France

C’est quoi cette nouvelle taxe « emballages » qui va coûter un bras à la boulangerie ?

Les boulangers ont le sentiment de se faire rouler dans la farine. « A force de nous prendre pour une vache à lait, je me pose même la question de savoir si, au fond, ils ne veulent pas que les boulangeries ferment », s’inquiète Jérémy Keil, de la Maison Keil, et propriétaire de trois boulangeries à Strasbourg. Concrètement, depuis le 1er janvier 2025, une taxation simplifiée sur les emballages est appliquée pour chaque métier de bouche.

Selon l’Adelphe, « éco-organisme qui aide les TPE et PME dans la réduction de l’impact environnemental de leurs emballages et papiers », les boulangers devront ainsi payer, hors taxe bien sûr, 0,0079 euro pour chaque passage en caisse. Les fromagers crémiers 0,0216 euro et les boucheries-charcuteries traiteurs, 0,0223 euro. Sacs à baguette ou plastiques, gobelets, boîte à gâteaux ou encore sachets de viennoiseries, tout y passe.

« Cette contribution de 0,0079 euro, ça peut paraître peu quand on en discute comme ça. Mais sur 900 passages par jour, multiplié par 320 jours d’ouverture, ça fait dans les 2.500 euros par an, souligne Jérémy Keil. c’est des frais que l’on n’avait pas prévus ! »

Une simplification administrative qui interroge

Cette taxe est présentée comme une simplification administrative, avec l’objectif de réduire les emballages pour préserver l’environnement. « Si ça reste dans une démarche écologique, avec un fléchage clair de l’argent, ça peut s’entendre. Mais pour l’instant, ça reste tout de même très flou. Quand on sait pourquoi on paye, ce n’est pas forcément un problème, mais payer pour payer… », avance José Arroyo, président de la Fédération patronale de la boulangerie du Bas-Rhin.

« Depuis des années, on nous demandait de compter au réel le nombre de papiers, de boîtes, fournies aux clients. C’était trop difficile et chronophage. Et vu qu’il n’y avait pas d’accord avec les organisations professionnelles, il y avait toujours une espèce de négociation et pas de caractère obligatoire, souligne José Arroyo. Et pour faire passer ça, à force de nous tordre le bras, ils ont fini par obtenir ce qu’ils souhaitaient avec l’idée d’une simplification administrative […]. Mais même là ce n’est pas juste et difficile. Ils vont s’appuyer sur quoi pour vérifier cette taxe ? De nombreux boulangers vendent une grosse partie de leurs pains à la restauration, et cela va fausser le nombre de passages en caisse. On est de nouveau sur un truc où on lance une taxe mais en termes de contrôle il n’y a rien. Mon métier, c’est boulanger, et je passe une bonne partie de mon temps à faire de l’administratif, et je dois aussi me faire aider par un comptable. »

« On ne bouge pas nos prix, on réduit nos marges »

Pas « vérifiable et pas juste », peu pratique aussi. « J’ai quand même une partie de ma clientèle qui vient avec un sac à pain et à qui on ne donne pas d’emballage. On ne peut pas facturer comme ça ! Aujourd’hui, on ne peut pas leur demander de ramener une boîte pour les pâtisseries qu’ils vont acheter chez nous ! Nous n’étions pas préparés à ça, rage le boulanger strasbourgeois. Entre l’électricité, le chocolat, le beurre, la contribution pour les déchets, le manque de personnel, le sous-effectif et encore ça, le moral des boulangers n’est pas au beau fixe ! […] J’ose croire que ce n’est pas définitif. »

Reporter la taxe sur le prix ? « Si vous ajoutez 5 centimes au prix de la baguette, souligne Jérémy Keil, la clientèle va se dire que c’est le boulanger qui profite de cette taxe pour se faire une plus grande marge. Si vous mettez 1 ou 2 centimes, ça ne sera pas possible avec toute la monnaie au centime à gérer. Nous, on ne bouge pas nos prix, on réduit nos marges […], mais je ne change pas les recettes ni la qualité du produit, explique l’artisan boulanger plusieurs fois récompensé pour ses baguettes ou ses croissants pur beurre. On sent bien que le pouvoir d’achat des gens baisse chaque année. Mais au bout d’un moment, c’est compliqué. » L’artisan a encore du pain sur la planche.