Suisse

Préserver le patrimoine : un objet à la fois.

Le projet est né sur les conseils de ma famille et de mes proches. Aujourd’hui, je fais surtout de la conservation : aide à la gestion des collections, évaluations spatiales, études climatiques, etc.

Comment est né le projet de votre atelier ?

Le projet a vu le jour grâce aux conseils de ma famille et de mes proches. Juste avant de terminer l’école, en examinant les offres d’emploi, j’ai constaté qu’il y en avait peu dans les musées et institutions. Je me suis alors dit qu’il était judicieux de proposer mes services à des structures plus petites ou à de grandes qui nécessitent des externes sous mandat.

Le but était d’aider un maximum d’acteurs à préserver le patrimoine tout en me lançant dans cette aventure.

Quelles ont été les premières étapes concrètes pour lancer l’atelier ?

La première étape a été de gérer les aspects administratifs. J’ai créé une Sàrl, contrairement à d’autres qui se lancent en tant qu’indépendant·e. Cela m’a évité certaines complications, en particulier concernant les assurances sociales. J’ai donc dû consulter un notaire, choisir un nom d’entreprise, puis mettre en place tout le secrétariat, y compris les modèles de devis et de factures, ainsi que la tarification horaire.

Un aspect crucial a été la recherche d’assurances appropriées à mon métier, notamment pour couvrir le transport d’œuvres. Peu d’assureurs offrent ce type de services, et cela m’a pris beaucoup de temps de trouver ce qui me convenait.

Aujourd’hui, quel type de projets de restauration ou de conservation traitez-vous ?

Je réalise principalement des missions de conservation, telles que l’aide à la gestion des collections, des évaluations spatiales, des études climatiques, etc. Je propose souvent un service global en fonction des besoins.

Je m’occupe un peu moins de restauration, mais j’interviens souvent sur des objets scientifiques et techniques. Parfois, je peux les prendre à l’atelier, mais ce n’est pas toujours possible en raison de leur taille ou de la distance. Une fois, j’ai dû me rendre à Saint-Gall, et dans ces situations, je me déplace avec tout mon matériel.

Je fais également du soclage et du montage d’exposition. Ce sont les trois domaines que j’ai appris à l’école et que je mets actuellement en pratique, mais il est possible qu’un jour je me spécialise davantage.

Quel savoir-faire technique appris à la HE-Arc utilisez-vous encore aujourd’hui et quelles compétences transversales vous ont été utiles dans votre parcours ?

Les gestes appris en atelier sont ancrés en moi. On manipule les objets avec précaution. J’ai également acquis des compétences en observation, en tests et en attention portée à l’objet. Les cours sur les évaluations spatiales et la gestion des collections m’aident beaucoup, et j’applique encore les méthodes apprises lors de ma formation.

Concernant les compétences transversales, les travaux en groupe m’ont été très bénéfiques. Collaborer avec des personnalités et des méthodes variées m’a permis de mieux gérer le stress lié aux délais et d’améliorer ma capacité à collaborer. Aujourd’hui, cela se traduit dans mes échanges avec les clients, où il est essentiel de comprendre leurs attentes, de proposer les meilleures solutions et de communiquer efficacement.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Au collège, j’étais en option arts visuels, tout en m’intéressant également à la physique, à la chimie et aux maths. Je recherchais un métier qui combine ces deux aspects. Une conseillère d’orientation m’a recommandé la HE-Arc. J’ai pris une année de pause pour réfléchir, voyager et faire des stages. Après avoir discuté avec des professionnel·les (y compris certains diplômé·es de la HE-Arc) et assisté aux portes ouvertes, j’ai réalisé que c’était la voie que je voulais suivre.

De plus, j’ai toujours été passionnée par les objets anciens. J’en possède quelques-uns chez moi : appareils photo, objets scientifiques… Je prends également plaisir à visiter les musées. Ce métier, qui évolue dans l’ombre des musées, m’a immédiatement séduite.

Au cours de ma formation, j’ai profité de mon temps libre pour visiter des ateliers privés ou de musées, même chez un garagiste spécialisé dans les voitures anciennes. Les discussions et la vision du travail potentiel m’ont confortée dans mon choix.

Y a-t-il un souvenir marquant de votre formation qui vous a influencée ?

Oui, un conseil téléphonique avec le conservateur après mon travail de Bachelor. J’ai réalisé mon travail de Bachelor au Musée du Son à Martigny pendant le COVID. Celui-ci portait sur l’évaluation spatiale de leurs réserves. Il m’a indiqué que mon étude avait aidé la fondation à obtenir de nouveaux locaux, du mobilier et des financements. J’ai pris conscience de l’utilité concrète de ce que j’avais accompli. Ce métier, bien que souvent méconnu, est essentiel pour la préservation du patrimoine.

Collaborer avec de petites institutions est très gratifiant. Certaines fonctionnent sur la base du bénévolat et prennent soin de solliciter un·e professionnel·le. C’est une belle reconnaissance. Je les aide en leur fournissant des clés pour gagner en autonomie, tout en restant disponible pour elles. Parfois, ces relations se transforment en collaborations sur plusieurs années.

Quels sont les avantages et les difficultés quand on crée sa propre structure ?

Un des avantages, c’est la liberté des horaires. Je peux organiser mes journées comme je le souhaite, réaliser des travaux variés, et même emmener mon chien à l’atelier (sauf lors de l’utilisation de produits ou outils dangereux).

Cependant, il faut être prêt·e à tout gérer : secrétariat, administratif, devis, ménage, transport et préparation du matériel. Il est essentiel d’accepter que certaines tâches prennent du temps. Il arrive que je travaille le week-end ou le soir pour compenser les pauses prises en journée. Il s’agit d’un équilibre à trouver.

Que diriez-vous à un·e diplômé·e qui veut créer son atelier ?

Il est important de prendre le temps de poser des bases solides : statuts, assurances, structure administrative. Il ne faut pas agir de manière impulsive. S’entourer des bonnes personnes et demander conseil est crucial, notamment auprès de l’association suisse de conservation et restauration ou d’autres jeunes diplômé·es. Nous partageons souvent des vécus similaires. Les échanges sont mutuellement bénéfiques : on apprend et on transmet, ce qui crée un véritable réseau de soutien.

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?

Dans de nombreuses grandes structures, un·e conservateur·trice-restaurateur·trice est généralement présent·e. Ils sollicitent de l’aide pour de grands projets de conservation ou de restauration. Dans les plus petites structures, ce sont souvent des bénévoles ou des personnes sans formation muséale spécifique qui sont impliquées.

Une meilleure reconnaissance du métier serait nécessaire, afin que les acteurs soient pleinement informés de l’aide que nous pouvons leur apporter et des moments propices pour cela. Ce que nous faisons peut parfois sembler négligeable, mais en réalité, c’est fondamental pour la préservation des objets et la gestion adéquate des collections.

L’association suisse de conservation et restauration œuvre dans ce sens, notamment pour faire évoluer le statut de la profession, sensibiliser les institutions et défendre les professionnels. J’espère que cette reconnaissance continuera de progresser.