« The White Lotus » saison 3 : recette gagnante pour le tourisme ?

A ce stade, les compagnies aériennes et les offices de tourismes devraient peut-être arrêter de gaspiller des millions en campagnes publicitaires et se contenter d’une solution bien plus efficace : supplier le réalisateur Mike White de tourner la saison 4 de The White Lotus chez eux. Une simple scène où Jennifer Coolidge titube en peignoir semble être la clé du succès pour certaines destinations.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : après Hawaï et la Sicile, c’est la Thaïlande qui accueillera la troisième saison de la série culte dès le 16 février. Et ce pays prévoit une augmentation de 20 % de son tourisme, explique le média Bloomberg. Et ce n’est pas juste une intuition : avant même que la moindre image ne soit dévoilée, les recherches “Thaïlande” sur Expedia ont grimpé de 50 % témoigne le New York Times. Le « White Lotus effect » est une machine implacable.
Un effet qui a déjà porté ses fruits
Le phénomène a commencé en 2021, quand la plateforme HBO a posé ses caméras à l’hôtel Four Season de Maui pour la première saison de cette série. Cet hôtel de luxe, choisi pour incarner la vacuité des ultra-riches en vacances, a vite compris qu’il allait profiter d’un retour sur investissement bien plus juteux qu’une simple location de tournage. Après la diffusion de la série, les réservations ont explosé et le site Web de l’établissement a enregistré une hausse de trafic de 425 %, toujours selon le même article du New York Times. En parallèle, Hawaï a retrouvé des niveaux de fréquentation quasi identiques à ceux d’avant la pandémie, avec une hausse des dépenses touristiques de 16 %.
La deuxième saison, tournée en Sicile, a connu le même succès. Le Guardian rapporte que le San Domenico Palace de Taormina, où se déroulait l’intrigue, a affiché complet pendant des mois après la diffusion. Des propriétaires de restaurants locaux ont raconté au quotidien que l’impact avait été immédiat, avec une hausse fulgurante du nombre de visiteurs étrangers. L’hôtel a même dû refuser des clients après la diffusion de la saison jusqu’en avril 2023.
Thaïlande : quand le tournage booste déjà le tourisme
La Thaïlande n’a pas eu besoin d’attendre la diffusion de la saison 3 pour sentir le « White Lotus effect ». Dès que la production a confirmé que le tournage aurait lieu dans plusieurs hôtels du pays, les effets se sont fait sentir. En janvier 2024, le site économique Bloomberg a montré que la plateforme de voyage Fora a enregistré une augmentation de 312 % de ses réservations pour la Thaïlande. Expedia, de son côté, a noté une augmentation de 50 % des recherches sur la destination.
Le pays, qui peine encore à retrouver son affluence d’avant-Covid, espère que la série sera un levier puissant pour revenir aux 40 millions de visiteurs qu’il accueillait en 2019. D’autant que la Thaïlande mise aussi sur l’effet Lisa Manobal. La star de « Blackpink », qui joue dans cette saison, attire à elle seule une audience massive de fans asiatiques et internationaux. Certains experts estiment que sa simple présence dans le casting pourrait doper le tourisme régional, en particulier en Corée du Sud et au Japon, explique Chompu Marusachot directrice du Thaïlande Tourism Authority à Bloomberg.
Le tourisme de série, bénédiction ou malédiction ?
Derrière l’engouement pour le « White Lotus effect » se cache une tendance plus large : le set-jetting. Ce concept, qui désigne le fait de choisir une destination en fonction de son apparition dans un film ou une série, est devenu un moteur clé du tourisme mondial. « Game of Thrones » a fait de Dubrovnik un passage obligé en Croatie, « Le Seigneur des Anneaux » a boosté le tourisme en Nouvelle-Zélande, et « Emily in Paris » a relancé le fantasme du Paris idéalisé (au grand dam des vrais Parisiens), selon le Figaro.
Mais ce phénomène n’est pas sans conséquences. La Thaïlande, en particulier, a déjà souffert des dérives du set-jetting. Maya Bay, rendue célèbre par « La Plage » avec Leonardo DiCaprio, a dû être fermée plusieurs années à cause du tourisme de masse qui a détruit ses récifs coralliens. Aujourd’hui encore, les autorités locales se demandent comment gérer l’afflux de touristes attendus à Koh Samui et Phuket, où ont été tournées certaines scènes de White Lotus, rapporte le Guardian.
Sur l’île de Samui, où se trouve l’hôtel Four Seasons mis en avant dans la série, des écologistes tirent déjà la sonnette d’alarme. L’île fait face à un grave problème de gestion des déchets, avec une décharge de 150.000 tonnes qui continue de s’étendre. L’explosion du tourisme risque d’aggraver la situation, en augmentant la pression sur les ressources naturelles et en accélérant la gentrification. Un responsable local du tourisme a résumé le dilemme dans le même article : « Sans la mer, le sable et le soleil, personne ne viendra. Mais si nous les détruisons, que restera-t-il ? »
En tout cas, on a trouvé la meilleure façon de survivre à la grisaille de février sans exploser notre bilan carbone en regardant des millionnaires en crise existentielle s’entretuer sur Max.