France

Une enfant enfermée 5 jours à l’aéroport d’Orly : « Elle était nourrie aux chips et aux compotes dans 3m2 »

«Comment, en France, peut-on faire vivre ça à une petite fille de onze ans ? ». Dali*, assise bien sagement, les mains sur les genoux, reste silencieuse. Entourée de son père et de son frère, elle écoute son oncle raconter les 5 jours de calvaire qu’elle a vécus dans la zone d’attente de l’aéroport de Paris-Orly.

Elle est née au Sénégal, mais est de nationalité française, tout comme sa famille. Le 19 octobre, elle prend l’avion en direction de Paris pour venir vivre auprès de son père et de ses frères et sœurs.

Son passeport retiré

Dans le hall de l’aéroport, son oncle l’attend avec impatience. Téléphone à la main, il espère pouvoir filmer son arrivée avec les hôtesses. Au bout d’une heure, Dali* n’apparaît toujours pas. « J’ai reçu un appel de la police. Ils m’ont dit qu’ils avaient reçu une lettre de l’administration et que son passeport lui a été retiré », explique l’oncle de l’enfant. Escorté par des policiers, il retrouve sa nièce en zone d’attente.

Ces lieux, souvent méconnus du grand public, permettent de retenir les étrangers qui se présentent aux frontières et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français. Pourtant, Dali* dispose d’un passeport français en règle.

« Nourrie aux chips et aux compotes »

Après une heure d’interrogatoire, l’oncle de l’enfant apprend qu’il ne pourra pas récupérer sa nièce le jour même. Viennent l’angoisse et l’incompréhension. « Je me suis dit que ce n’était pas normal de laisser une enfant de onze ans seule avec trois policiers armés », se révolte-t-il. Il obtient un droit de visite dès le lendemain et découvre les conditions d’enfermement dégradantes dans lesquelles sa nièce est retenue.

« Elle était dans une pièce de 3m2 de 6 heures à 21 heures. J’ai découvert qu’elle avait très faim et qu’elle avait été nourrie aux chips et compotes. Lorsque j’ai voulu lui ramener des plats chauds et cuisinés, on m’a dit que c’était interdit », assène l’oncle de Dali*.

Contraire à la dignité humaine

La nuit, l’enfant est emmenée dans un hôtel en face de l’aéroport. Son oncle se remémore « commencer à avoir vu apparaître des boutons sur son visage ». Les conditions d’hygiène sont rudimentaires, elle n’a pas de gel douche pour se laver et ne dispose pas de vêtements de rechange.

Pour l’avocat de la famille, Me Samy Djemaoun, les conditions dans lesquelles a été retenue Dali « sont contraires à la dignité de la personne humaine ». Il ajoute qu’un « faisceau d’indices graves et concordants » lui permet de dire que « plus qu’une zone d’attente, c’est un lieu de détention ».

« Je n’ai pas pu retenir mes larmes »

Il lui faudra attendre presque 5 jours avant que Dali* ne soit libérée. Un parcours du combattant s’engage alors pour sa famille et son avocat, comme le révèle un article de Mediapart.

Finalement, le juge des référés du tribunal administratif de Melun « enjoint à l’administration de permettre sans délai » à Dali* de rejoindre sa famille et précise que « les autorités lui avaient irrégulièrement » notifié un refus d’entrée sur le territoire.

Le certificat de nationalité de son père, sa grande sœur et ses frères n’avait donc « jamais été mis en cause ». Soulagement. Au tribunal, l’oncle de Dali* « ne parvient pas à retenir » ses larmes.

Dali* n’est pas un cas isolé

Enfin de retour auprès de ses proches, Dali tente de reprendre une vie normale. Mais les stigmates de son enfermement sont encore présents. La nuit, « elle fait souvent des cauchemars de policiers avec des armes », regrette son père.

Dali n’est pas un cas isolé. « On a suivi une dizaine de mineurs enfermés en zone d’attente à Orly en seulement quelques semaines », indique Laure Palun, directrice de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers. Elle ajoute que « plusieurs centaines d’enfants sont enfermés chaque année en zone d’attente ».

La France a été 11 fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’enfermement d’enfants en rétention. Selon Laure Palun, « ce sont des jurisprudences qui peuvent être applicables à la zone d’attente. La France ne respecte pas le droit international, elle est dans l’illégalité à ce titre-là », assène-t-elle.

Pour le moment, Dali* se porte mieux et parvient à se confier auprès de ses sœurs et frères. Elle pourra bientôt reprendre le chemin de l’école.