Restreindre l’importation de produits de l’UE – Algérie : des experts algériens défendent
Depuis plusieurs années, les relations commerciales entre l’Algérie et l’Union Européenne (UE) sont marquées par des tensions récurrentes. L’UE accuse régulièrement l’Algérie d’imposer des restrictions sur les importations de biens européens. Cependant, des experts en économie affirment que les mesures prises par les autorités algériennes sont légitimes. Elles visent à protéger l’économie nationale et à éviter une fuite injustifiée de devises, surtout lorsque des produits locaux de haute qualité existent.
Depuis la signature de l’accord de partenariat entre l’Algérie et l’UE en 2005, l’Algérie s’est engagée à ouvrir ses marchés aux produits européens. Cependant, l’UE n’a pas tenu ses promesses de transfert de technologie et d’investissements réels. Malgré les allégations de l’UE concernant des restrictions sur les exportations de voitures et de produits agricoles vers l’Algérie, les autorités algériennes ont maintes fois signalé que cet accord est inéquitable. Elles ont appelé à sa révision pour garantir des avantages mutuels, loin de l’importation désordonnée qui nuit à l’économie locale.
Le spécialiste économique, Mourad Kouachi, qualifie les plaintes répétées de l’UE de “réclamations infondées”. Selon lui, l’accord de partenariat signé il y a plus de 20 ans stipule clairement que l’Algérie doit autoriser l’importation de biens européens et faciliter leur transit. En contrepartie, les Européens devaient investir en Algérie, transférer des technologies et faciliter la mobilité des personnes. Cependant, ces engagements n’ont pas été respectés par l’UE.
Après deux décennies de partenariat, le bilan est négatif pour l’Algérie. La trésorerie publique subit des pertes annuelles colossales, estimées récemment à 30 milliards de dollars, avec des importations atteignant une valeur de 200 milliards de dollars depuis la mise en œuvre de l’accord. En revanche, il n’y a eu ni investissements européens significatifs ni transferts de services et de technologies.
Une politique de rationalisation des importations
Kouachi explique que ces mesures visent à organiser les importations et à rationaliser les dépenses, et non à les stopper. L’UE reste un partenaire majeur pour l’Algérie et l’un des principaux fournisseurs de biens entrant sur le marché algérien. Les relations commerciales entre les deux parties restent excellentes. L’Algérie a respecté tous ses engagements énergétiques envers l’UE. Cependant, l’Algérie cherche à organiser ses relations commerciales sur la base du principe gagnant-gagnant, refusant que son marché devienne un simple débouché pour les surplus de produits européens.
L’Algérie, autrefois permissive quant à l’importation de tout et n’importe quoi au détriment de la production locale, adopte aujourd’hui une approche plus rationnelle. Les Européens doivent comprendre que l’Algérie n’est plus en position de faiblesse. Les circonstances ont changé, et l’Algérie s’efforce de protéger ses intérêts et de diversifier ses partenaires commerciaux. Elle établit des relations avec la Chine, la Turquie, la Russie et d’autres pays. Pour maintenir leur position, les Européens doivent investir en Algérie et respecter leurs engagements en matière de transfert de technologie.
L’expert économique Houari Tigrissi soutient que l’UE, qui se plaint de restrictions commerciales concernant les produits agricoles et les voitures, doit comprendre que l’Algérie a le droit de prendre des mesures protectrices pour défendre son économie. Autrefois, les importations frôlaient les 63 milliards de dollars. Les autorités publiques ont réussi à réduire ce fardeau en abaissant les importations à environ 40-43 milliards de dollars ces dernières années. L’inquiétude initiale concernant la transition vers une production locale est en train de disparaître, notamment pour les produits agricoles.
Une stratégie de substitution aux importations
Aujourd’hui, l’État algérien met en place une véritable stratégie de substitution des importations pour développer la production nationale. Il existe, par exemple, une stratégie de développement du blé qui pourrait inclure des négociations avec l’UE pour une production en Algérie. Tigrissi loue la décision du gouvernement de réviser et d’actualiser l’accord, et de renégocier plusieurs points pour trouver des solutions équitables pour les deux parties.
Pour atteindre ses objectifs, l’Algérie doit se concentrer sur le développement de la production locale et réduire la fuite des devises vers l’étranger. Il est crucial de diversifier les sources d’approvisionnement et de s’associer avec des économies dynamiques en Asie, telles que la Chine et le Vietnam. L’UE, pour sa part, doit réévaluer trois aspects fondamentaux : le transfert de technologie, la réalisation d’investissements réels en Algérie et la liberté de mouvement des personnes, notamment en matière de visas et de recherche scientifique.
À l’avenir, la manière dont les négociations seront menées favorisera l’Algérie en activant ces points de l’accord. Tigrissi souligne que les récentes critiques de l’UE ne sont qu’un signe de son souci de maintenir l’Algérie comme un marché pour ses produits. Il est donc essentiel pour l’Algérie de se concentrer sur le développement et l’activation de la production locale, tout en diversifiant ses partenariats économiques au-delà de l’UE.