InternationalTunisie

EDF investit dans le solaire en Tunisie ? – Actualités Tunisie Focus

Le leader français de l’énergie, qui voit certains de ses projets marocains au point mort, a choisi la Tunisie pour la première implantation hors d’Europe de sa filiale spécialisée dans le solaire. Et ce, malgré des retards là aussi accumulés par le la Tunisie dans ce secteur.

EDF ENR vise le marché des professionnels. La filiale du fournisseur français d’électricité dévolue à l’énergie solaire, installée depuis moins de deux mois en Tunisie, s’adresse aux branches locales des grandes industries étrangères exportatrices dans le textile et l’industrie automobile, ainsi qu’aux sociétés des principaux groupes tunisiens, comme Poulina, Utic, Mabrouk ou Elloumi.

Créée en 2008, EDF ENR propose un accompagnement allant de la conception à la maintenance des solutions solaires (panneaux photovoltaïques, batterie de stockage, etc.) pour que les clients produisent leur propre électricité.

Avec cette implantation, la maison mère EDF cherche à tester la viabilité à l’international d’un marché en pleine expansion, mais encore balbutiant. « La proximité culturelle, linguistique et la présence chez nous de collaborateurs tunisiens qui connaissent le cadre réglementaire a pesé dans la décision de s’installer en Tunisie pour notre première création de filiale hors Europe [EDF ENR est présent en Allemagne depuis 2021] », précise à Jeune Afrique Paul Cholat, responsable du développement commercial à l’international d’EDF ENR.

La Tunisie produit moins de 3 % d’énergies renouvelables

À l’horizon 2030, la Tunisie table sur une production d’électricité issue à 35 % des énergies renouvelables, le solaire en tête. Aujourd’hui, le taux ne dépasse pas 3 %. Fin 2021, le gouvernement avait annoncé un allègement de la réglementation sur l’autoproduction d’électricité.

Mais les décrets d’application concernant le prix de transport de l’électricité et son rachat par la société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) ne sont intervenus qu’en décembre 2023.

« Les résultats sont loin des ambitions, poursuit Paul Cholat, mais ces récents décrets d’application sont le signe que nous arrivons au bon moment et qu’il y a un cadre lisible, ce qui est rassurant. » Une législation qui garde une longueur d’avance dans la région : EDF ENR, présidé par Benjamin Declas, ouvrira une filiale dans le courant de l’année au Maroc, le temps que tous les textes soient, eux aussi, mis à jour et promulgués.

La présence d’Ouael Chouchane, secrétaire d’État auprès du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, lors de l’inauguration de la filiale d’EDF ENR, le 28 février, montre que le secteur est un enjeu aussi bien économique que politique.

Le taux d’indépendance énergétique de la Tunisie est tombé à 42 % en janvier 2024, selon une étude de l’Observatoire national de l’énergie et des mines. Les importations d’énergie sont, elles, passées de 5 % de la consommation à 50 % entre 2010 et 2022, d’après des données du gouvernement tunisien et de la STEG citées par la Banque mondiale.

EDF au point mort au Maroc

Tels de nombreux pays de la région, l’une des plus ensoleillées du monde, la Tunisie s’est lancée dans les constructions de centrales solaires. Avec, comme dans les pays voisins, de nombreux retards.

La centrale solaire de Tataouine, d’une capacité de 10 mégawatts, construite en 2019, n’est opérationnelle que depuis octobre 2022. Au Maroc, la centrale Noor Midelt, dont la puissance doit atteindre 800 mégawatts-crête (MWc), qualifiée de « plus grand complexe multitechnique du monde » par Masen, l’agence marocaine pour l’énergie durable, accuse un retard de quatre ans sur le début des travaux.

Après avoir remporté l’appel d’offres de 2019 pour la première tranche du mégaprojet, EDF – via sa filiale EDF Renouvelable – est à nouveau partie prenante du consortium chargé de concevoir, construire et exploiter la deuxième tranche.

Conscients des problèmes techniques et financiers, les États et les acteurs privés ont revu en partie leur stratégie. Désormais, l’accent est mis sur l’autoproduction et la décentralisation.

C’est dans ce cadre qu’opère EDF ENR, qui a réalisé 256 millions d’euros de chiffre d’affaires dans l’activité photovoltaïque en 2023. Des banques tunisiennes se montrent d’ailleurs intéressées pour proposer, avec l’entreprise française, des financements à taux abordable pour les futurs clients, qui sont légion.

Les industriels représentent 60 % de la demande d’électricité en haute et moyenne tension. « La demande est là, mais le secteur est très concurrentiel », prévient Chekib Ben Mustapha, membre du bureau exécutif de la Conect, centrale patronale des PME tunisiennes.