35 % en Région bruxelloise, à 7,338 milliards d’euros attendus, de 32,7 % en Région flamande (à 69,314 milliards d’euros) et de 25,2 % en Région wallonne (à 20,588 milliards d’euros). Le déficit de ces trois principales composantes de ce qu’on nomme l’entité 2 a ainsi crû de manière importante ces dernières années, “ce qui n’est pas illogique, vu qu’elles ont aussi plus de compétences”, tempère Benoît Bayenet. Notamment sur les matières sociales et d’emploi. Généralement, le déficit budgétaire d’une Région se calcule non pas par rapport au PIB mais par rapport aux recettes fiscales, plus représentatives de la situation financière d’une entité (voir tableau).

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Même si cela n’est pas usuel, La Libre s’est attachée à diviser les recettes par les dépenses (totales) pour se faire une idée plus précise de la situation financière des Régions. Entre 2020 et 2024, ce ratio passe de 80,7 % à 85,1 % pour la Région Bruxelloise, de 90,5 à 97,1 % pour la Région flamande et de 88,8 à 89,1 % pour la Région wallonne. Ces simples ratios montrent que le Nord du pays est proche de l’équilibre entre dépenses et recettes, et qu’il a enregistré l’amélioration la plus significative depuis le début de la législature. Le bilan reste négatif, bien entendu, “même si l’année 2020 était une année particulière avec le Covid “, rappelle Bart Craeynest (Voka). Au niveau de l’État fédéral, de gros efforts ont été réalisés, comme le montre le tableau ci-contre “mais la marge de progression n’est plus énorme, explique Benoît Bayenet (CCE). Notamment parce que les dépenses de vieillissement (santé, pensions, etc.) lui incombent totalement et qu’elles sont incompressibles.

Déficits en Belgique
Déficits en Belgique ©IPM Graphics

Lorsque la Suédoise a rendu le tablier en 2019, la dette publique belge était redescendue sous la barre des 100 % du PIB. L’explosion des déficits à cause de la crise sanitaire et de la hausse des prix de l’énergie a amené la dette au-delà des 110 % du PIB dès 2020. La croissance très forte de l’inflation a artificiellement réduit notre endettement public ensuite, à 105 % du PIB en 2023 (105 % du PIB en 2024 attendus), mais l’évolution n’est pas réjouissante. La dette publique devrait approcher les 120 % du PIB dans 5 ans.

Et quid de la charge d’intérêts ? Pour le moment, elle est relativement maîtrisée. L’agence fédérale de la dette a fait en sorte, ces dernières années, d’allonger au maximum possible la duration (maturité) possible, à près de 10 ans en moyenne, de sorte qu’une remontée éventuelle des taux d’intérêt prend du temps à produire des effets dans les taux payés aux emprunteurs. Il ne faut pas oublier qu’entre septembre 2014 et juin 2022, la Belgique a emprunté à taux négatifs pour les émissions de courte durée. Mais la hausse des taux consécutive à la guerre en Ukraine se fait tout de même sentir. Actuellement, “pour la dette fédérale, le taux moyen est actuellement de 1,91 pour cent”, nous glisse Jean Deboutte, directeur de l’Agence fédérale de la dette. Laquelle a récemment réévalué la situation ; elle s’attend à 9,7 milliards d’euros de charge d’intérêt pour 2024, soit 1,6 % du PIB. Et pour 2025, à 10,891 milliards d’euros (soit 1,74 % du PIB). On se rappellera qu’en 2022, le paiement des intérêts de la dette s’inscrivait à moins de 7 milliards d’euros… Bref, le bilan de la Vivaldi est très largement négatif sur ce plan.

Dette publique consolidée
Dette publique consolidée ©IPM Graphics