Maroc

Dialogue social : un round sous le signe de la réforme des retraites

Couverture sociale. Alors que le Maroc est engagé dans un vaste chantier de généralisation de la couverture sociale, le gouvernement rouvre le dossier de la réforme des retraites à la veille d’un nouveau round du dialogue social en perspective du prochain 1er mai. Eclairages.

L’Exécutif compte prendre à bras-le-corps le dossier de la réforme des retraites. Dans ce sens, le chef de gouvernement Aziz Akhannouch a présidé une réunion à Rabat sur le sujet. «J’ai présidé aujourd’hui (ndlr: mardi 19 mars) à Rabat une séance de travail consacrée à l’examen des ateliers sur la réforme des systèmes de retraite, que le gouvernement entend mettre en œuvre au cours de l’année en cours, selon une approche participative avec les partenaires sociaux, en préparation du prochain cycle de dialogue social»», a annoncé le numéro un du gouvernement dans un post sur son compte Facebook. «Au cours de la séance de travail qui a connu la participation de la ministre de l’économie et des finances ainsi que le président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), Madame la ministre a présenté en détail la situation actuelle des caisses de retraite qui sont caractérisées par leur multiplicité et l’hétérogénéité de leurs structures et cadres réglementaires. Elle a également présenté des scénarios de réforme possibles qui prennent en compte les intérêts de tous les salariés et assurent la pérennité des régimes de retraite afin de consolider les fondements de « l’État social »», a ajouté la même source. La réunion intervient à la veille d’un nouveau round avec les partenaires sociaux en perspective du prochain 1er mai. Le timing n’est pas fortuit. Le Maroc compte dès l’année prochaine passer à une étape supérieure dans le chantier de la généralisation de la couverture sociale à travers notamment l’élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite en 2025 en faveur des personnes actives et la généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi pour couvrir toute personne exerçant un emploi stable. Un chantier qui passe bien évidemment par la réforme du système de retraite en place actuellement.

Pour rappel, la ministre de l’économie et des finances, Nadia Fettah, avait présidé, en octobre 2022 à Rabat, la première réunion de la commission chargée de la réforme des retraites, dont la création s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions de l’Accord social et de la Charte nationale du dialogue social. Intervenant à cette occasion, Nadia Fettah avait souligné que la réforme des retraites constitue un chantier «stratégique» qui aspire à faire aboutir un long processus de réformes, avec la mise en place d’un système de retraite à deux pôles «public» et «privé», à même de garantir les droits des affiliés actuels et futurs. Elle avait, dans ce sens, relevé que la création de cette commission émane de la volonté du gouvernement, des syndicats et des associations professionnelles des employeurs de lancer la réforme systémique des régimes de retraite, dans un cadre de dialogue ouvert et constructif entre l’ensemble des partenaires.

L’objectif étant de mettre en place un système de retraite à deux pôles «public» et «privé», conformément aux recommandations de 2013 de la Commission nationale chargée de la réforme de retraite, avait-elle expliqué. Et de soutenir que cette commission constitue un levier essentiel pour la reprise du dialogue autour de ce chantier stratégique et une occasion d’échanger avec les partenaires sociaux sur leurs attentes.

Urgence
Selon les recommandations de la commission nationale pour l’année 2013, les objectifs de la réforme peuvent se résumer comme suit: assurer la pérennité du système; établissement de la justice et préservation des droits acquis; maintien des réserves en raison de leur importance dans le financement de l’économie; ouverture de la voie au passage vers un statut unifié; réduction de l’impact de la réforme sur le budget de l’État; maintien de la compétitivité des entreprises nationales.
Afin de concilier tous ces objectifs parfois contradictoires, un bureau d’études avait proposé l’adoption d’un système de retraite qui repose sur: l’adoption d’un plafond unifié pour le régime de base égal à deux fois le SMIG tant pour le pôle public que pour le pôle privé, afin de faciliter le passage futur vers un système de base unifié; réduire les taux de remplacement des hauts salariés du secteur public; geler les droits acquis dans les systèmes actuels et ne pas réévaluer les pensions au cours des 10 prochaines années; relever l’âge de la retraite à 65 ans, y compris dans le secteur privé; augmenter les taux de cotisations, y compris le secteur privé. En attendant le prochain round du dialogue social, tous les partenaires sociaux semblent être d’accord sur le caractère urgent de la réforme des retraites. En mai 2023, la première présidente de la Cour des comptes avait insisté au Parlement sur l’urgence de mettre en forme la réforme du système de retraite pour en assurer la viabilité. Zineb El Adaoui, qui s’exprimait lors d’une session plénière conjointe des deux Chambres du Parlement, a mis en garde contre les déficits des régimes de retraite, qui menacent la viabilité du système. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes avait souligné l’insuffisance de la réforme paramétrique mise en œuvre en 2016 : «La non-réalisation de leur équilibre financier et l’épuisement imminent de leurs réserves à des horizons différents montrent la portée limitée des réformes paramétriques apportées principalement au régime des pensions civiles de la Caisse marocaine des retraites depuis 2016 et au Régime collectif des allocations de retraites en 2021».

Pour la Cour des comptes, «la garantie de la viabilité du système à long terme exige l’activation de la mise en œuvre du chantier de la réforme systémique des régimes de retraite, notamment avec l’élargissement de l’adhésion aux régimes de retraite en 2025 pour couvrir les travailleurs ne percevant aucune pension, et ce, dans le cadre de la généralisation de la sécurité sociale».

C’est le titre de la boite

fragilité
Dans le rapport de la stabilité financière établi par Bank Al-Maghrib conjointement avec l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) et l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), la situation fragile de certaines caisses de retraite a été mise en lumière. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, avait plaidé pour la finalisation de la réforme des retraites lors de sa présentation du rapport annuel de la Banque centrale. «Le retard observé dans la finalisation de la réforme des retraites ne fait qu’alourdir son coût et accentuer ainsi les réticences des partenaires sociaux et les difficultés du dialogue social», a fait observer M. Jouahri. Et de préciser que «son report d’année en année fait qu’elle s’impose aujourd’hui comme un impératif dans un contexte moins propice avec la crise du pouvoir d’achat et la généralisation de la couverture prévue en 2025 à près de 5 millions d’actifs additionnels, en grande partie dans des emplois informels et à faible rémunération». Il est à souligner que la réforme paramétrique de 2016 du régime CMR-RPC a permis d’équilibrer sa tarification. Toutefois, la réforme paramétrique de 2021 du RCAR n’a pas porté ses fruits. Ce régime se caractérise toujours par une sous-tarification des droits accordés à ses affiliés.