Face à un miel «dur comme du béton», des apiculteurs suisses désespèrent
Les apiculteurs et apicultrices de plusieurs cantons sont confrontés cette année à un miel extrêmement dur. La faute à une espèce particulière de puceron présente sur les mélèzes et les sapins rouges, qui rend le miel solide. On appelle cela le «miel béton». Et les abeilles aussi souffrent de ce phénomène.
Lourd et solide comme du béton: c’est ainsi que se présente souvent le miel cette année dans plusieurs cantons. Le «miel béton», comme on l’appelle, est particulièrement fréquent dans le canton d’Argovie, mais les apicultrices et apiculteurs schwytzois et lucernois, entre autres, y sont aussi confrontés.
Le miel béton devient très dur en l’espace de quelques jours et est très difficile à extraire. Pour les apiculteurs concernés, cette situation signifie surtout beaucoup de travail et peu de rendement. Ce type de miel n’en reste pas moins comestible, et il est même parfois demandé.
Lorsque les apicultrices et apiculteurs se rendent compte de ce qui se passe dans leurs ruches, il est souvent déjà trop tard. «Le miel béton se cristallise beaucoup plus vite. Au début, on se réjouit d’avoir beaucoup de miel. Mais ensuite, on a du mal à le sortir des rayons lors de l’extraction», explique Edith Meier, responsable du miel dans le canton d’Argovie et elle-même apicultrice. Le rendement du miel béton est faible.
Le miel béton est également appelé miel de mélézitose. Il provient du miellat de certains pucerons du sapin rouge et du mélèze. Selon l’espèce, les pucerons sécrètent un type de sucre particulier, le mélézitose.
Si le miel en rayon a une teneur en mélézitose supérieure à 20%, il ne peut plus être extrait par centrifugation. Le centre de compétence de la Confédération pour la recherche agricole AgroscopeLien externe définit le miel béton comme un miel de forêt cristallisé avec une très forte teneur en mélézitose.
Le responsable est une espèce de pucerons. Celui-ci produit un sucre qui se cristallise rapidement, le mélézitose. Les abeilles le transportent ensuite dans leur ruche. Le problème du miel béton s’est aggravé cette année car on constate davantage de pucerons que les années précédentes, explique-t-on en Argovie.
Un problème dans les régions à mélèzes et à sapins rouges
Edith Meier possède elle-même une cinquantaine de colonies d’abeilles. Selon la région, le miel est bon. Mais les ruches qui se trouvent près des sapins rouges sont pleines de miel béton, relève l’apicultrice. C’est en effet dans les sapins rouges et dans les mélèzes que se trouve l’espèce de pucerons responsable de cette situation.
Dans le canton de Schwyz, c’est surtout le miel de forêt qui est touché. Dans le canton de Soleure aussi, le problème du miel béton est identifié, apprend-on auprès du service compétent. La Suisse n’est toutefois pas la seule à connaître ce problème: les apicultrices et apiculteurs du sud de l’Allemagne et de l’Autriche sont également concernés, indique le service soleurois.
La santé des abeilles en souffre
Les apicultrices et apiculteurs ne sont pas les seuls à ne pas apprécier le miel béton. Les abeilles elles-mêmes peuvent aussi en souffrir. En effet, ce type de miel ne convient pas comme nourriture hivernale pour les abeilles. Les insectes ont besoin de trop d’eau pour dissoudre le miel cristallisé.
De plus, le miel béton est difficile à digérer pour les abeilles. Il peut leur causer des diarrhées et détruire des colonies entières. Certaines abeilles ont également présenté des troubles de la locomotion après avoir consommé du miel béton, écrit la Revue suisse d’apiculture à propos de ce phénomène.
Le miel béton est comestible et même demandé
Il existe différentes variantes pour récolter ce miel. La plus connue est le chauffage de la masse. «On peut chauffer le miel, mais il ne doit pas être trop chaud, sinon il s’abîme», explique Edith Meier. On peut ainsi l’utiliser comme miel de pâtisserie, qui n’est pas tout à fait de la même qualité que le miel traditionnel.
Pour les consommatrices et consommateurs, le miel béton du millésime 2024 n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. «Au niveau du goût, c’est un très bon miel. Il y a des grains dedans, un peu comme de la semoule. Il y a des gens qui aiment ça», souligne Edith Meier.
Le miel béton peut donc être vendu sans problème, mais au terme d’énormément d’efforts lors de la récolte.
Article de SRF adapté en français par Didier Kottelat, RTS